Gran Canaria 2e partie
Nous poursuivons notre séjour sur cette île décidément pleine de surprises. Accrochez-vous, on vous embarque pour quelques milliers de virages (et autant de points de vue à couper le souffle), entre panoramas vertigineux, merveilles géologiques, douceurs sucrées, tentations salées, un brin de culture, une lichette d’excellent rhum local, un ''presque'' doigt de Dieu, un F-18 en rase-falaise… et bien d’autres réjouissances à découvrir juste ici :
Mardi 4 février
Nord de l'île : de Las Palmas à Agaete,
Étonnamment, il n’y a pas un chat sur la route, et en moins de vingt minutes, on trouve une place au stationnement du marché de Vegueta.
Passage éclair par ledit marché, mais impossible de ne pas s’arrêter pour honorer un plateau de fruits locaux, tous plus exotiques les uns que les autres. Les kiosques sont magnifiques, les produits super bien rangés, on aurait presque envie de tout acheter juste pour le plaisir des yeux. Les bananes bleues, rouges ou les toutes petites ultra sucrées nous font rapidement oublier la triste Cavendish fade qu’on se coltine au nord de l’Atlantique.
Fruits de la passion — ici appelés maracuyá banana — mangues, goyaves, papayes, avocats, et j’en passe.
Alors oui, par contre, il faut sortir ses bidoux, parce que là, on joue dans la cour des grands en matière de bananes.
Pas le temps de flâner trop longtemps : au programme, visite de la Casa de Colón, un musée installé dans un bel ensemble de maisons du XVIe siècle.
Christophe Colomb a fait escale à Las Palmas en 1492, avant de partir à la conquête de l’inconnu… et surtout de rater son rendez-vous avec l’Histoire.
C’est Amerigo Vespucci qui laissera son nom au nouveau continent — pas de bol pour Cristobal, mais bon, l’Histoire est ainsi faite.
Il reviendra quand même ici l’année suivante, puis en 1502 lors de sa quatrième traversée, et habité l’une de ces maisons. Le musée retrace son parcours ainsi que celui de ses célèbres caravelles — allez, on révise ?
La Niña, la Pinta et… la Santa Maria ! Bravo.
On y trouve des maquettes des bateaux, une reconstitution de la cabine de l’amiral, des cartes anciennes, des instruments de navigation… tout pour se replonger dans cette époque où l’on larguait les amarres vers l’inconnu sans garantie de retour.
Les bonhommes avaient les rhingraves bien accrochées !
- L'anecdote historique du partage du Monde
La découverte de l'Amérique conduisit à une reconsidération de la situation et, en conséquence, le pape promulgua les bulles inter Caetera (3 et 4 mai 1493), qui établissaient que la Castille possédait toutes les terres découvertes ou à découvrir à l'ouest ou au sud, à condition qu'elles se trouvent au-delà d'une ligne de 100 lieues à l'ouest des Açores.
Début 1494, la Castille et le Portugal signèrent le traité de Tordesillas. Celui-ci établit un méridien de séparation à 370 lieues à l'ouest du Cap-Vert, la partie occidentale étant donnée à la Castille et la partie orientale au Portugal, le nord-est du Brésil appartenant à la zone portugaise.
Étonnantes cartes de navigation où, avec une audace folle, on avait plaqué les Indes contre les Amériques, comme si tout ça formait un seul bloc bien rangé.
Acheter sur plan a toujours été un pari risqué, et pourtant, c’est exactement ce qu’ont fait les Rois Catholiques en signant un blanc-seing à Christophe Colomb. En gros : « Va, découvre-nous un monde, et ramène-le dans tes bagages. »
Résultat : une annexion du monde à coups de croix et d’épée, entre deux royaumes, quoi qu’il en coûte. Et si massacres il devait y avoir — ce qui ne manqua pas — ce serait au nom de l’Église, d’un Dieu d’amour et de tolérance… tant que tout le monde restait bien catholique, évidemment.
Malheureusement, une partie du musée est fermée, l’étage est en train d’être démonté après une expo temporaire.
Retour au marché, quelques fruits dans le sac pour la route, et un dernier tour dans la ville. Finalement, Las Palmas a son charme. Le centre historique est calme, la plage citadine est à deux pas, les gens sont relax — ça fait du bien.
