Dimanche 12 février – Puerto Montt à Bariloche – Viva Argentina !

La pluie n’a pas cessé de toute la nuit. Malgré l’aération naturelle de notre fenestration bon marché, l’eau n’est pas rentrée dans notre chambre.
Nous nous levons aux aurores et montons à la salle à manger pour profiter du petit-déjeuner offert avec la chambre.

La table à coté est occupée par quatre Chinois qui mangent tellement comme des cochons que ça en devient insupportable. Le préposé au déjeuner préfère se rendormir sur le canapé plutôt que subir les mâchouillis, mastications bruyantes et renâclements de gorge. J’ai trop faim, je vais tenir le coup.

Nous terminons rapidement nos sacs et marchons vers le terminal des bus. Notre autobus part à 8h30, et j’ai choisi les pires places, en face de la porte des toilettes, tout au fond.

De Puerto Montt, nous repassons par le petit terminal de Puerto Varas puis faisons un arrêt à Osorno. Ensuite, nous longerons certains des lacs où nous avions campé avec notre Maradonette quelques jours plus tôt, et passerons par Entre Lagos où malheureusement, nous n’aurons pas le temps de déguster une part de ce délicieux küchen, au café homonyme.

Une famille canadienne, avec un papa diplomate à Buenos Aires, s’est installée à l’avant du bus. Leur fiston, Gabriel, blond et bouclé comme un Saint Jean-Baptiste, est atteint d’un virus qui lui fera passer des très longues minutes aux toilettes.
Régulièrement, nous le voyons, blanc comme un linge propre, courir dans l’allée, ouvrir la porte en catastrophe et se jeter tête première dans le fumet nauséabond du petit bol en inox.
À chaque fois, nous espérons qu’il n’y a personne, car nous sommes les voisins directs des lieux d’aisances.

Ses cris et gémissements emplissent alors une partie du bus et brisent les cœurs les plus endurcis. Sa maman vient le voir en lui prodiguant moult encouragements et gentils mots. Elle s’excusera du dérangement engendré par son garçon, mais nous nous mettons à sa place et compatissons avec ferveur.

Enfin, vers midi, nous arrivons à la douane chilienne. Instant redouté par André qui panique à l’idée que l’on découvre qu’il n’a rien d’incriminable dans ses affaires. Il s’agit simplement de sortir du bus, de faire une file rapide, de collecter le tampon de sortie du pays et nous pouvons remonter vers nos sièges.

Quelques dizaines de kilomètres plus loin, à travers le Parque Nacional Puyehue, nous traversons un no mans land volcanique où quelques arbres se battent pour survivre au milieu des landes de scories, nous arrivons à la frontière argentine. Ici aussi ça va assez vite, enfin pas loin d’une heure, mais les formalités sont rapidement expédiées. 
Vérifications du passeport, et surtout de la taxe de réciprocité dont sont imposés les ressortissants de quelques pays, dont le Canada. Cette taxe, qui existait également au Chili avait été supprimée peu de temps avant notre voyage, mais elle a toujours cours en Argentine. Exigée par le Canada pour les Argentins est donc logiquement réclamée aux Canadiens par le gouvernement argentin.

Il faut impérativement la payer en ligne et l’imprimer avant le passage à la frontière, sinon l’accès au pays est, soit interdit, soit surtaxé comme pour cette Québécoise dont nous croiserons la route à El Calafate. Arrivée à la douane comme une fleur, sans s’être moindrement renseignée, il lui a fallu payer 200$US pour un visa express sur place, en ligne, il en coûte 79$US.

Nous redescendons vers la plaine et les innombrables lacs. La forêt de résineux, la fraîcheur montagnarde, et les reflets éblouissants du soleil dans l’eau limpide des lacs nous transportent dans un pays plus alpin, quelque part entre Autriche et Suisse.

Enfin, à 16h15, notre autobus arrive à San Carlos de Bariloche. Délivrance pour le jeune Gabriel qui est maintenant presque transparent, et pour sa maman qui ne sait plus quoi faire pour aider son fils. Au moins, il va avoir droit à des vraies toilettes pour se débarrasser de son envahissant virus.
N’ayant pas le moindre centime de monnaie locale, nous ne pouvons monter dans un taxi et nous rendons à pied au centre-ville..
Presque quatre kilomètres à parcourir avant de débusquer la réception de l’Hôtel Internacional et d’accéder à notre petite chambre où nous pouvons enfin nous débarrasser de nos sacs.

