Mercredi 5 février – Colombo en long en large et en travers

Qui aurait cru que je me ferais plus d'amis en une seule journée qu'en 7 ans sur Facebook ? Hello my friend !! Les Sri Lankais sont super amicaux et ont les plus beaux sourires de la terre, tout simplement.

Mais commençons cette journée par le commencement...
Il est tôt, impossible de se réveiller naturellement aussi tôt lorsqu'il faut aller travailler. Les vacances génèrent leur propre cycle de sommeil, et ça tombe bien il y a tant à faire en une journée. Nous déjeunons sur notre terrasse de quelques pains à hot-dogs et de fromage en tranche et je goûte avec une gourmandise feinte au jus du wood-apple. Je comprends en lisant cet article pourquoi je n'ai pas vraiment aimé ça.
Pas question de passer la journée en gougounes, une bonne paire de chaussures sera nécessaire. 
Nous ne tergiversons pas ce matin et arrêtons le premier tuk-tuk indiqué meter sur le toit. Nous lui demandons de nous emmener au MC pour Majestic City, un centre commercial que tout le monde connaît dans le coin. Le fameux magasin Barefoot se trouve jute à quelques pas de cet endroit et il est indispensable d'y faire un tour.

Depuis hier, toutes les personnes croisées dans la rue nous font d'immenses sourires. Ils viennent vous chercher du regard et dès qu'ils l'ont accroché, ils ferrent et dévoilent un sourire à faire fondre la calotte glaciaire. Beaucoup vous interpellent d'un Hello, ou Good Morning, et veulent tous savoir d'où vous venez. Bon certains sont un peu plus insistants que d'autres, comme ce professeur qui voulait me faire signer une pétition contre une somme modique ou ce pilote à la retraite qui voulait mon courriel, mais il est facile de les éconduire gentiment en souriant et en dodelinant de la tête. J'ai dû passer pour un doux cinglé.

Les portes de la boutique présagent de folles dépenses, mais c'est encore fermé, il est 9h30. De l'autre côté de la rue Galle se trouve un petit café qui nous semble fort à propos pour patienter trente minutes. Mais il faut traverser... 
Aujourd'hui n'est plus jour férié et on dirait que tout le monde veut rattraper le temps perdu. J'ai traversé beaucoup de rues dangereuses durant mes voyages, Montréal en faisant partie. Phnom Penh, Dakar, Bangkok ou Le Caire sont dans nettement en avance dans le Top 10, mais Colombo vient de ravir presque toutes les places. Ailleurs, le culot est souvent payant et les gens finissent par vous laisser passer en respectant votre audace. Surtout avec un geste décidé de la main et un regard autoritaire.

Ici non seulement il y a une circulation démentielle, ça klaxonne sans arrêt mais surtout, le piéton est considéré comme une denrée périssable. Les lignes jaunes peintes au sol ne doivent même pas être mentionnées dans le code de la route s'il existe et aucun véhicule ne tente de freiner si vous tentez de passer devant. Il va falloir ouvrir les yeux et regarder à plusieurs fois avant de prendre le risque de traverser une rue. Vision périphérique activée, nous pouvons continuer. 
La promesse d'un établissement cosy s'efface lorsque nous pénétrons dans la bâtisse, mais le thé est bon. Tout le monde roule des yeux lorsque l'on demande une boisson sans lait ni sucre, mais ils finissent par accéder à notre demande.

Enfin le Barefoot a ouvert ses portes sur sa caverne d'Ali Baba. Ce sont des trésors de tissus, de sarongs, de saris splendides, de bijoux et de mille autres merveilles qui risquent de donner un coup de grâce à la carte de crédit. Mais ce n'est que le premier jour, une simple observation...

Nous cherchons ensuite le Sri Lanka Tea Board, réputée pour être une des meilleures boutiques de thés de Colombo. Je me trompe un peu dans la lecture du plan, mais c'est sans compter sur la gentillesse des habitants qui m'indiquent la bonne direction et surtout qu'il faut prendre le bus pas cher et qui vous arrêtera juste devant. Comme nous sommes décidés à marcher nous nous rendons compte que même pour 100 mètres ils vous conseillent de prendre le bus. Marcher c'est juste pour les pauvres. 

Le soleil en profite pour nous darder de ses implacables rayons. Moi qui pensait être bronzé je constate que je peux faire mieux, en attendant je commencerais par un coup de soleil. Il fait vraiment très chaud et l'air est chargé d'embruns poussés par le vent océanique. Un vent qui ne change pas grand-chose à la température, c'est juste comme un séchoir géant.
Finalement la boutique est trouvée, il y a un choix incroyable de thés, nous avons envie de repartir avec toute la production du pays. Il y fait une fraîcheur bien à propos, mais ce continuel changement de température va finir par me donner la mort.

