Tenerife - Partie 1/3 - 7 au 9 février

ILE DE TENERIFE

Tenerife - 7 au 14 février
Nous allons passer presque une semaine sur la plus grande île de l'archipel, ça valait bien un petit topo sur Tenerife.

Née il y a environ douze millions d’années, l’île s’est formée à la suite d’intenses éruptions volcaniques sous-marines. Ces poussées telluriques successives ont peu à peu façonné un territoire escarpé, dominé aujourd’hui par le Teide, volcan majestueux et plus haut sommet d’Espagne (3 718 m).

Bien avant l’arrivée des Espagnols au XVe siècle, l'île était peuplée par les Guanches, un peuple d’origine nord-africaine, vraisemblablement berbère, arrivé sur l’île vers 1000 av. J.-C. Ils vivaient de l’élevage de chèvres, de la cueillette et d’une agriculture rudimentaire. Malgré la quasi-disparition de leur culture après la conquête, on en retrouve encore des échos dans certaines coutumes, dans la langue vernaculaire et dans les musées qui conservent leurs momies et leurs poteries.

L’île se divise entre un nord verdoyant et agricole, souvent brumeux, et un sud aride, gorgé de soleil et de complexes touristiques.

Port de Puerto de la Cruz
Elle fut longtemps une escale stratégique pour les navires en route vers les Amériques, ce qui explique la richesse architecturale de certaines villes comme
San Cristobal de La Laguna, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Tenerife a aussi une histoire volcanique encore active et des traditions profondément ancrées, comme le carnaval de Santa Cruz, l’un des plus célèbres au monde.

Aujourd’hui, c’est un savant mélange de paysages lunaires, de forêts de lauriers, de plages de sable noir, de villages authentiques… et de stations balnéaires envahies de retraités nord-européens.

                                                                                                        


Vendredi 7 février

Dernier survol Divin, traversée vers Tenerife et premieres découvertes de la plus grande île de l'archipel



Pour la première fois depuis notre arrivée, le vent a cessé de souffler comme un possédé. Jusqu’ici, il était si violent que j’aurais pu y laisser mes derniers cheveux – une offrande capillaire à Éole en personne. 

Le Doigt de Dieu et mon promontoir tout au fond
J’en profite pour grimper au petit belvédère qui surplombe le port et m’approcher du Dedo del Dios — le Doigt de Dieu — qui, malheureusement, a perdu de sa superbe en 2005, victime d’une tempête dantesque qui l’a privé de son extrémité. Une vérotable amputation divine.

Omnipotent quand ça l’arrange, le vieux Barbu… 

Il est temps de plier bagage et de rendre les clés de notre maisonnette. Direction le port, où nous devons trouver un vrai stationnement avant d’embarquer sur le ferry. 

Puerto de Las Nieves - Gran Canaria
Cap sur l’île voisine, dont nous avions deviné la plus haute silhouette, floutée par la brume, lors de notre balade d’hier. 

Nous nous installons à la proue du navire, endroit stratégique pour profiter de la vue… et, apparemment, pour tester notre seuil de tolérance auditive. 

Un couple allemand s’y est déjà posé, avec leurs deux enfants. Le petit dernier, qui doit avoir trois ans, hurle à l’unisson de sa sœur dans une cacophonie digne des cercles les plus sombres de l’enfer. 
Elle, avec une voix stridente capable de faire trembler toute la charpente du bateau, finit par rendre ses quinze derniers biberons sur sa pauvre mère — bien aidée, il faut le dire, par les mouvements erratiques du navire. 
Ach, Scheiße ! 

Nous fuyons le front sonore et nous réfugions quelques centaines de rangées de sièges plus loin, dans un calme tout relatif. 

Santa Cruz de Tenerife
Enfin, après deux heures et demi de traversée, le port de Santa Cruz de Tenerife se profile à l’horizon. Des d’immeubles, des paquebots aussi hauts que les immeubles eux-mêmes, des centaines de voitures, plein d'humains… Le choc. 

