Nous sommes plongés dans la culture birmane avec des samosas épicés et des petites crêpes épaisses recouvertes de noix de coco séchée. C'est très bon et ça change des omelettes.
À 8 heures 30, comme prévu, nous embarquons dans un spacieux tuk-tuk avec un couple de retraités allemands. Le chauffeur nous explique notre trajet, et nous confirme que nous allons faire le tour de tous les points d'intérêts de la région.
À 11 kilomètres de Hpa An, cette première visite est constituée d'une grande grotte habitée par tout un tas de statues de Bouddha. Les murs sont recouverts de milliers de statuettes en terre cuite, et, ça et là des statues plus imposantes peuplent les ouvertures dans la roche.
Nous reprenons la route en direction de la grotte de Sadan, la plus imposante et la plus éloignée de toutes.
Le chemin qui y mène est en très mauvais état. Le tuk-tuk, qui n'est pas spécialement prévu pour le tout-terrain, brinquebale et saute de trou en trou. À moitié assis sur nos banquettes recouvertes de plastique, cramponnés aux barres métalliques, nous sommes secoués de tous les côtés et bienheureux de n'avoir encore rien mangé.
Enfin, au loin, une ombre dans la montagne et un léger courant d'air un peu plus frais nous informent que nous sommes au bout de nos peines.
Le chauffeur stationne son engin et nous partons à la découverte de cette immense grotte qui nous réserve de belles surprises.
Concentrons-nous sur la beauté des lieux et sa fraîcheur bienvenue dans cette matinée devenue trop rapidement torride.
Quelques stupas sont érigés dans la grotte, ainsi qu'une drôle de tête dorée de François Mitterrand, surmontée d'une cloche.
Les parois sont décorées de formes animales, paon, grenouille ; de formes géométriques ou de Bouddhas, entièrement réalisées avec des petites sculptures en argile doré.
Quelques moines se recueillent et déambulent dans les ombres. Le silence est apaisant.
Il n'y a quasiment aucun touriste. Malgré la beauté de Hpa An et de sa campagne, cet endroit n'est pas aussi populaires que Bagan ou le lac Inle. Tant mieux.
Nous nous enfonçons dans la pénombre de la terre. Seules, quelques ampoules blafardes éparpillées éclairent misérablement la noirceur palpable. J'ai pris la précaution de me munir de ma lampe frontale, petit objet fort utile pour les quelques dizaines de mètres où aucune lumière ne parvient à percer l'opacité impénétrable.
Enfin, au bout d'une dizaine de minutes de marche, nous apercevons la clarté du jour au loin. Mais ce n'est qu'un éboulis qui laisse entrer une réconfortante et douce lueur, la véritable sortie est un peu plus loin.
Quelques canards, des oies et des dindons habitent cet endroit.
Nul doute que si je voyais Blanche-Neige sautiller dans un coin avec un faon, je ne serais pas plus étonné. C'est tellement cuuuuute !
On dirait un décor de film, quelque chose avec des princesses, des licornes ou des ours gentils qui parlent… En fait, un dindon c'est pas spécialement mignon, mais sa laideur et son cri rauque sont pour le moins originaux.
La balade est géniale, on vogue au ras de l'eau, passons sous un énorme rocher, et croisons quelques pêcheurs.
Nous quittons le lac et nous enfonçons entre les rizières où un étroit canal a été creusé.
Seule, la pagaie vient de temps en temps troubler l'immense quiétude des lieux. Il faut dire que le bruit omniprésent au Myanmar, fait apprécier rapidement les zones de silence.
Nous rejoignons notre tuk-tuk et reprenons la route vers le village "Waterfall", qui n'a pas de nom, mais où nous allons manger.
En fait de village, ce sont quelques gargotes posées aux abords de deux bassins où des gens se baignent.
En saison humide, une cascade surgit des sommets de la falaise pour finir sa course dans les piscines. Mais en ce moment, seul un faible courant venant du ventre de la montagne alimente et régénère les eaux troubles des bassins.
Les petits restaurants sont tous occupés par des touristes transportés par les tuk-tuk de leurs hôtels et guesthouses.
Qui des Soe Brothers, du Golden View ou du Tiger, tous s'arrêtent ici pour manger. Nous retrouvons évidemment les visages rencontrés quelques jours plus tôt aux alentours du lac Inle, de Kalaw ou même à Bagan, comme ce couple de jeunes Allemands qui attendait une chambre comme nous.
Que ce soit dans le sens nord/sud ou sud/nord, presque tous les voyageurs font les mêmes visites et se croisent régulièrement.