En continuant vers le nord le long de Galle road nous arrivons sur le front de mer. Les vagues viennent s'écraser sur la petite plage et tout le long des panneaux indiquent que la baignade  est dangereuse. De jeunes et moins jeunes amoureux se cachent sous de grands parapluies. Ainsi abrités du soleil et de la vue des passants ils peuvent se conter fleurette tout en contemplant l'océan. Ils sont mignons, chaque banc est occupé, les mains se touchent et ils se murmurent des mots doux à l'oreille. On est loin de la pudeur des Thaïlandais.

Le lac Beira déverse son trop plein verdâtre aux pieds d'un échassier qui y pique du menu-fretin imprudent. Cette couleur est tout sauf naturelle, mais l'effet visuel est très photogénique...

Le quartier du Fort est un mélange d’architecture coloniale et moderne. Les deux tours du World Trade Center domine le vieil hôpital hollandais complètement rénové et transformé en petite zone touristique avec l'un des meilleurs restaurant de Colombo, le Ministry of Crab.
Mais nous n'avons pas 140$ à mettre dans un crabe de 2 kilos, alors nous nous contentons de visiter ce petit coin. Une boutique propose des souvenirs tous plus kitchs les uns que les autres et fait le bonheur des grand-mamans qui vont ramener de très horribles aimants à frigo, des éléphants roses en plastique et des t-shirts à paillettes I♥SL.

Il est temps de passer à table. Nous nous fions à notre guide et cherchons le AVP restaurant que nous ne trouverons jamais et pour cause, la bâtisse censée l'abriter est recouverte de plastique vert sous lequel des ouvriers manient marteaux piqueurs et brouettes.
Mais nous ne le savons pas encore alors nous passons devant sans nous en rendre compte. Il faut dire que la ville est tellement étendue qu'elle ne rentre sur des cartes qu'en réduisant au maximum la police de caractère, et à moins d'avoir un microscope électronique, ou une bonne loupe, il est complètement impossible d'y lire le moindre nom de rue.

Sur les indications de passants affables, nous trouvons le bazar. Je ne sais pas qui tient de qui, mais ce mot est fort à propos concernant celui du quartier Pettah. Non loin de la gare, les rues sont bondées de choses tellement variées qu'il est impossible d'en faire l'inventaire. Des vieillards décharnés tirent des charrettes qu’aucune mule n'aimerait avoir sur le dos, d'autres portent sur la tête d'immenses paniers remplis de régimes de bananes. Des tuk-tuk zigzaguent en klaxonnant et le soleil continue inéluctablement à faire son œuvre de destruction pigmentaire.

Le hasard nous fait entrer dans une partie du marché qui est sans aucune doute dédiée aux bananes. Il y en a des tonnes, des vertes, des jaunes, des rouges, petites, moyennes ou grosses, accrochées à leur immense tige en point d'interrogation et stockées dans des hangars poussiéreux. Les touristes ne doivent pas venir nombreux ici, car nous attirons les regards amusés des marchands qui dodelinent de la tête lorsque je demande si je peux faire une photo. Ici comme en Inde, dodeliner veut dire oui, il faut s'y habituer. J'ai de temps en temps encore le réflexe de soulever les arcades sourcilières pour acquiescer comme on fait à Tahiti... Drôle d'échange, si tu dodelines, je sourcille...

Tenaillés par la faim, nous cherchons toujours désespérément un endroit pour manger. Contrairement à la Thaïlande où il est impossible de faire 15 mètres en ville sans trouve une roulotte, une gargote, un marchand ambulant, un 7Eleven ou un restaurant en bonne et due forme, ici c'est un peu plus compliqué.

Mais la gare de Colombo Fort éveille notre curiosité, il faut un billet pour y pénétrer, mais je promet au gardien de revenir très vite, je veux juste y faire quelques photos. Ouverte en 1917 cette gare offre une structure métallique de toute beauté et un rapide voyage dans le passé. Je m’attends presque à avoir débarquer des dames en crinoline et des messieurs en chapeaux, mais ce sont des sacs à dos et des voyageurs locaux qui se pressent sur les quais.

