Asie 2019 - Bangkok 2/2

4 mars - Bangkok, une acti-vitrée et des beignes en rafale.
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Pas de bougie sur la papaye, le serveur n’a pas dû comprendre ma demande.

Ce matin, nous nous dirigeons vers la première activité de la journée. En chemin, nous croisons multitude d'affiches électorales, vantant les mérites et les promesses des candidats qui se présentent aux élections législatives du 24 mars.
Il y a même un parti qui affiche une feuille de marijuana. Le cannabis à usage thérapeutique est légal en Thaïlande, mais ce parti voudrait que chaque famille puisse faire pousser 6 plants chez eux. Pas certain qu'il passe celui-là.

Par contre, le militaire au regard méchant a de fortes chances de rester au pouvoir. L'armée, de concert avec le Roi, contrôle le pays, il serait dommage de faire tomber une dictature qui ne tolère aucune contestation.
D'ailleurs, un premier parti d'opposition vient de se faire dissoudre, et la chaîne de télévision créée par les enfants de l'ancien premier ministre en exil, interdite de diffusion pendant deux semaines. Tiens, juste le temps de conforter les bidasses au pouvoir !

Il y a deux jours, j’ai acheté des billets en ligne pour accéder au fameux plancher de verre de l’immeuble Maha Nakhon. Je n’ai jamais eu de confirmation ni de réponse à mes courriels, mais mon compte a bien été débité.

Sur place, il suffira au très dévoué préposé de cliqueter sur son clavier pour confirmer mon achat et nous donner accès à l’ascenseur tellement rapide qu’il doit être capable de nous téléporter.
Sans même ressentir autre chose que les oreilles qui se bouchent, nous arrivons au 74e étage. Étant donné l’heure matinale, nous sommes les premiers au sommet de la tour de 314 mètres.

Construite en 2016, la superbe tour Maha Nakhon abrite des logements, des commerces, des bars et un hôtel de 154 chambres. C’est le gratte-ciel le plus haut de Bangkok et il représente une image pixelisée en cours de téléchargement.

Cet étage est un point d’observation intérieur qui, grâce à la technologie de la réalité augmentée, permet de visualiser les points d’intérêts de la ville via l’écran de nos téléphones.
Le ciel est un peu nuageux, mais ça donne une perspective intéressante à la ville qui s’étend à nos pieds. Des piscines ponctuent de leur bleu invitant quelques terrasses, et au loin, on distingue parfaitement Bang Kachao, le Poumon Vert de Bangkok, où nous avions fait du vélo il y a quelques semaines. Ah oui, il faut se replonger dans les archives…

Mais le voyage n’est pas fini, si nous sommes ici, c’est pour accéder au tout dernier étage, la terrasse et son fameux plancher de verre. Nous montons donc au 75e pour embarquer dans un ascenseur vitré qui nous fait grimper au sommet de la tour, le 78e étage.

En gravissant encore quelques marches, on accède au sommet du sommet, The Peak qui est officiellement le bar le plus haut du Royaume.

En face de ce Pic, le fameux plancher de verre domine le quartier par sa transparence.
On nous demande d’enfiler des housses sur nos chaussures, de laisser sacs et appareils photo afin de ne pas abîmer la vitre, et puis on peut aller baguenauder dans les airs.

Je ne souffre absolument pas d’acrophobie.
Je n’ai peur ni du vide ni des hauteurs, mais un tout minuscule instant de doute me taraude lorsque je pose un pied au-dessus des toits des petits immeubles sous mes semelles.

La logique l’emporte rapidement et je m’élance comme si j’avais des patins à glace. Debout, assis, couché sur le dos ou sur le ventre, je donne un spectacle aux gens dont je me fous royalement. À cet instant précis, je suis seul au monde et j’en profite.

Après quelques minutes, je rejoins André qui respire un peu plus rapidement que d’habitude.
C’est à son tour de s’élancer. Et comme c’est à cause de lui qu’on est ici, il serait malvenu de ne pas honorer ses engagements.