Le repas vite expédié, nous sommes plus que tentés de faire un plongeon dans le bassin amont, uniquement réservé aux hommes. Les femmes ont droit au bassin suivant, dont l'eau est un peu plus trouble…
Je n'arriverais jamais à comprendre cette obstination à vouloir toujours imposer la deuxième place aux femmes. Oh, ce n'est pas la peine de se rengorger de la liberté de nos pays occidentaux soi-disant démocratiques, où la situation est exactement la même.
On est juste plus hypocrites.
Une petite fille barbote dans les bras de son papa, tandis que son grand-frère à peine plus âgé me fait des sourires où il manque quelques dents de lait.
L’aîné est fier de me montrer comment il saute du rocher et adore se voir en photo. Rien n'est impossible à ce jeune cascadeur en herbe, pourvu qu'il puisse m'épater.
Le papa regarde fièrement sa progéniture, et tout le monde ri de se voir sur l'écran de mon appareil.
Dans l'autre bassin, plus grand, des enfants de partagent une grosse bouée, s'amusant à se pousser dans l'eau.
Des ados se poussent et font les coqs devant quelques jeunes filles un peu gênées. Tranches de vie...
Nous embarquons dans notre véhicule pour la prochaine visite.
L'alignement est parfait et me rappelle les ordres aboyés par un instructeur commando lors de ma lointaine formation militaire : JE VEUX VOIR UNE SEULE TÊTE ET C'EST LA MIENNE ! Douce poésie militaire…
Les montagnes lui donnent une petite touche d'exotisme, vite balayé par les commentaires de Dietrich, notre compagnon de voyage communiste et païen.
Bien que le bouddhisme ne soit pas une religion, il associe ces constructions, statuaires ou toute autre forme de dévotion à une ferveur inutile, proche de l’extrémisme.
- Bitte Dieter, halt die Klappe, und bewundern Sie die Landschaft. Und lassen Sie diese jungen Männer ruhig !
Non, ils sont gentils nos retraités teutons, et puis je chausse des Birkenstock, ça fait un rapprochement… C'est juste que Dieter a un humour un peu particulier qui n'est pas très drôle, mais nous aurions pu tomber sur pire.
De toute façon on a déjà gravit une montagne hier, à chacun son tour.
La pagode de Kyauk Ka Lat est construite sur une petite île au centre d'un lac artificiel. Au sommet du haut rocher qui domine le monastère, se dresse la pagode.
Haut lieu de pèlerinage, le monastère est très fréquenté par les moines, mais aussi par les couples de jeunes mariés, qui trouvent ici bénédictions et superbe décor pour leurs photos officielles.
Un vieux moine noue quelques fils orange autour de nos poignets en murmurant des protections divines. Je ne sais pas ce que ça vaut, mais la couleur est parfaite sur un bras bronzé.
Nous poursuivons nos visites, Dieter commence à être fatigué, et ses blagues un peu moins nombreuses. Ça rassure sa femme qui le trouvait trop familier avec nous, quand je disais que je comprenais l'allemand…
Au sud du pont qui enjambe la rivière Salouen, une grotte majestueuse nous attend. L'entrée de la grotte Kaw Gon est payante, il faut débourser 3 000 K par personne (appareils photos inclus).
On se demande pourquoi il faut payer dans certains endroits. Si les taxes gouvernementales sont/étaient empochées par la junte militaire, je suppose que dans ce genre d'endroit, ce sont les moines qui s'occupent du bon fonctionnement de leurs monastères et de l'entretien des sites historiques.
Il y a ici beaucoup de moines, et un vénérable fait bien comprendre que les femmes ne sont pas autorisées à croiser sa route, et ne sont pas non plus prioritaires dans un escalier étroit.
Il s'y réfugia quelques années plus tard, suite à une défaite militaire qui le laissa amer, mais créatif.
Elle fut redécouverte au 19e siècle et depuis 1975 c'est un site préservé. Sauf pour la cimenterie...
À côté de la grotte, monte un raide escalier en béton jusqu'à une pagode d'où le point de vue est tout simplement époustouflant.
Le mont Zwegabin veille à la quiétude des lieux de son imposante masse. Au nord, quelques collines sont éventrées et laissent apparaître leur calcaire blanc au milieu de toute cette verdure. Matière première pour la fabrication du ciment, je me demande si ces magnifiques concrétions de calcaire vont survivre à l'appétit des machines.