Nous ressortons et comme d'après le plan nous ne sommes pas loin du AVP, nous décidons finalement d'y manger. Et constatons que les immenses bâches recouvrent cette bâtisse complètement vide. Las, à côté du YMCA un restaurant indien semble bien vouloir nous dépanner. C'est rempli et on peut difficilement faire plus local. Nous sommes pris en charge par un serveur qui nous explique le fonctionnement. Nous commandons deux plats du buffet et en quelques minutes il nous les apporte à table. Nous sommes les seuls à avoir des couverts, tout le monde mange avec sa main droite. Au fond de la salle un immense évier et du savon assure l'hygiène, on nous regarde avec amusement et les gens doivent se demander si on va franchir le pas. André se pourlèche les babines et prend un malin plaisir à enfouir les doigts dans le mélange de riz et de légumes, le tout arrosé d'une sauce atomique au piment que même le Diable ne mangerait pas. Il ronge du bout des dents le morceau rachitique de poulet frit et après avoir vu l'état de conservation de la viande dans un comptoir  de boucher, se promet de devenir végétarien pour les trois prochaines semaines.
La question qui se pose maintenant est de savoir si tout cela va être digéré normalement...

Cette fois nous ne ferons pas l'erreur d’errer sans fin dans les rues et arrêtons le premier tuk-tuk dès la sortie du restaurant. Nous lui demandons de nous emmener au temple de Gangaramaya, un temple bouddhiste qui abrite des collections insensées d'offrandes de pieux pèlerins. L'entrée coûte 200Rp qui à la demande du moine-caissier sont immédiatement jetés dans une énorme urne en guise d'offrande. S'ensuit une visite libre dans un dédale de pièces et de passages. Un éléphant ado est vautré de tout son long dans une piscine à peine assez grande pour lui, la patte attachée à trop courte chaîne. Triste spectacle.

Les salles renferment des trésors et nous sommes subjugués par la diversité et la richesse des collections. La poussière recouvre tout, seul le doux visage des statues en bronze de Bouddha brille de mille feux. Ils sont dévotement astiqués et contrastent avec les merveilles ternies qui les entourent. Ces dizaines de statues ornent le site et surveillent les trésors qui dorment à l'ombre des vieilles poutres.

Plusieurs défenses d'éléphant sont abandonnées à même le sol, chacune devant valoir son pesant d'or. Les étagères débordent de montres à gousset, de peignes en écaille, de colliers en corail rouge, de lunettes cerclées de fer, de pièces de monnaie et de billets de tous les continents, de masques anciens et de sculptures en bois, un énorme éléphant en stuc plus vrai que nature, des cloches en bronze, des statuettes en ivoire, des téléphones, des couteaux de toutes formes, des épées et des sabres à manches en argent incrustés de pierres précieuses, des charrettes, des voitures antédiluviennes et des Mercedes flambant neuves oubliées dans le fond d'une remise, des affiches éducatives prônant l'abstinence, la tempérance et la fidélité, encore des ivoires sculptés, des bijoux et des Bouddha en jade, des colliers en argent, des dentiers, des tasses en porcelaine fine, et encore de l'ivoire, brut, tranchés, sculptés, en filigrane... 
J'ai l'impression que ce temple est à lui seul responsable de la disparition d'un bon tas de pachydermes en Asie !

Nous ressortons tout étourdis par cette visite en nous disant que cet endroit ferait le bonheur de nombre de collectionneurs. Laissez-moi seul une petite demi-heure, je vais vous en faire du rangement et par la même occasion remplir mon sac de merveilleux souvenirs.

D'un coup de tuk-tuk nous nous rendons dans Cinnamon Gardens, qui contrairement à ce que son nom suggère ne possède plus de canneliers mais est devenu un quartier très chic. Odel Unlimited est le rendez-vous de la classe aisée de la capitale où le moindre café équivaut à un mois de salaire d'une cueilleuse de thé. C'est un regroupement de plusieurs boutiques chics sous un même toit, de cafés et petits restos moyens mais chers. Par contre pour trouver des vêtements en lin à bon prix et quelques souvenirs c'est un bon plan.

Juste à côté se trouve l'Hôtel de Ville qui ressemble à s'y méprendre à la Maison Blanche. En face s'ouvre Viharamahadevi Park, le plus grand parc de Colombo, qui offre une promenade à l'ombre rafraîchissante de majestueux arbres envahis des charmants chants de centaines de corbeaux. Quel animal déprimant.

Il est temps que cette journée se termine. Épuisés, les jambes en coton-tige, les épaules cuites à point, le nez rougeoyant comme une braise ardente, les oreilles cillant des incessants et assourdissants coups de klaxon, les poumons intoxiqués par les méga-particules et la peau recouverte d’une épaisse couche gluante de sueur et poussière nous hélons un taxi. Nous tombons sur Gino, le latin lover de Colombo, qui en chantant, sifflant et faisant moult politesses aux passantes tourbillonne entre les pare-chocs et les pots d'échappement. Si vous le rencontrez faites lui un gros tata de notre part !

C'est enfin la délivrance avec douche fraîche, et un repos plus que mérité sur la terrasse sur le toit, en compagnie d'une grosse Lion bien froide et d'un Cohiba qui me suit depuis la Havane. Toute une journée sans voir une seule fois le célèbre inspecteur...

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