Andalousie - Grenade - 2/4

Vendredi 15 mars – Grenade : Cathédrale, Chapelle Royale et Buena Vida !

---

La journée commence par la visite de la Catedral de la Encarnación – cathédrale de l’Incarnation.


C’est étonnant de voir à quel point cet immense édifice se fond dans le paysage urbain.

Du haut du Mirador Ojo dans le quartier Albayzin (ou Albaicìn) où nous étions hier, le majestueux bâtiment se projette hors de la ville vers les cieux, mais là, il est impossible de prendre le recul nécessaire pour en apprécier toute la prestance. 

Devant les portes, les gradins et barrières en prévision des défilés de la semaine sainte sont déjà installés. Au fur et à mesure de l’avancement de notre voyage, nous constatons tous les jours les mises en place de ce mobilier urbain. La fête promet d’être grandiose ! 

Avant de se jeter dans le ventre du majestueux édifice, un tout petit peu de culture : 
La ville de Grenade est reconquise en 1492 et la décision est prise de bâtir une église sur le site de l’ancienne grande mosquée nasride.
En 1506, le premier projet voit le jour. 
Les travaux débutent en 1518 pour s’achever en 1704. Du gothique prévu aux origines du projet, un nouveau style arrivant d’Italie bouleverse l’architecture : le style Renaissance né aux alentours de 1400. 

En 1523, on décide d’abandonner le gothique, qui reste présent dans le plan général de l’église, mais c’est le style Haute Renaissance, qui va surmonter toutes ces solides fondations. 
L’instabilité du terrain empêche la construction d’une deuxième tour et même celle qui devait chatouiller les cieux avec ses quelque 80 mètres se voit raboter et atteindre une cinquantaine de mètres au-dessus de la foule des croyants. 
La cathédrale de Grenade est la première de style Renaissance à voir le jour en Espagne. 
Grâce à l’achat du billet en ligne, nous passons devant tout le monde, enfin le peu de monde de 10 heures. Un audioguide est fourni via un code QR qu’il suffit de scanner avec son téléphone, de choisir sa langue et c’est parti pour la visite.

Ce qui frappe en premier dans cet espace gigantesque, c’est la luminosité. 
Les édifices religieux sont plus souvent plongés dans des ombres propices au recueillement et à la dévotion. Ici non, on préfère la lumière, la joie et le chant. 

Quand j’étais plus jeune, Saint Augustin me disait souvent : Qui bien chante, deux fois prie

Et pour bien chanter, il faut des orgues, deux de préférence ; de la lumière, plein, et une des plus grandes cathédrales si possible. Et bien à Grenade ça tombe bien, ils ont tout ça. 

Et puis, ces portes. Hautes de près de 10 mètres avec un verrou aux 3/4 de la hauteur, les anciens étaient des géants ! 

Nous suivons fidèlement le guidage de la visite et constatons qu’il faisait bon vivre dans la Foi. 
De calices en tabernacles, d’hosties en ciboires, de l’or du sol au plafond, de l’argenterie, des pierres précieuses, des bagouses de princes, de la broderie en fil d’or, des peintures, du marbre à grandeur, des sculptures en bois précieux ou en ivoire, une flopée de livres de prières gigantesques et enluminés, il semble que le vœu de pauvreté de notre Sainte Église ait tenu aussi longtemps qu’une bonne résolution de nouvel-an. 

En tout cas, ça fait du bien beau décor et de la belle ouvrage. 

Nous quittons la cathédrale pour nous diriger vers la Chapelle Royale
J’ai réservé une visite pour cet après-midi, mais tant qu’à être dans le coin, nous allons tenter de forcer le passage. Et ça passe. 

Interdiction de prendre des images à l’intérieur de ce mausolée où reposent les couples de Rois Catholiques. 

La reine Isabelle décède en 1504, et son mari Ferdinand quitte ce monde en 1516. 
En attendant que leur dernière demeure soit achevée, les dépouilles royales sont provisoirement placées au couvent franciscain de l’Alhambra. 