Premières constatations, c’est cher ! La chambre d’hôtel n’est pas une surprise puisque nous l’avion réservé en ligne, mais dans l’ensemble, la vie semble plus chère qu’au Chili. Et pour cause… 
Durant l’année 2016, ce sont 40 % d’inflation que le pays a connu, les prix indiqués dans notre guide de voyage sont obsolètes et pour éviter que l’économie vacillante du pays ne soit encore plus instable, le retrait maximal dans les distributeurs est de 167$ CA avec des frais fixes de 13$, plus 2$ de frais bancaire. Je n’ai pas du tout l’impression de me faire arnaquer...

Et ici, l’argent comptant sort plus vite que prévu, puisque, contrairement à son voisin, le pays accepte beaucoup moins les cartes de payement. 

Mais c’est beau ! Le site est superbe, la ville perchée au bord de l’immense lac Nahuel Huapi, et l’architecture ressemble à s’y méprendre à une ville des rives d’un lac alpin.
Nous faisont un tour sur la place que domine le fier général Roca campé sur son canasson. 

Un peu d’histoire :
Président du pays en 1880, Alejo Julio Argentino Roca Paz est également connu pour avoir mené des campagnes militaires afin de conquérir des territoires originellement occupés par les autochtones. Comme tout bon homme blanc, il considérait les sauvages comme des animaux, en moins pratique, et fut prompt à les génocider par dizaines de milliers. Bien que les Mapuche furent de solides guerriers, ils ne purent lutter contre une armée moderne et bien entraînée. Après avoir décimé les guerriers, l’armée de Roca fit passer plusieurs dizaines de milliers de femmes, enfants et vieillards au fil de l’épée ou fauchés par la mitraille. Les survivants furent déportés dans des endroits où même un caillou refuserait de pousser, des milliers de familles et de couples furent séparés pour qu’aucun nouveau-né ne puisse être engendré.

Henri Bouquet
On ne pousse pas de hauts cris horrifiés, car à pareille époque, nos vaillants conquérants ds nouveaux mondes faisaient subir le même sort aux Amérindiens d' Amérique, aux Aborigènes d’Australie et de Tasmanie et autres peuplades ancestrales. 
Soit par la chasse organisée comme en Australie, où les Aborigènes ne furent exclus de la liste des plantes et des animaux qu’en 1967, ou tout simplement par maladie. Rhumes et grippes apportés par les colons, ou grâce à des couvertures et vêtements contaminées par des maladies mortelles. 

Et surprise, c’est un Suisse, le démoniaque Henri Bouquet, qui semble être à l’origine de cette première guerre bactériologique en 1764, lorsqu’il offrit généreusement des couvertures infectées de variole aux Amérindiens.
Il a quand même une bonne tête de salaud. 

On revient au grand bol d’air frais et à notre découverte bucolique de Bariloche. 
Des gros chiens Saint-Bernard, tonnelet dûment accroché autour du cou attendent le touriste pour une photo souvenir. 
Partout dans la ville, des dizaines de magasins de chocolat laissent échapper leurs effluves cacaotés dans les rues venteuses.
Capitale incontestée du chocolat, où pourtant aucun cacaoyer ne pousse, nous serons fort agréablement surpris par sa qualité et ses prix abordables. Je sens que ce séjour sera une réussite !

Le soir, nous allons nous poser au fameux El Boliche de Alberto, un restaurant réputé, tout entier dédié à la viande. Nous avons de la chance de trouver une place, car cet endroit est extrêmement couru. 

Un immense barbecue occupe un vaste espace, des boudins bedonnants, des chorizos fringants et de fières pièces de bœuf ou de porc trônent sur le comptoir, une vision de l’anti-chambre des Enfers pour les végétariens.

Le bife de chorizo (contre-filet) de 400 grammes est accompagné d’un Everest de frites fraîches. Tout est surdimensionné, il y a la moitié d’un jardin dans le bol de salade et la purée pourrait nourrir une table de 4 personnes affamées. 

La viande est un pur délice, cuite à la perfection, fondante à souhait, et le tout est évidemment arrosé d’un vin à la hauteur de cette bonne table.

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