Un vrai contre-pied après le calme de notre précédente escale. 
À peine débarqués, nous récupérons notre nouveau véhicule : une Peugeot 2008 qui, après la nerveuse Seat Ibiza des derniers jours, nous paraît être un veau pataud et poussif. Dommage, le préposé à l'agence de location était tellement heureux de nous surclasser...

Allez, on trace, fuyons cette ville engorgée. 
Trente-cinq minutes plus tard, nous quittons les grands axes et attaquons une route en lacets, très prometteuse, qui descend en zigzag vers Mesa del Mar, notre repaire pour les quatre prochains jours. 

Volcan Teide - Tenerife
La route est à la hauteur de nos attentes : sinueuse à souhait, encastrée dans la roche, à pic par endroits, avec des vues vertigineuses sur l’océan et l'imposant Teide en image de fond.. Je réalise à quel point nous étions haut perchés, la descente semble sans fin. 

Nous arrivons enfin et découvrons notre appartement. Propreté irréprochable, rien à dire. Mais alors… la déco. Mon Dieu. 

Un mélange explosif entre maison de Barbie, salon de mamie et fête disco endiablée. Fausses fleurs en plastique, murs recouverts de peinture pailletée, cadres "L❤️ve" dignes d’un rayon Saint-Valentin de supermarché, petit voilier en bois, LEDs bleues clignotantes autour de la tête de lit… Il faut le voir pour le croire. 
Mais, contre toute attente, c’est tellement assumé que ça en devient presque attachant. On peut dire que la personne qui a décoré ça est allée au bout de ses rêves. Et l'appartement est vraiment confortable et calme.

Sacs posés, direction Puerto de la Cruz, vendue comme une charmante station balnéaire au passé historique. En une vingtaine de minutes, nous atteignons la ville. 

  • L'anecdote citadine
Puerto de la Cruz
Puerto de la Cruz est la doyenne des stations balnéaires de Tenerife. Et ça se sent. 
Ici, tout semble avoir été figé quelque part entre la fin des années 70 et l’inauguration du Walkman. Les façades des hôtels arborent fièrement leurs teintes passées, les balustrades en fer forgé prennent la rouille avec dignité, et les terrasses de café résonnent de conversations feutrées en allemand, souvent entre deux retraités en pantacourt beige, lunettes à verres photochromiques sur le nez et schnitzel dans l’assiette.

Lago Martiánez - Puerto de la Cruz - Tenerife
Il faut dire que Puerto de la Cruz fut, dès le XIXe siècle, le refuge préféré de l’aristocratie européenne souffreteuse. Les Anglais y envoyaient leurs tuberculeux chercher l’air pur des alizés, tandis que les Allemands y soignaient leur nostalgie du Kaiser et des forêts de sapins avec des promenades en bord de mer. Aujourd’hui encore, les descendants de ces pionniers de la villégiature climatique hantent les couloirs des hôtels avec la même régularité que les goélands au-dessus du Lago Martiánez, ce complexe de piscines d’eau de mer imaginé par César Manrique – une oasis de béton stylisé où le kitsch le dispute à l’ingéniosité.

Sculpture de la vendeuse de poissons
La vieille ville a gardé un certain charme, avec ses ruelles pavées, ses balcons en bois et ses églises d’un autre siècle, mais l’ambiance générale évoque davantage un sanatorium côtier qu’un village de pêcheurs. On croise plus de déambulateurs que de surfeurs, plus de thermomètres digitaux que de mojitos.

Bref, Puerto de la Cruz a ce quelque chose de paisible et suranné, qui sent la crème solaire indice 50, le Schwarzwälder Kirschtorte, et l’après-midi bingo au Club Canario. 

 

Volcan Teide
Et très vite, le ton est donné : pour se garer ici, il faut soit un miracle, soit un abonnement annuel au centre commercial Martiánez, dont le gigantesque parking nous sauve la mise. 

On part donc à pied, explorer la ville. Et là… surprise, il n’y a pas que le charme qui soit suranné : tout est désué. 
Nous avons l’impression d’avoir basculé dans un EHPAD à ciel ouvert. Une enclave allemande en terre espagnole. C’est le festival de cannes, de déambulateurs, de chaises électriques en goguette, le tout accompagné d’une cohorte de chiens aussi moches les uns que les autres. 