Premier arrêt : Arucas, célèbre pour son église Saint-Jean-Baptiste en basalte noir et… pour sa distillerie de rhum Arehucas !
Il est presque midi, l’heure bénie de l’apéro, alors après quelques dégustations bien méritées, on repart avec des flacons pour enrichir notre culture gastronomique.
- L'anecdote alcoolisée, mais historique
Fondée le 9 août 1884 sous le nom de La Fábrica de San Pedro par Alfonso Gourié Álvarez, l'entreprise se consacrait initialement à la production de sucre à partir de la canne à sucre locale. Rapidement, elle s'est diversifiée dans la production de rhum, acquérant une renommée telle qu'en 1892, la Reine Régente María Cristina de Austria lui a accordé le titre de Fournisseur Officiel de la Maison Royale Espagnole.Avec le déclin de l'industrie sucrière locale, la distillerie s'est orientée principalement vers la production de rhum, devenant ainsi un acteur majeur dans ce domaine aux Canaries.La distillerie possède l'une des plus anciennes caves à rhum d'Europe, composée de plus de 4 700 fûts en chêne américain.
Le plus connu ? Le Ron Miel, rhum doux parfumé au miel des Canaries. Sucré juste ce qu’il faut, souvent offert en fin de repas dans les restos. Ils font aussi des liqueurs au café, au chocolat, au caramel ou à la banane… mais ça, on laisse aux amateurs.
Pour nous, le choix se joue entre les 7, 12 et 18 ans d’âge. Il y a aussi les hors d’âge… et hors de prix.
C’est finalement un joli 12 ans qui gagne les suffrages : bel équilibre entre la chaleur de l’alcool et une rondeur toute en douceur.
On emballe le tout avec quelques flasques pour ne pas laisser la bouteille toute seule dans le sac.
C’est ici que trône fièrement la basilique de Nuestra Señora del Pino, un incontournable pour tous les pèlerins de l’île venus rendre hommage à la Vierge du Pin, protectrice de Gran Canaria.
Nous, on ne fait que passer, mais on se sent tout de suite enveloppés dans cette atmosphère pieuse et tranquille. Les maisons aux balcons en bois finement ouvragés bordent les rues pavées, et chaque coin de ruelle semble tout droit sorti d’une carte postale canarienne.
Mais Teror, c’est aussi le fournisseur officiel d’eau embouteillée locale. La Fuente Agria jaillit non loin du village et commercialise cette eau depuis 1982. Connue pour son goût légèrement métallique ou ferreux, dû à la richesse en minéraux, notamment en fer et bicarbonate, ce qui lui donne ce petit côté "aigre".
Ceux qui ont un gros bidon peuvent faire le plein directement à la source… mais bon, on a déjà le rhum.
Le village, en tout cas, est splendide, avec ses maisons à balcons en bois ouvragés qui surplombent les ruelles pavées. Un charme fou.
Et vu le nombre de gens croisés en pleine galère avec bâtons de marche, boue sur les chaussures et visages ravagés par la fatigue, c’est clairement une base de randos sérieuses.
Au cœur du centre-ville se trouve le Paseo de Gran Canaria, une rue piétonne ornée d'une cascade artificielle de 30 mètres de long, construite en pierre locale, qui met en valeur l'abondance d'eau dans la région.
Le long de cette promenade, on peut admirer 22 blasons héraldiques représentant les communes de Gran Canaria, ainsi que le blason de l'île, chacun accompagné d'une image typique, réalisés en carreaux de céramique provenant de Séville.
Cela dit, ça fait trois fois que je repousse notre heure d’arrivée… il est temps d’en finir avec les détours et de tracer.
Après une dernière série de virages en épingle, on retrouve la voie rapide qui longe l’océan.
D’un coup, tout le paysage change : sur des hectares, des bâches en plastique, des toiles, des tuyaux d’irrigation goutte-à-goutte… c’est la jungle des plantations de bananes et de tomates.
Les bâches sont souvent éventrées, malmenées par les embruns, et finissent en lambeaux dispersés dans les champs ou l’océan. Le prix à payer pour satisfaire l’appétit du Nord pour des fraises et tomates hors saison.
Une dernière ligne droite à travers ce décor industriel, puis tout s’ouvre soudain : un paysage grandiose, sauvage, qui nous coupe le souffle.
