Nous
descendons au bourg, stationnons la machine et nous promenons sur le
bord de mer. Ici la plage est étroite et toute coincée contre la
digue et la route. Ça a l'air particulièrement agréable de poser
sa serviette dans ce coin là... Nous
nous dirigeons vers l'est, quelques hôtels se partagent l'espace,
des masseuses nous proposent des soins en traînant infiniment sur le
A de massaaaaaaaaaaaaaaaaaaaage, tandis que d'horribles têtes
tressées invitent les petites filles à ressembler à leur maman en
pleine crise d'adulescence. À l’extrémité de ce bout de plage,
une rivière, le Rio Crado jette ses flots immondes
dans une mer intoxiquée. Le recyclage est encore une utopie et jeter
une bouteille ou un gobelet en plastique à la poubelle une option
peu envisagée. La plage est tellement plus pratique, de toute façon
dans quelques heures la marée aura vite fait de tout nettoyer.
Nous
quittons ces lieux paradisiaque et roulons en direction de nulle
part. Les formations karstiques hantent le paysage de leurs immenses
silhouettes et donne à cette région un décor si particulier. Je
suis fier d'avoir décris toute une journée au pays des formations
karstiques sans en citer une seule fois le nom, car ici le mot
karstique c'est un peu comme le ostentatoire
que l'on a entendu au Québec pendant tout l'automne. Il y en a
partout !
Intrigués par une pancarte indiquant une visite gratuite d'un
jardin d'épices, nous
décidons de profiter de cette attraction.
Nous
sommes accueilli par un petit bonhomme qui se trouve être le
propriétaire de ce beau jardin. Un pharmacien hollandais à la
retraite qui a décidé en 2003 de défricher un coin de cette jungle
impénétrable pour en faire un jardin éducatif. Des plantes
aromatiques, médicinales et alimentaires y ont trouvé un terreau et
un climat idéal pour leur croissance. Le fringant septuagénaire
galope dans tous les sens, nous expliquant en anglais et un peu en
latin ses plantes et leurs propriétés et il marcherait encore plus
vite s'il ne perdait pas continuellement son pantalon. Un passionné
qui se refuse à vendre la moindre de ses racines ou de ses baies et
qui nous fait partager sa passion.
Une famille se joint à nous, les
deux petites filles posent avec entrain devant chaque plante pour le
plus grand plaisir de leur mamarazzi,
mitraillant sa progéniture comme si elle devait être enlevée par
des extra-terrestres dans la seconde.
Hey ma grande, si tu me vole
encore une feuille dans ma main tu va la prendre quelque part, maudite mal élevée !
La curiosité exacerbée de la plus jeune sera durement réprimandée par une armada de fourmis rouges géantes comme seules les Tropiques peuvent en inventer et finira dans les bras de son papa qui commençait à apprécier le calme de ce jardin.
La
visite se poursuit, nous sentons des feuilles, des fleurs, poivriers, caféiers, des
écorces, des racines, des bulbes et des lianes, et à chaque fois
essayons de mettre un nom sur ce parfum que pourtant nous
connaissons. Écorce de cannelle, galanga, fleur de gingembre,
feuilles de combava, tiges de citronnelle, piment, et autre arômes
se mêlent et s'amusent à troubler nos sens pour le plus grand
plaisir de ce professeur Tournesol exotique et survolté.La curiosité exacerbée de la plus jeune sera durement réprimandée par une armada de fourmis rouges géantes comme seules les Tropiques peuvent en inventer et finira dans les bras de son papa qui commençait à apprécier le calme de ce jardin.
Les fourmis sont friandes d'un grand figuier et nous accompagnons dans la douleur la petite blonde, mais son papa a déjà les bras pleins, nous nous contenterons de taper des pieds pour en faire tomber les curieuses guerrières aux mandibules acérées.
André
pousse un cri d'horreur en voyant un énorme lézard attraper un
petit rat aux oreilles rondes, mais je serais le seul à reconnaître
cette intonation et à m'en inquiéter. Le gros reptile est en train
d'escalader un tronc d'arbre avec dans sa puissante mâchoire le
pauvre rongeur qui se débat et tente encore de fuir. Peine perdu, le
saurien tient à son goûter comme un Anglais sa pinte de bière
tiède et seule mon intervention photographique fera lâcher prise à
l'animal. Je manque de recevoir la boule de poils tremblotante au
terme de sa courte existence en pleine face, et l'évite de peu. Un
souffle de vie parcours encore la bestiole et son agonie sera de
courte durée, j'imagine l'impatience du reptile à nous voir
déguerpir pour enfin passer à table.
Mine
de rien, deux heures sont passées, ce jardin est bien plus grand
qu'il n'y paraît et surtout il y a tant de choses à voir. Un petit
billet glissé dans le pot à pourboires et nous quittons sa Majesté
des fourmis pour quelques kilomètres de balade à travers cette
jolie région.
Sur
le chemin du retour un grand marché vient d'ouvrir et nous ne
pouvons résister à une visite. Les parfums sont intenses, le visuel
n'est pas mal non plus. Ça commence par quelques gaufres sucrées,
un monsieur très désagréable broie des cannes à sucre pour en
extraire un délicieux jus sucré et nous fait un prix d'ami, une
jolie jeune fille voilée tourne des crêpes aussi rapidement qu'un
Bigoudène expérimentée, des fruits bien mûrs remplissent des
étals appétissants et ensuite commence le vrai plaisir. Un marchand
d’œufs fécondés propose une dégustation gratuite avec un grand
sourire édenté, les poissons frais sortis de la mer d'Andaman
bougent encore, les viscères de poulets côtoient de la viande
hachée du même animal, des pattes de poules frites, du poumon et
des abats de je-ne-sais quelle bestiole, des bassines de pâtes de
curry, des galettes de fruits de mer frites, des moules géantes, du
poisson séché, des coquillages, beaucoup d’œufs de caille, et
pour finir avec cette rangée, des limules. Surnommé crabe au sang
bleu, il est en fait de la même famille que les scorpions et les
araignées et il compte 500 millions d'années de présence sur notre
planète, mais ça ne le rend pas plus appétissant...
Finalement
il y a tout un tas de choses que j'aurais aimé goûter dans ce
marché. Certes les conditions d'hygiène ne sont pas du tout aux
standards auxquels nous sommes habitués, mais les Thaïlandais
cultivaient déjà du riz alors que nos ancêtres mangeaient des
racines et du lichen en poussant des grognements...
Le
coucher de soleil sur l'immense plage désertée par la mer nous
offre un dernier spectacle magnifique. Les ombres de promeneurs
s'allongent sur le sable doux. Les rayons glissent sur les flaques
d'eau en renvoyant des myriades d'étincelles vers les étoiles
naissantes.
Je sais pas pourquoi mais j'aime le lyrisme des fins de journées...
Je sais pas pourquoi mais j'aime le lyrisme des fins de journées...
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