Chihuahuas strabiques, Yorkshires dépenaillés, Loulous de Poméranie brushingués, caniches à moitié dissous, teckels tirant la langue… Une armée de créatures à poils qui aboient sans relâche et sans raison, chacun persuadé d’être le roi du trottoir. 

Et l’ambiance générale ne rattrape rien. Deux tentatives pour boire un verre, deux échecs cuisants. 

Première terrasse : la serveuse nous adresse un bonjour poli avant de se perdre dans une conversation passionnée autour des photos de la table d’à côté. Nous devenons invisibles. 

Deuxième tentative : terrasse agréable, belle vue sur le port. Mais pas de carte, pas de service, pas un regard. Même pas un haussement d’épaules. 

Troisième essai, la bonne. J’abandonne toute forme d’espoir et vais commander direct au comptoir. Le serveur affiche la chaleur humaine d’un distributeur automatique, mais au moins, il nous sert. Heureusement, les vendeuses souriantes de chez Ale-Hop juste à côté nous redonnent un soupçon de foi en l’humanité. 

Et puis, on ne va pas se mentir, le front de mer est superbe. Vieux remparts, canons, tourelles… Il y a un vrai cachet. 

  • L'anecdote historique
Le Castillo de San Felipe, est une forteresse construite entre 1599 et 1604 pour défendre la ville contre les attaques de pirates. 
Équipé de trois canons, il pouvait accueillir environ 35 soldats.
Au fil des siècles, le château a servi de lazaret, d'hôpital, de dépôt, de club de tir et même de restaurant. Aujourd'hui, il est utilisé comme centre culturel pour des concerts et des expositions artistiques.

Mais soudain, vision d’horreur. Nous l’avions aperçue de loin, pensant à une hallucination. Mais non : la guédaille existe bel et bien. 

Margarita la plácida
La soixantaine bien sonnée, exhibée comme une sculpture de cire oubliée, string malmené et lolos fatigués au vent, elle parade à travers la ville, cramponnée à un type qui semble avoir abdiqué. 

Tout le monde se retourne sur son passage, les touristes en perdent leurs dentiers, les enfants pleurent, les mouettes détournent le regard, les bonnes gens se signent, l'abbé jette de l'eau bénite. 

Même Margarita la plácidala vache de la boutique Ale-Hop regarde avec circonspection l'affligeant spectacle.

Mais qu’est-ce qu’on fiche là, franchement ? 

Il est grand temps de rentrer dans notre petit havre, bien à l’abri des strings vengeurs et des yorkshires psychopathes. 

Piscine naturelle - Mesa del Mar
Nous terminons la journée face à l’une des plus belles piscines naturelles qu’on ait vues. Creusée dans la roche, savamment conçue pour se remplir au gré de la houle, elle offre un spectacle hypnotique. 

Quelques baigneurs téméraires s’y aventurent tandis que les vagues explosent dans les derniers rayons du soleil. Au loin, la pente majestueuse du Teide s’enfonce dans l’Atlantique. 

Demain sera une belle journée.


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Samedi 8 février

Virée à la capitale, Nord de l'île et San Cristobal de La Laguna

Mercado de Nuestra Señora de África
Ah, je le savais bien que ce serait une belle journée ! 
Déjà parce qu’il a fait beau, et ensuite parce que nous sommes arrivés avant les touristes au Mercado de Nuestra Señora de África  à Santa Cruz. 

Mais que ce marché est beau ! De style néocolonial, il a été inauguré en 1944 et abrite trois placettes intérieures où se côtoient fleuristes, fruits et légumes, boucheries et tout un tas d’autres petits commerces. L’ambiance y est agréable, c’est propre, et la lumière y entre à flot. 

Nous faisons le plein de fruits chez une vendeuse des plus amènes : caramboles aux chaleureuses teintes orangées, papaye à la chair fondante, fruits de la passion au calibre hors norme, bananes à la peau rouge, avocats de toutes variétés, petit ananas de La Gomera… C’est un festival de couleurs et de senteurs. 

Nos emplettes dûment rangées dans la voiture, nous faisons un petit tour de la vieille ville. 

