Lundi 25 janvier – 165 km, de Mae Hong Son à Mae Chaem, déguisés en bonbons...

Lac de Mae Hong Son
À 5h45, je suis réveillé par un déluge biblique. Ça augure vraiment mal pour la journée qui va bientôt commencer. Je me rendors et rêve de canicule. 

Nous nous levons tôt, la pluie fait une pause et nous partons au marché pour trouver des impers. C'est primordial, il fait vraiment plus froid et la pluie nous attend quelque part sur la route qui est relativement longue et sinueuse. 
J'ai quelques talents d'acteur lorsque je joue au Taboo ou Times Up, et je vais en faire profiter les commerçantes du marché. 
Enfin, à force de mimer la pluie qui tombe, mon désespoir d'avoir froid et d'être mouillé, elles sortent des impers. Enfin, une fois qu'elles ont fini de se bidonner. 
Et leurs voisines de kiosque aussi, parce qu'il est impossible d'offrir un spectacle personnel dans un marché. Je récolte des applaudissements, quelques sucreries et des viscères de porc que je me ferais un plaisir de cuisiner ce soir. 

Déballage de la marchandise. Un poncho bleu, pas super pratique. Un pantalon et une veste de pluie rose vieux bonbon, là, on commence à trouver ça pas mal. 
Finalement, j'opterais pour un ensemble du meilleur goût, un pantalon rose et une veste longue bleue poudre. 
Assortis avec des sur-chaussures en sac poubelle, la pli ka tombé, vent ka soufflé, on est prêts ! 

Nous revenons à notre chambre, et admirons nos précieux achats. Ça doit faire quelques années que ces articles sont stockés, les plis sont presque collés entre eux. 
Qu'importe, c'est solide, très étanche et presque à la bonne taille. 
Ah oui, le one size fits all c'est valable pour les Thaïs, mais difficile de faire entrer un Christophe tout entier dedans. 

Les manches remontent un peu sur les avants-bras, les bas de pantalon à mi-mollets, on va ajuster tout ça avec de la ficelle et des élastiques. Et puis, hormis aux yeux des Occidentaux, nous ne serons jamais ridicules pour les locaux, ici, c'est système débrouille, qu'importe le look. Heureusement ! 

En attendant, notre réveil aux aurores nous permet d'aller dévorer un excellent petit-déjeuner au café 77 House's. Une belle adresse, qui sait faire d'excellents expressos, et de bons plats. 
Allez, il faut se motiver un peu, c'est l'heure de partir. Nous nous équipons dans notre chambre, étudions les tenues, ajustons quelques longueurs, et nous préparons à enfourcher notre monture. 

Un couple de Français Parisiens nous interpelle : 
  • Ben dis donc y s'lèvent tard les motards. Et ça marche bien cette moto ? Vous avez dû la payer cher. Nous, on préfère le petit scooter. Oui, à deux dessus, c'est cool. Et puis on va pas vite, on a le temps de voir le paysage, on en profite, nous. De toute façon une grosse bécane comme ça, c'est trop lourd pour ici. Tu sais, moi en France, j'ai une grosse moto, alors je sais ce que c'est, blablablabla... 
Verbiage, logorrhée verbale, je m'écoute parler, je suis fendant et prétentieux, je suis ? Je suis ?

Promis, je suis resté serein, en fait, je ne lui ai même rien répondu. J'ignore assez bien les gens à qui je n'ai rien à dire, atterré par le flot de conneries qui peut sortir d'une simple bouche. 
Je monte donc sur ma moto trop lourde et trop chère, embarque mon copilote et m'en vais dans le doux ronflement de ma bécane de riche voyageur. 

Quelques kilomètres au sud, dans les contreforts des premières montagnes, le ciel s'assombrit. Nous nous arrêtons au bord de la route pour enfiler nos bottes en sac-poubelle et les attacher avec des bouts de ficelle en nylon, que j'ai prélevé sur ma corde à linge.

C'est très difficile de faire des nœuds solides quand on a les mains gelées et une crise de fou rire. Impossible de rester sérieux quand on voit notre dégaine, ça a du bon de ne pas se sentir jugés. 
En fait, les Thaïs croisés sur la route, nous font des signes OK avec le pouce levé au ciel et de grands sourires. Ils doivent se dire : Maudit qu'ils sont brillants, ces farangs

La route est vraiment sympa, dommage que le thermomètre de la moto affiche un anémique 12º. Il ne pleut pas, mais nous roulerons très souvent dans le brouillard. 
Les gros nuages gris que nous voyions, avant d'attaquer ces routes de montagne, sont agrippés aux sommets et ne comptent pas en bouger avant quelques jours. 
Nous traversons des villages complètement cernés par le mauvais temps. Les habitants sont regroupés autour de petits feux, abrités sous toutes les couvertures et vêtements les plus chauds qu'ils aient pu trouver. 
Nous apprendrons plus tard que le froid de cet étrange hiver a tué plus d'une soixantaine personnes dans le nord du pays. 

Enfin, la petite ville de Mae Chaem est en vue, et l'hôtel où nous avions trouvé un chalet et une piscine pour nous soulager de la chaleur, il y a 10 ans et toujours là. 
Le chalet en bois est toujours à 400 B, nous n'avons pas un instant d'hésitation, mais j'ai du mal à sortir les passeports, mes mains sont complètement tétanisées par le froid. 

Nous ne traînons pas, et allons faire un tour au marché où nous dévorons un délicieux épi de maïs très chaud. Il est emballé dans un sac plastique, alors, je le passe sur mon corps pour me réchauffer. La vendeuse est morte de rire et interpelle ses copines. Nous quittons le marché avant de recevoir d'autres viscères en guide de remerciements.

Sur la route, nous mangeons dans un tout petit restaurant tenu par une dame adorable et revenons nous reposer et nous réchauffer dans notre bungalow. 
Le village est endormi, léthargique, assommé par ce temps détestable. Les rares commerces sont à peine entrouverts, il n'y a rien à faire, sinon se reposer et reprendre des forces pour demain. 

Le soir, nous trouverons la force de tomber sur un restaurant familial où nous nous sustenterons d'un pad thaï devant un soap local avec les enfants du couple. 

Il est temps de regagner notre masure, où les fenêtres sont des moustiquaires que nous tentons de colmater avec les volets. 
Le vent froid y trouvera son chemin jusqu'à nos lits, j'ai bien fait de refuser les chambres avec clim que la fille de l'accueil m'avait proposé avec un petit sourire ironique.


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