En 1517, Domenico Fancelli, sculpteur et florentin, met un dernier coup de burin sur le marbre blanc des tombes royales. La chapelle est enfin terminée. 

Il faut encore attendre 1521 et l’ordre de Charles Ier pour y transférer les dépouilles d’Isabelle et Ferdinand. 

Les sculptures figées dans la pierre des premiers Rois Catholiques sont voisines du mausolée dédié à Philippe Ier ‘’le beau’’, mort en 1506 à seulement 28 ans et de sa femme Jeanne de Castille, aussi connue sous le charmant sobriquet de Juana la Loca.

Fille de Ferdinand et d’Isabelle, elle règne un peu avant d’être enfermée chez les fous. Son fils Charles Ier, qui va devenir le très puissant Charles Quint, prend alors les rênes du pouvoir, mais c’est une autre et longue histoire. 

Un petit escalier mène à la crypte où, sous les imposants cénotaphes, reposent, dans des cercueils en plomb, les corps d’Isabelle et Ferdinand, de Jeanne et Philippe, ainsi que le prince Miguel, futur roi, qui succombe à l’âge de deux ans. 

La visite de la crypte est expéditive. Un étroit escalier descend vers une ouverture sur les cercueils qui permet d’y jeter un œil et un escalier remonte. Il n’y a pas grand monde aujourd’hui, mais j’imagine des files d’attente plus fournie pendant les festivités religieuses ou les vacances. 

Retour à la lumière des vivants, aux sculptures, aux riches décorations, aux immenses tapisseries et aux peintures. 

Deux octogénaires québécois ne peuvent s’empêcher de remarquer à haute voix : ‘Stie qu’est lette la Isabelle ! 
J’ai bien le goût de leur répondre : Messieurs, il ne s’agit pas d’une photographie d’époque, n’y voyez surtout pas le fantasme de l’homme, mais plutôt... Comment dirais-je... ? La recherche créative, le délire de l’artiste. 

Mais à bien y regarder, je suis plutôt d’accord avec mes deux critiques d’art en sandales et chaussettes, les peintres de l’époque ne se forçaient pas trop pour coller à la réalité à moins que ladite réalité ne soit précisément des anatomies fort peu pourvues par la nature. 

Et voilà en résumé les deux visites officielles de la journée. 

En sortant de l’enceinte de la cathédrale, nous franchissons la ruelle et entrons dans le Palacio de la Madraza, un établissement d’enseignement datant de 1349 et transformé en centre culturel. On y enseignait la théologie, le droit, la médecine, l'astronomie, la logique, les mathématiques, la géométrie et la mécanique. 

Si la madrassa a survécu à la Reconquête de 1492, et continue son œuvre d’instruction jusque début 1500, elle subira l’obscurantisme des extrémistes bigots de l’Inquisition qui trouve un prétexte fallacieux pour venir la piller et brûler tous ses ouvrages en place publique pour la plus grande joie des habitants qui n’avaient pas beaucoup de distractions à l’époque. 

Nous quittons l’édifice et nous perdons dans un méandre de ruelles aux boutiques colorées de lampes marocaines, d’effluves d’encens et de tapis chamarrés. L’ancien bazar nous ouvre ses dernières ruelles. 
Cette Alcaicería (ancien marché musulman de la soie), construite au cours de la période nasride est la seule qui existe encore en Espagne, bien qu'elle nous soit parvenue mutilée et reconstruite au XIXe siècle. Après la Reconquête, elle fut agrandie, mais le déclin progressif du commerce de la soie au cours des deux siècles suivants créa la nécessité d'ouvrir de nouvelles entreprises textiles et différents ateliers de cuir, de cacao, d'épices. Après un incendie survenu en 1843, le projet de reconstruction lui donne un caractère homogène grâce à l'alignement et à l'élargissement des rues. 

Nous nous extirpons du centre-ville et remontons les bords de la rivière Darro le long de laquelle court un chemin des plus bucolique. 
Enfin, dès lors que nous laissons passer les hordes d’écoliers plus survoltés les uns que les autres. 