Plaza de España - Santa Cruz de Tenerife
Les paquebots ont commencé à déverser leur trop-plein d’humains, les guides tentent de rassembler tout ce monde indiscipliné, mais nous prenons les visites à contre-courant et restons à peu près tranquilles au bord de la pièce d’eau de la Plaza de España

Un peu moins fastueuse que celle de Séville, elle n’en demeure pas moins un endroit agréable, avec un accès au port. Les rues sont calmes, et la lumière du matin se faufile gentiment entre les rangées de maisons. 

Santa Cruz de Tenerife
Nous quittons Santa Cruz en direction du nord et des montagnes, où nous sommes certains de ne trouver aucun groupe organisé. 

La route est sinueuse et le dénivelé depuis la capitale nous force à bâiller pour équilibrer la pression dans nos oreilles. Du niveau de la mer au restaurant Casa Santiago, à plus de 800 mètres, ça en fait du virage et des bâillements ! 
C’est un peu plus compliqué de rouler ici. Oui, oui, c’est possible… 

La forêt est dense, les arbres touffus se tripotent les ramilles au-dessus de la route, formant un tunnel végétal où la lumière filtre avec parcimonie. C’est le genre de lumière qui trahit l’œil. 

Trop de soleil par endroits, pas assez ailleurs. Le regard s’embrouille, trompé par les contrastes violents. L’ombre dissimule, la lumière éblouit, rien n’est stable, rien n’est sûr. Impossible de voir ce qui va arriver : camion, voiture, bus, vélo… Il faut absolument tenir sa droite autant que possible et frôler la rambarde ou les gros cailloux en espérant avoir correctement acquis la largeur de cette nouvelle voiture. 

Vallée d’Anaga vue du mirador de Jardina
Le paysage est magnifique, c’est un paradis de randonneurs, et à en juger par le nombre de véhicules stationnés à certains endroits, le point de départ de nombreuses balades plus ou moins longues. 

La vallée d’Anaga est une merveille à traverser, et bientôt nous arrivons au mirador de Jardina, d’où la vue est époustouflante. 

En face de nous, l’immense Teide domine l’île de toute sa puissance. On y distingue encore un peu de neige, preuve s’il en est que c’est bien le point culminant d’Espagne. 

Tout autour de nous, des forêts, des cultures, des petits hameaux ou des maisons isolées donnent à ce panorama toute sa puissante poésie. 

Encore des virages, encore des sueurs à la croisée de quelques voitures qui prennent large sur la route, et nous arrivons au minuscule restaurant Casa Santiago

L’idée était d’y prendre quelques photos et un café, mais finalement, nous choisissons quelques mets sur la carte : demi-poulet grillé, chorizo au barbecue, eaux gazeuses, cafés et vue panoramique pour un grand total de… 18 euros !
Record d’économie pour un repas au resto, alors j’en profite pour acheter un pot de miel de la vallée, histoire d’étoffer ma collection. 

Nous descendons à présent en direction d’Afur, que je pensais être un village – et qui en est bien un –, mais qui ne possède qu’un seul commerce : un bar pour randonneurs, tenu par le bien nommé José Canon

En fait, Afur est le point de départ de multiples randonnées, et rares sont les habitants ayant une autre activité que l’observation desdits randonneurs, la tête sortie de la fenêtre de leur petite maison. C’est d’un calme olympien ici, même les oiseaux sifflent en sourdine pour ne pas troubler la quiétude ambiante. 



À part ce maudit petit chien, vilain comme tout, qui se plaît à pousser de petits hurlements aigus devant le sourire admiratif de sa maman et de son papa, qui lui donnent des biscuits. Oh, Très Puissant, faites qu’il s’étouffe. 

Vallée d'Afur
Retour à la civilisation par la même route, puisque Afur est le terminus de la TF-136 et le début de moult senderos éparpillés dans la vallée. 

Nous suivons paisiblement une petite camionnette style vendeur de fromages de chèvre, lorsque tout à coup, une hystérique arrive en face de nous et se met à taper comme une démente sur son volant, déclenchant les hurlements de son klaxon en même temps que les siens. 

