Vacances de rêve, cauchemar pour les dauphins
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Février 2012 - Me
voilà de retour d’un très agréable séjour sur cette île
colorée et musicale. Bronzé, reposé, le cigare au bec
(Cohiba, évidemment), un soupçon de rhum dans le verre, de très
bonnes lectures dans le sac, une escapade mémorable à La Havane, et
une plongée dans les eaux chaudes de la Baie des Cochons. Un
programme tranquille, parfait pour recharger les batteries loin de la
neige et du froid.
Ces vacances ont aussi été l’occasion d’observer mes congénères d’un œil amusé (et parfois un peu inquiet). Il faut dire que les comportements en milieu tropical sont toujours instructifs, souvent surprenants. Et, curieusement, les premiers à se sentir visés sont généralement les premiers à me reprocher mes remarques. Allez comprendre…
Il y a trois jours, j’avais posté sur un forum de voyage un petit texte — celui que je reproduis plus bas — concernant le merveilleux loisir de "nager avec les dauphins". Une activité chaudement recommandée par les responsables de l’hôtel et l’agent local du voyagiste. Ce matin, message laconique dans ma boîte : texte supprimé, motif : il ne cadrait pas avec la magie attendue d’une excursion hors de prix sur un catamaran bondé de fêtards, avec musique hurlante, alcool à volonté, et ambiance « croisière s’amuse » garantie du matin au soir.
Eh bien désolé, mais je persiste : un vacancier bien renseigné voyage mieux. Que ce soit sur l’histoire du pays, sa population, sa réalité économique ou ses enjeux environnementaux, connaître un minimum ce qu’on vient fouler du pied (même en sandales) n’a jamais gâché une seule expérience. Au contraire.
Évidemment, Varadero n’est guère concernée par ce genre de considérations. 80 % des touristes n’en sortiront même pas, et la plupart des autres suivront un itinéraire bien balisé. Ce n’est pas une critique : chacun voyage à son rythme, selon ses envies et ses limites. Se détendre ou suivre un guide compétent, c’est très bien. Mais ouvrir un guide de voyage de temps en temps ne fait pas de mal.
Je précise aussi que je ne milite pas pour le PETA, cette organisation qui semble parfois prête à sauver une souris au détriment de l’humain, en repassant à l’infini les images de bébés phoques ensanglantés, alors que la chasse commerciale des blanchons est interdite depuis 1987. Je ne suis pas extrémiste, je suis juste fatigué de l’ignorance — surtout quand elle est complaisante.
Avant de passer aux dizaines d’autres bizarreries que j’ai notées, je vous propose de lire le texte censuré. Vous pourrez toujours aller caresser le gentil dauphin au sourire enjôleur, mais au moins, vous saurez ce qu’il y a derrière.
🐬 Le sourire trompeur des dauphins
… ou comment les touristes pourraient faire changer les choses
Qui n’a jamais rêvé de nager avec les dauphins, ces créatures
que l’on dit intelligentes, sensibles, presque magiques
?
Aujourd’hui, pour quelques centaines de dollars, ce rêve
est à portée de main dans des parcs aquatiques de Cuba, du Mexique
ou des États-Unis.
Mais détrompez-vous : le sourire du dauphin n’est pas un sourire, c’est simplement la forme de sa mâchoire. Et s’il exécute des cabrioles ou transporte des touristes sur son dos, ce n’est pas par plaisir : c’est par faim.
Derrière cette industrie se cache une réalité sordide :
Captures violentes, souvent illégales
Trafic international, organisé
Conditions de captivité inadaptées, voire cruelles
Espérance de vie drastiquement réduite
Un dauphin peut coûter jusqu’à 100 000 $ à l’achat, et rapporter plus d’un million de dollars par an. Une manne pour certains, un enfer pour l’animal.
Les dauphins sont chassés dans les eaux du Japon, de Cuba ou des îles Salomon. Les plus beaux spécimens sont sélectionnés pour les spectacles ; les autres sont abattus. Chaque année, environ 23 000 dauphins sont tués, et leur chair — pourtant toxique à cause des métaux lourds — est consommée en Asie.
Quelques vérités essentielles
Durée de vie : en liberté, un dauphin peut vivre plus de 50 ans ; en captivité, plus de la moitié meurent dans les trois premiers mois.
Alimentation : en liberté, ils chassent du poisson frais ; en captivité, on les affame volontairement pour les conditionner avec du poisson mort en récompense.
Vie sociale : en liberté, ils vivent en groupe, dans des structures sociales riches ; en captivité, l’isolement, le stress et la dépression sont courants. Certains finissent par se suicider (oui, c’est documenté).
Espace vital : un dauphin peut parcourir jusqu’à 160 km par jour, plonger à plus de 300 mètres. Les bassins de béton font 2,5 mètres de profondeur, sans marée, sans vie, saturés de chlore et d’excréments.
Sonar : en mer, leur sonar leur permet de « voir ». En bassin, les ondes rebondissent douloureusement contre les parois. C’est comme hurler dans une cage métallique.
Reproduction : en liberté, une femelle peut avoir 6 à 7 petits au cours de sa vie. En captivité, moins d’un. Les fausses couches sont fréquentes.
Dressage : les cerceaux, les pirouettes, les portages de touristes : ce ne sont pas des jeux. Ce sont des humiliations infligées à un animal affamé, puni s’il résiste.
Touristes, posez les bonnes questions
Pas « quel est le nom du dauphin ? », mais : d’où vient-il ? Comment a-t-il été capturé ? Combien de temps vivra-t-il encore dans ce bassin ?
Si vous aimez les dauphins — vraiment — la seule manière éthique de les voir, c’est en liberté, dans leur habitat naturel, en respectant leur rythme et leur distance.
Maintenant que vous savez, le choix vous
appartient.
L’émerveillement n’est pas
incompatible avec la lucidité.
Tout ça est triste et me brise le coeur, moi qui aime les animaux. Je crois que c'est d'ailleurs pour cette raison que les gens ne veulent pas entendre ce genre de choses.
RépondreSupprimerPar ailleurs, ne fait-on pas la même chose avec nos animaux domestiques ? Nous les tenons en laisse, nous les tenons captifs dans nos maisons et nous controlons leur appétit. Je ne juge pas (j'ai moi-même un Labrador que j'adore), mais cela m'amène à réfléchir sur notre rapport avec les animaux en général...