Il fait comme les gens normaux, il doute.
Un pied sur la vitre, le corps sur la brique. Un autre pied, mais retour au bord. Puis, il commence à marcher. Très proche de la pierre à laquelle il pourrait éventuellement s’accrocher si la vitre venait à céder.
Enfin, il traverse, mais en marchant sur des œufs. Comme si le fait d’avoir le pied léger était un gage de sécurité sur une vitre qui mesure plusieurs centimètres d’épaisseur.
On a beau savoir qu’un troupeau de tricératops pourrait entamer une gigue effrénée sur cet épais carreau, on doit quand même totalement faire confiance à une personne qu’on n'a jamais vue.

Bon, André a pris trop d’assurance, il faut presque que je le rappelle à l’ordre, on ne passera pas la journée ici.

Nous montons admirer la vue à 360º du haut du Peak, puis retournons sur le plancher transparent pour un dernier tour de piste, avant de regagner le niveau zéro dans l’ascenseur ultra rapide pour accéder directement dans le grand magasin hors taxe du groupe King Power.

Dans quelques années, la tour Super Rama IX devrait supplanter l’actuelle détentrice de par rien de moins que le double de sa hauteur, soit 615 mètres. Une autre visite à programmer d’ici 3 ans.
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Nous regagnons le grand centre Siam Paragon pour céder au rituel repas d’anniversaire : le barbecue coréen.
Un brasero rempli de charbon de bois incandescent est déposé sur la table, et une hotte aspirante vient se placer à quelques centimètres au-dessus.
La serveuse apporte notre commande de légumes, tranches de bœuf et poulet, que nous déposerons sur la grille. C’est un vrai festin, et nous nous régalons de faire notre petite popote de camping de luxe.

André continue son programme fastueux en me traînant dans le très chic café du Mandarin Oriental pour y déguster du bout d’une dent de fourchette en argent un dessert haut de gamme.

La journée a trop rapidement avancé et apporter nos achats à l’hôtel avant de finir la soirée en beauté est une perte de temps. Heureusement, au-dessus du métro Silom, des consignes sont installées et nous pouvons y déposer nos sacs que nous récupérerons ce soir avant de rentrer à l’hôtel.

Chose faite, nous avons amplement le temps de nous balader sur le quai du khlong, juste à côté du superbe ensemble de maisons ancestrales récupérées par Jim Thompson dans les années 50 avant qu’elles ne se fassent démolir à une époque où il fallait faire disparaître le passé pour laisser place au présent.

Des fresques décorent le béton et les bateaux filent à toute allure sur le petit canal dans des éclaboussures d’eau peu ragoûtante.

Nous grimperons dans un de ces bateaux qui, pour à peine 9 bahts nous déposera à la station proche de la Montagne d’or que nous avons l’intention de visiter.

Souvent côtoyée, nous n’avions jamais grimpé les marches pour accéder au Wat Saket, le temple qui domine toute cette partie de la ville.

La vue du haut de la colline est très belle, et le soleil qui commence à frôler les toits de la mégalopole annonce un splendide spectacle.
Quelques moines concurrencent André dans le sonnage de cloches et de gong, mais l’hurluberlu percussionniste ne laisse pas sa place et court de battant en marteau. J’ai un tout petit peu honte, mais il s’amuse et c’est son anniversaire.

Nous sommes choqués par tous les visiteurs qui gardent leurs chaussures au dam de la bienséance. Mais en sortant récupérer les nôtres, nous voyons les grands panneaux et la voix lancinante d’un haut-parleur intimant aux visiteurs de garder leurs chaussures aux pieds.

...

Il est déjà temps de regagner le sol pour notre prochaine activité, un trop longtemps reporté match de muay thai (le vrai nom de la boxe thaïe) au stade Rajadamnern.

En 2002, j’avais assisté à un match au réputé stade Lumphini, fermé depuis et avait vraiment adoré ça. Oui, c’est violent et les pugilistes commencent jeunes. Mais pour devenir bon, comme dans tous les domaines, il faut bien débuter le plus tôt possible. Certains coups sont interdits, et le combat est surveillé de près par l’arbitre et les entraîneurs.

Nous sommes assis au premier rang, le nez dans les cordes. Il y aura 9 matchs de 5 rounds chacun. Une reprise dure 3 minutes, puis 2 minutes de repos, autant dire qu’on va passer du temps ici.