Mais qu’est-ce qu’elle a, la pauvrette ? Elle est mal en dedans, sa vie est un inextricable sac de nœuds d’émotions, elle a eu une enfance compliquée… 
Est-ce la petite-fille de la vénérable à l’œil au beurre noir que nous venons de croiser ? 
Nous ne le saurons jamais. 

Vallée d'Afur
Le monsieur devant nous sort la moitié de son corps par la fenêtre ouverte et hurle quelque chose avec un « ¡Está totalmente loca, la calisse ! ». Je lui réponds, du haut de mon corps également sorti : « ¡Creo que sí ! », et nous continuons notre route peinards. 

Enfin, les virages cessent. Nous devions faire une courte randonnée, mais le paquet de nuages humides qui vient de se poser sur les cimes nous en a découragés. 
Alors, nous allons visiter San Cristóbal de La Laguna, déclarée patrimoine mondial par l’UNESCO en 1999. 

  • L’anecdote historique d’une ville qui porte un bien joli nom 
San Cristóbal de La Laguna - Tenerife
Fondée en 1496 peu après la conquête de Tenerife, San Cristóbal de La Laguna fut la première capitale de l'île jusqu’en 1823.
Conçue selon un plan en damier inspiré de la Renaissance, elle servit de modèle aux villes coloniales d’Amérique latine. Située dans une vallée fertile à l’écart de la côte, elle offrait un climat plus doux et une meilleure protection contre les attaques de pirates.
Ville intellectuelle et religieuse, elle abrita la première université des Canaries en 1701. Aujourd’hui, son centre historique, remarquablement préservé, est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. 

Palacio de Nava - San Cristóbal de La Laguna
Il en reste de superbes bâtiments, dont 
 le Palacio de Nava avec sa façade chaulée et son grand balcon en bois travaillé, typique de l’architecture canarienne. On remarque aussi une vie estudiantine trépidante, des tonnes de bars et restaurants, et des terrasses pleines à craquer en ce samedi après-midi. 

Dernier tour à Santa Cruz, et cette journée se termine à Mesa del Mar, notre petite retraite au bord de la mer. 


  • L'anecdote socio-historique de Mesa del Mar  
Mesa del Mar
À l’origine, simple lieu de pêche et de villégiature pour les habitants des hauteurs, venus chercher un peu de fraîcheur au bord de l’océan, da
ns les années 1970, la zone connait un développement touristique rapide autant qu'anarchique, avec la construction d’immeubles en béton qui tranchent avec le paysage naturel escarpé. Le plus emblématique – et polémique – est sans doute la grande tour résidentielle posée à même la falaise, vestige d’un urbanisme improvisé.
Aujourd’hui, Mesa del Mar est surtout fréquentée par les locaux, notamment l’été. On y trouve une plage de sable noir (Playa de la Arena), une piscine naturelle protégée des vagues, et une ambiance tranquille, loin des foules du sud de l’île. 

Ce n’est pas la station balnéaire la plus charmante ni la plus photogénique, mais elle a gardé un côté populaire et sans prétention, entre falaises, brise marine et odeur de friture. 

La route en tortillons qui y descend explique probablement le peu d’intérêt des masses touristiques, quelle que soit la beauté et l’originalité de la piscine naturelle.

Vallée d’Anaga vue du mirador de Jardina
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Dimanche 9 février

Surpriiiiise dans le sud ! Et balade dans le nord : Punta Brava, La Orotava.

Ce matin, l’alarme peut bien retentir, il y a belle lurette que je suis réveillé. 

J’ai inventé tellement de mensonges ces derniers jours que je commence sérieusement à ressembler à Pinocchio… 

Mon Dieu, ce dessin animé m’a traumatisé quand j’étais enfant ! 
Un gamin en bois qui se fait avaler par une baleine et qui discute avec une coquerelle en costard… quelle drôle d’histoire. 
Et le pire, c’est que ça ne m’a jamais dissuadé de mentir. Pas une seconde. 

Pour démarrer cette troisième semaine, j’improvise donc un bobard digne d’un roman à suspense : 

— J’ai reçu un message d’Iberia hier soir : ils tiennent absolument à nous voir pour une sombre affaire de billets. N’oublie surtout pas ton passeport. On doit filer à l’aéroport sud, à une heure de route, pour régler ça. 
OK
André ne semble pas plus inquiet que ça. Tant mieux. 