Nous quittons notre nid de pie, et retrouvons Dieter et sa femme qui font une sieste sur un banc. Ils n'ont pas voulu dépenser 3, 30 $ par personne pour aller visiter une énième grotte trop spirituelle pour eux. C'est bien la peine d'aller à l'autre bout du monde…
À peine distante de deux kilomètres, la grotte de Yathaypyan (ou Ya The Byan) nous ouvre sa gueule béante. En cette fin d'après-midi, la fraîcheur des entrailles terrestres nous accueille avant même que nous soyons arrivés.
Au centre de la grande ouverture, un promontoire rocheux est couvert par une plate-forme surmontée de plusieurs statues et d'un grand stupa doré.
Mais le grand intérêt de cette grotte se trouve de l'autre côté.
En dix minutes de marche, à travers stalactites et stalagmites, sur un sol que l'on devine glissant lorsque mouillé, nous arrivons au pied d'un escalier. Quelques marches montent vers une ouverture dans la montagne.

Des éclats de voix d'enfants au loin, sont les seules preuves de signe de vie dans cette campagne bucolique.
Mais nous ne sommes pas seuls, et devons respecter l'horaire afin de ne pas manquer l'épilogue spectaculaire de cette superbe journée.
Dans le petit village au bord de l'eau, tout le monde est sourire et salutations. Les enfants sont heureux de nous voir et nous hurlent de longs bye byyyyye ! Quel plaisir de traverser ces villages et de croiser ces gens adorables.
C'est la plus grande richesse de ce grand pays, et elle est disponible à volonté.
Une fête se prépare, et comme partout, la musique dont on teste les haut-parleurs, est poussée à fond. Le paisible village tremble et vibre aux rythmes des basses hurlantes.
Heureusement, notre chemin part plus loin dans le bois, et en contournant un promontoire rocheux, nous n'entendons plus rien que les bruits de la forêt.
Une volée de marches mène à deux stupas et continue jusqu'au sommet du piton qui domine la rivière. Nous nous arrêtons au stupa où plusieurs touristes sont déjà en attente, le doigt sur le déclencheur de leur appareil photo.
Comme une méchante bouche renfrognée et édentée, d'où sortent quelques grincements aigus et une pénombre malsaine. En face, la rivière s'écoule doucement.
Les flammes rouges montent à l'assaut de la coque en bois. Elles lèchent les membrures jusqu'au pont, et la fumée noire s'élève en volutes dans le ciel de ce début de nuit.
Tout à coup, des percussions brisent le silence. Un homme âgé et son épouse, se mettent à cogner sur des seaux et des bidons. Cela ne donne pas le signal aux chiroptères de quitter leur abri, mais prévient les touristes que ça va bientôt commencer.

D'un coup, des centaines de chauves-souris sortent de la noirceur de la montagne. Les cris se font entendre plus nettement, l'odeur ammoniaquée prend au nez, le spectacle est impressionnant.
Aussitôt, les rapaces fondent sur les bestioles imprudentes qui se sont éloignées du groupe. Mais la chasse n'est pas facile. Le nuage des petits mammifères s'éloigne le long du cours d'eau et le calme revient autour de la caverne.
Certains touristes commencent à quitter les lieux, d'autres ramassent leur équipement vidéo, et moi je suis dubitatif. J'avais lu que la sortie des animaux pouvait durer de longues minutes, nous sommes loin du compte. Je suis certain que la petite troupe n'était qu'un apéritif pour les rapaces affamés, le plat de résistance devrait suivre. Alors, nous restons assis et attendons.
À peine deux minutes plus tard, les percussionnistes reprennent leurs bâtons et leurs grosses caisses. Et le spectacle commence.
Des millions de petits corps poilus et ailés se suivent en un flot incessant. À chaque coup de tambour, le nuage monte dans le ciel. Je comprend que c'est probablement pour éviter que certaines ne soient tentées par le désir de s'accrocher dans les cheveux des filles...
Des masses sombres se séparent et partent à la chasse aux insectes partout dans les environs.
Cela fait plus de 10 minutes que l'envol a commencé, et le rythme ne s'est pas ralentit. Le soleil a quitté notre monde, la nuit commence à tomber et il est temps de rentrer à la maison.
Nous laissons donc la nature poursuivre son œuvre, et nous promettons de revenir demain.
Le tuk-tuk nous dépose devant le Galaxy, nous saluons notre hérétique Dieter et sa femme et, avant que la fatigue ne nous rattrape, nous nous dirigeons vers le Khit Thit, petit resto local, où l'on sert une bonne cuisine et bien plus propre que le conseillé Lucky 1 en face.
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