Nous sommes arrivés à Agaete, dernière étape de notre séjour à Gran Canaria.
Le panorama est tout simplement à se damner – mais heureusement, on arrive tout juste de Teror, et notre bonne Vierge du Pin veille sur nos âmes.
Le soleil perce les nuages et vient caresser les immenses falaises qui s’étendent jusqu’au bout de l’île.
Le relief est découpé, patiemment sculpté par la mer au fil des millénaires. À certains endroits, on aperçoit des grottes naturelles creusées dans la roche, comme des petites fenêtres ouvertes sur l'infini. Les couchers de soleil sur les falaises sont un spectacle magique, où les couleurs dorées du soir se mêlent aux ombres des montagnes, créant une ambiance presque irréelle.
Sous le soleil, les falaises prennent des teintes dorées et orangées, et quand le vent souffle fort, la mer, parfois déchaînée, se fracasse contre les rochers, projetant des éclats d’écume dans l’air. C’est un paysage brut, sauvage et indompté, où la force de la nature se fait sentir à chaque instant.
Dans le port, un ferry embarque ses passagers.
On est à l’abri du vent, un serveur marocain jovial parle au moins cinq langues, et notre verre de vin de fin de journée est sublimé par un décor à nul autre pareil.
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Côte ouest de l'île : Mirador del Balcón, Azulejos de Veneguera et vallée d’Agaete
Le soleil arrose généreusement les montagnes, le vent souffle fort, et la journée s’annonce radieuse.
Le plein fait, nous prenons la route en direction du sud.
De grands travaux sont en cours : percement de montagnes, arasement de collines, des engins de chantier gigantesques redessinent le paysage. Il ne faudra plus longtemps avant qu’on puisse faire le tour complet de l’île en un clin d'œil.
On peut déjà le faire, mais il faut alors s’infliger des kilomètres de virages à flanc de falaise, ce qui n’est pas exactement une sinécure pour tout le monde. Ce futur tracé arrangera aussi la vie des chauffeurs de bus et de camions, pour qui ces routes sont un défi quotidien.
Après quarante minutes de sinuosités, nous atteignons le Mirador del Balcón, un belvédère complètement fou. Au moment même où j’allume mon appareil photo, un vrombissement assourdissant retentit : un avion de chasse s’approche.
Je lève les yeux… mais non, il est en-dessous de nous, frôle les falaises, vire à gauche, puis grimpe à la verticale en effectuant un tonneau. Tout se joue en quelques secondes, mais j’ai le temps de le capturer. Je pense à un F-18, ce que confirmera une recherche le soir même.
À nous maintenant notre dose d’adrénaline perchés sur la plateforme suspendue du belvédère, 69 mètres au-dessus des vagues, avec des garde-fous en verre qui accentuent vertigineusement la sensation de vide.
D'ici la vue sur les falaises est tout simplement à couper le sifflet. Taillées à la serpe géante, elles plongent sans hésitations dans l'océan, et les vagues qui viennent s'y écraser semblent de minuscules ridules faces à ces masses imperturbables.
Retour sur la terre ferme, et poursuite de notre périple en direction du petit port de La Aldea. Ici, nous allons faire une petite rando histoire de déplier les bâtons et surplomber la grande plage de jolis galets noirs.
En arrière plan, dans la vallée, ce ne sont que serres et plastiques tremblants sous les rafales.
La Vierge del Carmen veille sur les pêcheurs qui, au vu de l’état de la mer, doivent avoir besoin de toutes les protections disponibles, divines ou non.
Cette formation minérale détonne dans la falaise ocre : ses nuances verdâtres donnent l’impression d’un coup de pinceau jeté sur la montagne. Parfait pour une pause de virages avant d’entamer la descente vers Mogán.
- L’anecdote géologique
Les gaz chauds hydrothermaux ont altéré ces coulées, formant de nouveaux minéraux qui confèrent à la roche cette texture et ces teintes si particulières.
Nous poursuivons la route en direction du village de Mogán, où nous nous sustenterons de plats traditionnels de l’île dans un petit restaurant à l’accueil adorable. Une délicieuse part de torta de queso viendra clore ce repas, signe pour nous de reprendre le volant.
Pour rentrer, deux options s’offrent à nous : rebrousser chemin ou faire le grand tour par le sud. Contre toute attente, le tour complet est plus rapide. On laisse donc l’autoroute aux gens pressés, et on reprend la route escarpée… mais cette fois du bon côté : celui de la falaise, pas du vide.