Finalement, la surprise débarque avec un léger retard — merci les grévistes français — mais elle est totale : notre ami Christophe nous rejoint directement de Lyon pour quatre jours. 

J’ai réussi à garder le secret pendant presque un mois, et la surprise est totale. 

Dans cet immense aéroport, deux personnes qui se connaissent par cœur se croisent… et l’un des deux n’arrive pas à croire ce qu’il voit. Un regard flou, incrédule, suspendu. Il lui faut quelques secondes pour réaliser. Et moi, de mon côté, je peux enfin respirer. 

On dépose les affaires de notre jeune voyageur, et sans trop traîner, on prend la direction de Puerto de la Cruz. On ne s’y arrête même pas. 
J’ai repéré un petit resto à Punta Brava, un quartier aussi connu pour abriter le Loro Parque, ce parc zoologique tentaculaire. 

Initialement consacré aux perroquets, il s’étend aujourd’hui sur plus de 13 hectares et accueille dauphins, orques, gorilles et autres créatures photogéniques. 
S’il est salué pour ses efforts en matière de conservation et de reproduction d’espèces menacées, il est aussi très critiqué pour ses spectacles aquatiques et la captivité de ses cétacés. 
Notamment ses orques, qui n’ont franchement rien à faire là. 

  • L'anecdote Marineland Vs Loro Park
Wikie et Keijo
Le Marineland d'Antibes détient actuellement deux orques nées en captivité : Wikie (23 ans) et son fils Keijo (11 ans). Suite à la loi française de 2021 interdisant les spectacles de cétacés d'ici 2026, le parc cherche à transférer ces orques. En février 2025, une demande a été déposée pour les envoyer à Loro Parque, mais les autorités espagnoles ont refusé ce transfert, obligeant Marineland à les garder pour le moment.
Cette décision intervient après la mort de deux orques au Marineland en 2023 et 2024, suscitant des critiques sur les conditions de captivité et relançant le débat sur le bien-être animal .
Loro Parque,  est l'un des rares parcs européens à accueillir des orques en captivité. Bien que le parc ait exprimé son intérêt pour accueillir Wikie et Keijo, cette option est critiquée par des associations de défense des animaux, qui estiment que cela ne représente pas une amélioration significative des conditions de vie des orques.

 

En 2012, après un voyage à Cuba, j'avais pondu ce petit (gros) coup de gueule qui malheureusement est toujours d'actualité, même si les mentalités changent : 

 Le sourire trompeur du dauphin


Notre restaurant, lui, est à l’écart de ces polémiques, tranquille dans son coin, et propose d’excellents plats à des prix qui ne donnent pas envie de fuir. 
Petit tour dans le quartier, en bord de mer. 

Les crabes font bronzette sur les rochers, l’air de rien, pendant que quelques affiches dénoncent un scandale bien réel. En creusant un peu, on apprend que la plage de Playa Jardín est fermée depuis plusieurs mois à cause d’une contamination aux bactéries fécales. 

Beaucoup d’habitations à Punta Brava ne sont pas raccordées au réseau d’assainissement. Résultat : des eaux usées qui se jettent directement dans l’océan. Les autorités ont promis de régler le problème, mais en attendant, la baignade est interdite, et les commerces du coin trinquent. Un vrai défi environnemental pour une île qui accueille plus de six millions de touristes par an. 

  • L'anecdote qui sent le caca 💩
Stop aux rejets dans la mer !
Des analyses ont révélé que les déversements d'eaux usées provenaient principalement de résidences du quartier de Punta Brava non raccordées au réseau d'assainissement. Cette situation a entraîné une contamination fécale de l'eau, avec des niveaux élevés de bactéries Escherichia coli, rendant la baignade dangereuse pour la santé publique. 
Bien qu'une rupture de l'émissaire sous-marin ait été initialement suspectée, des investigations ultérieures ont écarté cette hypothèse, confirmant que la source principale de la pollution était le manque de raccordement des habitations au système d'égouts. ​
La fermeture de Playa Jardín a eu des conséquences économiques notables pour les commerces locaux, affectant le tourisme dans la région. Face à cette crise, les autorités locales ont annoncé un investissement d'un million d'euros pour connecter environ 450 logements au réseau d'assainissement. Des travaux sont également prévus pour moderniser la station d'épuration de la vallée de La Orotava, avec un budget de 20 millions d'euros. 
Le maire de Puerto de la Cruz, Leopoldo Afonso, a exprimé son intention de rouvrir la plage avant l'été 2025, bien que certains rapports suggèrent que la fermeture pourrait se prolonger jusqu'en 2026.