Au sommet de la falaise trône l’Alhambra, à ses pieds, sur la petite place de la fontaine del Paseo de Los Tristes, un marché de très bon goût propose une sélection de jolis objets artisanaux. 

Nous faisons une pause dans la Tetería El Bañuelo dont la terrasse offre une vue dégagée sur le palais. 

Ces salons de thé arabes sont assez nombreux à Grenade, en particulier dans le quartier Albayzin
L’ambiance y est relaxe, certains établissements offrent la possibilité de fumer la chicha et le choix de thés est exhaustif. 

Sur la terrasse, au soleil et avec les murs de l’Alhambra sous nos yeux, nous prenons le temps de siroter notre infusion, tout en craquant pour quelques pâtisseries orientales. 

C’est quelque part en Afrique du Nord que nous ferons honneur à une assiette de houmous et un délicieux couscous au poulet. 
Tout autour de nous, les échoppes laissent s’envoler les parfums des sacs d’épices, de loukoums sucrés, de noix caramélisées, de thés à la menthe ou d’encens fumant. 

Au soir, retour dans le quartier de la Cathédrale, petit verre en terrasse accompagné de tapas avant de tomber sur LE bar à l’ambiance complètement folle, ou non seulement le verre coûte moins cher qu'ailleurs, mais où l’on peut choisir n’importe quel tapa du menu pour l’accompagner. 

La Buena Vida Tapas porte bien son nom. 
Ici c’est la fête sans prise de tête et un repas à moindres frais. 
On se revoit demain ma belle et joyeuse jeune fille aux tresses en folie !

---

CLIC - CLAC, merci Cricri !

Andalousie - Grenade - 1/4

Jeudi 14 mars – Grenade, à la découverte de la ville

---

Nous quittons la douce ville de Cordoue à bord d’un train de la RENFE après avoir dûment remercié notre hôtesse pour la gentillesse de son accueil. 

Une très belle journée s’annonce, mais qui se solde quand même par un imprévu. De la taille d’une énorme forteresse inaccessible. Mais, encore une fois, je mets le dauphin avant son rostre... 

Quelque vingt minutes de marche suffisent à nous rendre à la gare.
Un changement de dernière minute nous fait courir d’un quai à l’autre, puis le train s’ébroue en direction du sud-est. 
Ce n’est pas, de loin, le train à grande vitesse que nous avions pris de Séville à Cordoue, mais le paysage est tellement beau que c’est un plaisir de traînasser. 

Des oliveraies s’étendent à perte de vue sur les plaines et les collines, ponctuées des taches blanches de quelques hameaux dispersés comme des touches de peinture sur une toile aride.

Au loin, des montagnes aux pentes abruptes reflètent les rayons du soleil sur des roches brûlées par les millénaires. Soudain, une terre arable. Un paysan, seul être vivant dans l’immensité, est courbé sur la terre sèche et plante de quoi subvenir à ses besoins. 
Nouvel arrêt du train dans une gare isolée. 
Quelques passagers montent, d’autres descendent. Mais d'où sortent-ils ? Où vont-ils ?

Dernier arrêt à Loja, grande agglomération au milieu des montagnes à 60 kilomètres de notre destination. Enfin, nous arrivons en gare de Grenade et sautons rapidement dans un Uber à destination de notre logement. 
Nous eûmes pu faire le trajet à pied pour compléter notre total de pas du jour, mais c’est quand un peu loin avec nos sacs sur le dos. 

Noelia, qui parle encore moins bien anglais que moi espagnol, mais avec qui je converse via un traducteur depuis plusieurs jours, nous ouvre grand l’appartement mis à notre disposition. 
On est loin de la chambrette de bonne de Cordoue ! 
Chambre, salon, cuisine, deux cours intérieures – sans toutefois le charme des patios cordouans -, il y a tout ici pour passer un séjour tranquille. 