En traversant les exploitations agricoles, impossible d’ignorer la forte odeur qui émane des serres. Ici, ça ne sent pas simplement le chimique à plein nez — ça pique carrément le fond de la gorge et les yeux. Un parfum d’avenir radieux, celui d’une terre saturée de pesticides, emmitouflée sous des hectares de plastique ondulant au vent.
L’agriculture intensive dans toute sa splendeur : rentable, opaque et désespérément muette.
Le vent souffle en bourrasques puissantes, la voiture tangue sur les viaducs, quelques motards s’accrochent fermement à leurs guidons, les cyclistes – maudits qu’ils sont courageux – espère un vent de dos.
Tiens les cyclistes… Lanzarote était un paradis pour eux : routes lisses comme des tapis de billard, dénivelés doux et réguliers. Fuerteventura corsait un peu les choses avec ses reliefs plus marqués.
Mais ici, c’est l’enfer. Le supplice des mollets, le royaume de l’endurance pure.
Chapeau bas, mesdames, messieurs, je vous lève très haut ma casquette.
Au-dessus de notre village s’étend la vallée d’Agaete, oasis de verdure au milieu des montagnes arides.
On avait prévu de visiter une ferme bio, mais il s’agit en fait d’une exploitation de café et de raisins qui demande 14 euros l’entrée. On passera notre tour, et on s’émerveillera gratuitement de l’incroyable beauté de cette vallée aux teintes chaudes et vibrantes à cette heure dorée.
Passage éclair à la maison, le temps de déposer André pour sa micro-sieste. J’en profite pour grimper à flanc de montagne, avec l’espoir d’atteindre la Cruz de Las Nieves, qui surplombe le port.
Hélas, le vent est d’une violence rare, le chemin est inexistant : il faudrait escalader des rochers instables et des cailloux branlants, mais les bourrasques rendent tout équilibre impossible.
En temps normal, ce ne serait pas trop gênant, mais ici, entre la poussière qui tourbillonne, les cactus qui n’attendent qu’un faux pas pour planter leurs pics acérés, et le vrai risque de tout simplement dévaler la montagne, je préfère m’arrêter sur une petite plateforme naturelle. De là, la vue est déjà très agréable.
En contrebas, les risées tournoient et virevoltent à la surface de l’eau ; un peu plus loin, ce qu’il reste du monument emblématique de l’endroit est amputé, comme un vestige oublié. Mais le lieu reste sublime, surtout à cette heure dorée où les façades minérales se parent de reflets chauds, presque incandescents.
Le Doigt de Dieu a perdu sa première phalange lors de la tempête de 2005, mais pas sa superbe.
- L’anecdote géologique divine, mais un peu triste
En novembre 2005, la tempête tropicale Delta a emporté la partie supérieure de la formation, laissant le "doigt" brisé.
Depuis, les autorités locales ont choisi de ne pas reconstruire la structure, préférant préserver ce qui reste comme témoignage de l'œuvre de la nature.
Dernier passage par le port de Las Nieves : les vagues frappent la digue avec une brutalité presque rituelle, les rouleaux aux reflets céruléens éclatent en gerbes d’écume sous le ciel déjà adouci.
Deux jeunes improvisent une chorégraphie sur la jetée, se filmant avec application ; seuls leurs écouteurs connaissent la musique, mais leurs gestes, eux, dansent librement dans le vent.
La promenade est agréable. Nous sommes partiellement à l’abri des bourrasques, ce qui, après la journée, tient presque du luxe. On savoure cette accalmie, ce moment suspendu en bord de mer, pour relâcher les tensions, refaire surface, et tenter de digérer les circonvolutions vertigineuses de la route.
L’avant-dernier traversier quitte la jetée vers Ténérife.
Un peu avant 19 heures, notre étoile sature le ciel d’orange et disparaît derrière l’immense portique du terminal.
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Centre de l'Île : Mirador de la Atalaya, tejeda, roque nublo...
Il y a tant à faire, tant à voir… et si peu de temps !
On décide donc de reprendre les routes de montagne pour revisiter certains villages que nous avions à peine entreaperçus, trempés et emmitouflés, lors de notre virée pluvieuse de l’autre jour.