Playa Jardín - Punta Brava - Tenerife
En descendant vers la plage, un cordon de sécurité sanitaire barre l’accès et tente de dissuader les baigneurs de se jeter à l’eau — les vagues, aussi belles soient-elles, sont devenues de véritables nids à microbes. Mais il y a toujours des téméraires. Quelques irréductibles, short de bain bien serré, s’aventurent dans cette soupe douteuse, comme si de rien n’était. 

Un petit coup de voiture plus tard, et nous quittons ces rivages peu engageants pour grimper dans la montagne. Ici, c’est simple : c’est soit le littoral, soit les sommets. Pas de demi-mesure. 

Je me demandais pourquoi nos oreilles se bouchaient systématiquement quand on quittait Santa Cruz pour rentrer chez nous… La réponse est toute bête : un dénivelé de 650 mètres en à peine 14 kilomètres. Ça débouche les écoutilles, et pas qu’un peu ! 

La Orotava - Tenerife
Nous arrivons à La Orotava, superbe village suspendu à 400 mètres d’altitude, qui a longtemps été le cœur battant de l’aristocratie locale. Après la conquête espagnole, c’est ici que les grandes familles castillanes sont venues s’installer, bâtissant de superbes demeures avec patios intérieurs et balcons en bois sculpté, devenus emblèmes de l’île. 

Le centre historique a été classé, et à juste titre : tout est resté figé dans le temps ou presque. Les ruelles pavées grimpent à l’assaut de la montagne, bordées de façades pastel et de vieux escaliers de pierre. Et en prime, la vue est imprenable sur la vallée, la côte nord et, quand il daigne se montrer, le Teide en majesté. 

La Orotava - Tenerife
La ville est une carte postale : maisons castillanes du XVIe siècle, ruelles pavées et balcons en bois finement sculpté. Et, cerise sur le gâteau, une pâtisserie est ouverte, débordante de douceurs qui nous font de l’œil. Mais qui dit village perché dit aussi rues en pente raide… Sors tes plus beaux mollets, mon gaillard, ils vont chauffer ! 

Retour sur la côte, avec le soleil qui daigne enfin pointer le bout de ses rayons. Quelques courses, quelques virages, et nous voilà de retour à la maison. 

Cette fois-ci, visite oblige, on profite de la fin d’après-midi pour étendre nos serviettes — enfin… j’ai bêtement pris une couverture en polaire pour enfant — sur la plage en bois, au bord de la piscine. L’air est calme, l’eau parfaitement immobile. 

Piscine naturelle de Mesa del Mar
On redouble de prudence en posant nos pieds sur le tapis d’algues glissantes. Et, armés de courage (et d’un soupçon de grâce), on entre dans cette eau bien trop froide pour préserver sa dignité. 

Mais on connaît tous cette phrase de papa : « Elle est froide, mais une fois dedans, elle est bonne. » 
Une phrase qui passe bien mieux à la piscine qu’à la morgue… 🙄 

Quelques longueurs, sur et sous l’eau, des frissons, du plaisir… On traîne, on flotte, on s’amuse à rester le plus longtemps possible immergés. Les lèvres deviennent bleues, les doigts fripés.

Il est grand temps de filer sous la douche et de retrouver une couleur plus humaine sous le soleil revenu. La journée se termine tranquillement. 

La nuit est tombée, la marée haute remplit peu à peu la piscine avec ses vagues puissantes. Aucune chance que l’eau stagne bien longtemps. 
Les enfants, vous pouvez faire pipi dans l’eau autant que vous voulez !


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