Peinant à trouver le bon quai de départ, les
passants nous viennent en aide et pouvons enfin monter dans le bus en direction
de Kandy.
Premiers arrivés, premiers servis, nous allons immédiatement déposer
nos sacs sur le rebord de la vitre arrière, car il n'y a ni soute à bagages, ni
espace de rangement dans le bus. Il n'y a pas non plus de toilettes, alors il
faut y réfléchir à deux fois avant de s'embarquer pour 4 heures de virages et
résister à l'envie folle de s'hydrater pendant le trajet.
Nous nous posons sur la grande banquette
arrière et attendons le départ. Persuadés qu'il sera donné seulement lorsque le
bus sera plein à craquer, strapontins centraux et cages à poules sur les genoux
compris, nous prenons notre mal en patience. Mais l'horaire de départ est
respecté et à 11h45 précise l'équipage s'ébranle.
Après avoir failli monter dans un bus de
ligne régulière, moins cher et sans climatisation, je me rends compte que le
petit confort apporté par l'air frais est rudement appréciable. La chaleur et
surtout les émanations toxiques auraient rendus ce voyage encore plus long
qu'il ne le sera déjà.
Le siège est dur comme un matelas thaï,
les genoux coincés contre le dossier avant et les coudes collés au corps, seuls
mes poignets et trois doigts peuvent se mouvoir maladroitement sur le clavier
du iPad. L'avantage c'est qu'en 4 heures de voyage j'aurais largement le temps
de corriger mes fautes de frappe.
Nous payons le billet 310Rp (2,75$),
frayeur inclue.
Un accident serait facilement envisageable, mais à la vitesse à laquelle nous roulons au moins on aura le temps de le voir
arriver.
C'est un petit peu n'importe quoi, mais,
comme les milliers de poissons d'un banc qui bougent à l'unisson sans prendre
le temps de se consulter, les chauffeurs semblent communiquer entre eux sans se
parler, ni même se voir.
Dans une côte, à l'entrée d'un virage en épingle sans visibilité, notre bus double un camion-citerne aux cuves pleines d'essence qui double un tuk-tuk, pendant qu'un autre autobus nous double en klaxonnant alors qu'en face arrive un gros pick-up en train de doubler un tuk-tuk.
Les véhicules passent si près de ma
fenêtre que je suis capable de lire la correction gravée dans les lentilles de
contact des chauffeurs. Je crois que je viens de remplir ma couche.
Alors, dès que nous passons devant un
temple, une mosquée ou une église, de quelque confession qu'ils soient, je
lance un appel silencieux vers l'entité qui voudra bien m'entendre. Que tous
les dieux fassent fi de mon athéisme, je brûlerais des cierges, de l'encens,
des pneus ou n'importe quel combustible qui puisse apaiser les colères divines.
J'aimerais juste mette un peu d'ordre dans mes affaires avant de trépasser.
L'essieu arrière sur lequel nous sommes assis, geint lugubrement, lui aussi
aimerait trouver un peu de repos.
En levant les yeux de mon écran je vois
les têtes des passagers endormis aller et venir au gré des virages et je me dis
que je m'en fais pour pas grand-chose. N'empêche que j'ai hâte d'arriver et de
déplier ma jambe droite que je ne sens plus depuis quelques heures et qui
menace de gangrener.
Enfin, au bout de trois heures et demie de
rodéo notre monture s'ébroue devant le marché de Kandy. Notre chemin de croix
vient de prendre fin, la prochaine fois on essaye le train.
La mafia des tuk-tuk nous prend pour des
citrons alors nous quittons la foule des voyageurs et trouvons un chauffeur
solitaire et désœuvré qui va accepter le prix conseillé par la charmante
propriétaire du St Bridget's que j'ai eu au téléphone la veille pour confirmer
ma réservation. En 10 minutes et 250Rp nous sommes dans notre petite chambre.
Je crois qu'après le surclassement VIP de la veille toutes les futures chambres
nous sembleront minuscules. On s'habitue
vite au luxe !
Le temps de déposer nos bagages et nous
voilà en route, à pied cette fois-ci vers les rues de Kandy. Finalement ce
n'est pas très loin et nous n'avons pas de gros sacs à dos à transporter. En
une quinzaine de minutes nous arrivons et pouvons commencer à découvrir cette
ville des montagnes.
La température est parfaite, l'humidité de
la côte a laissé la place à une relative fraîcheur et l'air est plus doux. La
climatisation est une option inutile.
Le marché entraperçu tout à l'heure nous
ouvre ses odorantes portes. Passés les marchands de fruits et épices, ce sont
les bouchers qui écœurent nos sens visuels et olfactifs. La barbaque pend aux
crochets et rien ici n'est appétissant. Nous sommes en fin de journée, la
viande est aussi fatiguée que nous, et comme ça fait dix minutes que je retiens
ma respiration il est grand temps de fuir ces miasmes.
Le lac nous réconcilie avec la vie et un
excellent expresso aura tôt fait de réaligner nos chakras.
Quelques déambulations dans les rues plus
tard, nous négocions avec le sourire le prix de notre retour au St Bridget's.
Ce soir nous avons commandé leur fameux rice and curry que beaucoup de
voyageurs plébiscitent. Nous ne serons pas déçus.
En compagnie de quelques
voyageurs alémaniques égarés nous dégustons ce riz accompagné de divers petits
plats. Moi qui croyais finir avec un gros bol de riz en sauce curry, je suis
agréablement surpris. Des lanières d'aubergines grillées, des haricots au lait
de coco, des pommes de terre, du poulet légèrement épicé, des carottes au
cumin, des galettes frites de poisson trônent autour d'un énorme plat de riz
qui eut suffi à nourrir toute l'assemblée, mais c'est juste pour nous. Et en
plus ils nous en ramènent un bol histoire de pas paraître trop cheap. L'estomac
plein nous remontons dans nos quartiers et finissons de tasser toute cette
nourriture en changeant encore une fois de plan de route. Sur les conseils du
propriétaire des lieux nous n'irons pas sur la côte Est qui en cette saison est
balayée par les vents et les vagues. Nous ne sommes plus à un changement près…
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