À peine quelques kilomètres de bitume vaguement rectiligne avalés, et nous voilà déjà dans le vif du sujet.
Encore une fois, les virages s’enchaînent sans jamais se ressembler. Mais tous ont ce point commun : le vide d’un côté, et de l’autre, une exigence constante d’attention, de réflexes, de nerfs solides.
Heureusement, comme je l’ai dit à André, j’ai fait du rallye dans ma jeunesse.
Je me suis juste bien gardé de préciser que c’étaient des rallyes… mondains.
Une main sur le levier de vitesses, l’autre sur le volant ; un pied qui embraye en mode réflexe, l’autre qui freine et accélère dans un ballet quasi-hystérique. Les rapports s’enchaînent, mon regard oscille entre l’horizon lointain et cette mince bande de sécurité entre les cailloux de la falaise et la rambarde côté précipice.
Et voilà une voiture de touristes tétanisés qui n’ose pas dépasser les 30 à l’heure…
Derrière, un local me colle au pare-chocs, nerveux. Je le laisse passer avec un petit salut – version locale du “bonne chance, mon ami”.
Par bonheur, les routes sont en excellent état, et les pneus de ma vaillante Seat sont encore légaux – ce qui n’était pas tout à fait le cas sur nos deux dernières îles…
Ici, comme à Montréal, personne n’a entendu parler des clignotants. Il faut deviner les intentions des autres.
Et soudain, une surprise de taille : droit devant nous, majestueux, imposant, perçant la brume comme un mirage, le Teide se dresse dans toute sa splendeur.
Du haut de ses 3 718 mètres, ce toit de l’Espagne trône fièrement sur l’île voisine de Tenerife, imperturbable sentinelle que rien ne semble troubler.
On a presque l’impression qu’il nous toise, serein, confiant, comme s’il savait déjà qu’on viendra bientôt s’attaquer à ses flancs volcaniques, mais en attendant, il y a café au village d’Artenara.
Tsé, comme si j’étais pas déjà assez crinqué, mets-moi un double expresso, mon beau jeune barista.
- Anecdote artistique et visuelle
Le Mirador de la Atalaya est un point de vue situé dans le village d'Artenara, le plus haut village de l'île. Depuis ce belvédère, on peut admirer une vue panoramique exceptionnelle sur les villages troglodytiques environnants, notamment Las Cuevas, Caidero et Chajunco, où de nombreux habitants résident encore dans des grottes modernes, fraîches en été et chaudes en hiver.Le mirador offre également une perspective sur le vaste parc forestier de Tamadaba, connu pour sa dense pinède. De plus, il est possible d'apercevoir le sommet du Teide, situé sur l'île voisine de Tenerife, par temps clair.Inaugurées en 2007, deux sculptures ornent le Mirador de la Atalaya : "Forestas", évoquant la pinède, et "Protego", représentant le paysage côtier et les zones intermédiaires de l'île.
Pas le temps de laisser refroidir le moteur, on reprend aussitôt l’ascension vers Tejeda.
Le panorama – du peu que j’ai le temps d’apercevoir entre deux virages – est absolument splendide.
Les cimes acérées découpent le ciel et dominent des vallées d’un vert éclatant, regorgant de vie grâce aux pluies récentes.
Ici et là, le tintement des cloches signale la présence d’un troupeau de chèvres. Les prairies sont constellées de fleurs sauvages aux couleurs vives, et le ciel, dégagé, recouvre le tout d’un bleu réconfortant.
Tejeda, enfin. Village que nous avions traversé dans un trafic inimaginable dimanche dernier et qui est beaucoup plus calme aujourd’hui.
Accroché à flanc de montagne, le village se déverse paisiblement vers la vallée. Quelques espaces plats accueillent des cultures, et çà et là, des réservoirs d’eau, soigneusement agencés, permettront d'irriguer les terres pendant la période sèche. On devine dans cette organisation minutieuse une vie de résilience, où chaque détail est pensé pour faire face aux caprices du climat.
Le cliquetis du moteur épuisé nous murmure qu’il serait temps de faire une vraie pause.
Ça tombe bien, l’heure du repas approche.
Les autobus de touristes n’ont pas encore déversé leur cargaison de retraités venus du Sud, et le village, splendide, est encore à nous.