Comme dans tous les matchs, on commence par les plus jeunes. Même s’ils sont musclés comme des athlètes de haut niveau, ils ne doivent pas avoir plus de 15 ans. Le rituel, suivi à la lettre, est mené par une troupe de trois musiciens. 

Tambour, cymbale et hautbois nasillard font résonner une musique lancinante qui rythme les mouvements des boxeurs.

Les deux combattants dansent autour du ring, invoquent les protections, remercient leurs entraîneurs et le public. Ils s’étirent et bougent au son des notes, le spectacle est déjà commencé.

Le coup de gong annonce le début du match.

L’arbitre s’assure que les garçons portent la coquille de protection, essuie les dernières gouttes d’eau sur les gants et rappelle les règles de bonne conduite.

Premier round. Les gamins se jaugent, se tournent autour, se lancent quelques coups de pied et de poing pour voir comment l’autre va réagir. Gong.

Retour dans leurs coins, rouge et bleu se dirigent vers leurs équipes. Rapidement, un grand plateau en métal est poussé sous le boxeur, il pourra ainsi se faire rincer et soigner sans salir le tapis. Massage, eau glacée, conseils, hurlements de motivation, information sur les paris en cours, l’équipe est surchauffée et ira crescendo jusqu’au coup de gong final ou au KO.

Le spectacle n’est pas que sur le ring. Dans la section publique où les gens sont debout, les paris vont bon train. Les spectateurs hurlent et se déchaînent à chaque coup porté.

Au fur et à mesure des combats, des boxeurs de plus en plus balaises et expérimentés se relayent. Un petit râblé en short rouge fait face à un grand aux longs bras. La culotte bleue lance loin ses coups. Le rouge, court sur pattes ne peut les éviter et encaisse sans broncher.
Je ne sais pas ce qu'il se dit dans le coin du rouge pendant une pause, mais il semble temps de passer à l'attaque.

Sa force extraordinaire compense largement sa taille. Il déboule comme cinq lions sur son adversaire qui n’a rien vu venir. Crochets, uppercuts, coup de pied dans le ventre, coups de genoux et de coudes, en moins d’une minute, une avalanche de boulets de canon se déverse sur le grand trop sûr de lui.
C’est un KO sans appel.

Le suivant, en short bleu, ne paye pas de mine et, lui aussi en prend plein la gueule. Mais nous comprenons rapidement sa stratégie. Il est capable d’encaisser, et laisse son adversaire prendre de la confiance.

Mais ses coups de tibia sont dévastateurs. Il frappe avec une force et une rapidité hallucinante, toujours au même endroit.
La cuisse gauche sous le short rouge commence à marquer. Une grande trace écarlate apparaît. Il boite et ne peut plus éviter les coups qui tombent sans discontinuer sous les hurlements hystériques des parieurs en face de nous.
Il a beau avoir une jambe musclée et entraînée, elle finit par céder sous les coups de pilon. Il tombe. L’arbitre le compte, il essaye de se remettre sur ses gambettes flageolantes sans y arriver.
C’est terminé. 
Son adversaire l’aide à se relever, il est porté hors du ring sur une civière, son lendemain sera difficile.

C’est ultra violent, mais c'est un sport codifié où tous les coups ne sont pas permis avec des règles strictes qui doivent être respectées. Il y a une vraie admiration de la part des combattants. Lorsque l’un reçoit une beigne qu’il n’a pas vue venir, il sourit, hoche la tête : ouais, bon coup, mon gars, je ne l'avais pas vu arriver celui-là.

Tous les autres matchs se gagneront aux points et les gagnants et perdants sont applaudis par le public.

Il est presque 22 heures, le stade s’est tranquillement vidé après les combats plus professionnels et nous quittons nos places avant la fin du tout dernier match qui réunit deux amateurs. Nous avons eu notre quota de mornifles.

En sortant du stade, les taxis offrent de nous ramener à des prix défiant toute logique.

Non, pas de compteur, je vous fais un prix à 300 baths. Ce ne sont que 12 dollars, mais en quittant la zone touristique, un chauffeur nous prendra en déclenchant un compteur qui affichera 70 baths à l’arrivée.

Il n’y eut ni bougie ni chanson faussement marmonnée, mais ce 4 mars a été agréablement célébré.





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