Et c’est dans quelques minutes que nous allons enfin réaliser que nous allons passer à côté de la plus incroyable visite de notre séjour. Mais d’abord, il faut marcher. 

Nous abandonnons nos bagages et montons rapidement à l’Alhambra pour y quêter des billets. Depuis notre arrivée, nous essayons de trouver deux entrées pour ce site absolument incontournable de tout séjour à Grenade. Nous aurions dû prévoir cette visite et réserver les billets il y a des semaines, mais les aléas de la vie, hein… 

Il est 14 heures, André fait une drôle de tête depuis plusieurs minutes, pour enfin m’expliquer qu’il s’attendait juste à visiter notre quartier et pas à grimper à flanc de montagne au pas de course sous le soleil et sans avoir rien mangé, ni bu depuis tôt ce matin. 
Oups, je crois que j’ai oublié de lui faire part de mon projet. 

Ça grimpe raide, les escaliers succèdent aux ruelles pavées de galets, mais l’espoir nous donne des ailes. 

Ailes rapidement coupées par la gardienne de sécurité qui prend son rôle beaucoup trop à cœur en nous montrant l’affiche : complet pour la journée

Je lui explique que j’ai bien vu l’affiche, mais que nous sommes disponibles et ouverts à toutes les propositions pour les 4 prochains jours. 
Réponse tout aussi lapidaire : Complet pour 3 semaines
Bon, merci, madame, et bonne journée. 

Alors nous prenons le sentier des âmes en peine et admirons les murailles de l’immense, et incontournable palais de l’extérieur. C’est très beau aussi. 

En tout cas, puisque nous n’irons pas visiter l’Alhambra, je n’en dirais pas plus, allez voir sur Wikipédia… 

Nos pas nous mènent dans le quartier Sacromonte, le fief des Gitans et berceau du flamenco. 

À travers les ruelles étroites, nous grimpons jusqu’au belvédère de Saint-Nicolas d’où nous avons la meilleure vue sur l’Alhambra avec en toile de fond les cimes enneigées de la Sierra Nevada. 

Nous redescendons vers la ville en passant par le quartier Albayzín, où peu de voitures peuvent circuler tant les ruelles entre les maisons blanches perchées à flanc de collines sont étroites. Rues bordées de magasins de souvenirs à tendance marocaine, restaurants plus tajines et couscous que jambon ibérique, teterias (salons de thé) où flottent les fumées des chichas, nous sommes transportés dans un autre monde. 

Finalement, ça a du sens vu l’influence arabe qui règne sur toute l’Andalousie et particulièrement ses villes. 

Un petit arrêt rafraîchissement nous rappelle qu’à Grenade, un tapa est servi automatiquement lorsqu’on commande à boire. 

Nous visitons rapidement le Corral del Carbón – cour du charbon -, un ancien caravansérail du XIVe siècle, et le seul conservé en Espagne. 
Il devint ensuite un entrepôt à blé, après la Reconquête, puis un théâtre et enfin une cour à charbon de bois. 

Nous finissons ce premier après-midi de découverte aux alentours de la Cathédrale, un édifice majestueux vu des hauteurs, et presque totalement invisible du sol, caché au milieu de hautes maisons. 

Le soleil en fin de course jette ses ultimes rayons dorés sur l’édifice. 
La tour de la cathédrale semble faite d’or, elle illumine tout le quartier, elle est comme un phare en ce jour finissant. 

Juste à côté, le quartier des universités. 
C’est un bouillonnement de vie, les terrasses sont pleines, ça parle vite, très vite, ça crie, ça rit, ça chante. Ça ne selfise pas à tout va, ça sympathise, ça interpelle, j’aimerais avoir le don de connaître toutes les langues. 

À deux pas de notre appartement, le Bar Avila Tapas est plein à craquer, mais il y a son petit frère, le Avila II dans lequel nous trouverons de la place et une chouette assiette de jambon. 
Mais oui, encore !

---

CLIC - CLAC, merci Cricri !


.
.

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...