Perché à environ 1 000 mètres d'altitude, Tejeda offre des vues imprenables sur des formations rocheuses emblématiques telles que le Roque Nublo et le Roque Bentayga. Le village est également célèbre pour ses amandiers en fleurs, notamment célébrés lors de la Fête de l'Amandier en Fleur qui a lieu chaque année entre février et mars (dimanche dernier justement).
Tejeda est réputé pour ses amandiers, dont on tire des pâtisseries bien trop gourmandes pour qu’on puisse y résister. Palmiers au chocolat, mazapanes, bienmesabe (c’est LA spécialité de Tejeda. Son nom signifie littéralement "ça me fait du bien", et ce n’est pas du tout exagéré), galletas de almendra, empanadillas sucrées, parfois fourrées au bienmesabe ou à la confiture de figue… Dire qu’il va falloir faire un choix!
Mais d’abord… j’ai de la chèvre à manger.
- L'anecdote gourmande
L’une des spécialités culinaires emblématiques des îles Canaries, c’est la carne de cabra : de la viande de chèvre, mijotée pendant des heures dans une sauce riche, parfumée au vin, à l’ail, au laurier et aux épices locales. Le résultat : une viande tendre, presque confite, au goût puissant mais jamais trop fort, parfaite pour les amateurs de plats rustiques et authentiques.Ce plat s’accompagne presque systématiquement des fameuses papas arrugadas (les patates fripée), ces petites pommes de terre locales cuites avec leur peau dans une eau très salée, jusqu’à ce qu’elles se fripent et forment cette croûte légèrement croustillante de sel marin.On les déguste avec un mojo – vert, à la coriandre, ou rouge, au piment et au paprika fumé – les deux sauces fétiches de la gastronomie canarienne.Un vrai délice du terroir, simple, robuste, et profondément enraciné dans la culture insulaire.
Et puis, ça y est. Ils arrivent !
Bronzés et fripés comme de vieux canapés en cuir, ils déferlent dans les boutiques de souvenirs, se jettent sur les étals et embarquent sans sourciller les pires horreurs en céramique ou en plastique moulé.
Il est temps de mettre les voiles non sans avoir plus ou moins dévalisé une pâtisserie et avoir fait le plein de délices aux amandes. Une vraie visite culturelle !
Puisque le beau temps se maintient et que le vent n’est qu’une brise timide, nous décidons de remonter au Roque Nublo, qui, sans sa ceinture de nuages, perd un peu de son mystère.
Par contre, il faut s’inscrire en ligne pour y accéder – avec une jauge limitée à 60 personnes par heure, le maximum autorisé pour accéder aux parcs (le Nublo est un parc rural). Au vu de l’affluence touristiques des Canaries, il fallait bien instaurer quelques mesures de protection.
C’est complet aujourd’hui… mais bon, le point de vue de l’autre versant est déjà très joli.
Une mer de nuages recouvre Las Palmas, la forêt alentour appelle à la balade, et des dizaines de cyclistes s’arrachent les cuisses dans les montées, avant de prendre tous les risques dans les descentes.
Encore des obstacles à éviter…
Décidément, il y a quelques jours, nos corps menaçaient de tomber en hypothermie et la vue était plus que brouillée.
Aujourd’hui, le grand beau temps enlève un peu de mystère à l’endroit (et il y a beaucoup trop de monde). Mais qu’importe, nous ne boudons pas notre plaisir de redécouvrir le sud de l’île à travers les sommets, jusqu’aux magnifiques dunes de Maspalomas qui se fondent dans la brume à l’horizon.
Nous faisons une petite halte pour admirer la course des nuages se heurter à ce col, un tout petit peu trop haut pour eux aujourd’hui. C’est le genre de moment où, spontanément, on lâche nos derniers “Mais que c’est beauuuuuuu !” en chœur, avant de laisser nos regards se perdre dans la vue majestueuse qui s’étend devant nous, depuis le point de vue de Degollada de Las Palomas.
Encore quelques milliers de virages… et nous voilà de retour à Agaete, où nous laissons reposer notre fidèle destrier.
C’est le début d’une soirée de repos bien méritée avant notre prochaine étape.
Depuis dimanche dernier, nous aurons avalé près de 790 kilomètres, et contemplé des paysages si variés qu’on a eu l’impression de changer d’île chaque jour.
Gros coup de cœur pour Gran Canaria ♥
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