Dimanche 31 janvier – Hsipaw – Les fous du volant

Ce matin, j'ai pris la décision de louer un scooter. Après avoir relu ma journée d'hier, je me dis que c'est vraiment une idée étrange. 

Il fait encore frais jusque vers 10 heures, la journée débute tranquillement sur notre balcon face à une école où les élèves répètent leurs leçons en une psalmodie lancinante et interminable. 
Ils commencent tôt, vers 6 heures du matin et finissent bien après le coucher du soleil. Je trouve ça original et beau, à en oublier de rédiger toutes les journées qui manquent encore à mon journal de voyage. 
Mais au bout de 2 heures, c'est devenu envahissant. D'ailleurs, plusieurs messages dans notre guesthouse s'excusent de la gêne occasionnée par ces deux écoles privées qui viennent de s'installer. 

Qu'importe, notre journée ne se passera pas sur notre balcon, la route nous attend. 
Nous nous rendons au petit restaurant non loin de notre chambre, qui est aussi loueur de mobs. Il demande trop cher pour ce que c'est, mais on dirait que les prix ne sont pas négociables. 
Bon, je sortirais donc 12$ pour cette petite 125 sans rétroviseurs et que le patron s'est empressé de vider de son essence. Il n'y a aucun casque à la bonne taille, la plupart ne s'attachent pas, il y a plus de poussière que de mousse, et de toute façon, ils sont optionnels. 

Allez, zou, direction la route de Mandalay, et les sources d'eau chaude qui nous attendent quelque part. 
Nous passerons le péage sans payer, astuce que nous indiquent quelques motards véreux, roulerons sur une route en assez mauvais état, serons doublés par des camions tonitruants et crachant noir, en direction de sources d'eau chaude. 

Les paysages sont grandioses et les gens croisés égaux à eux-mêmes, souriants et serviables. Aussitôt que nous demandons notre chemin, carte avec inscription birmane à l'appui, ils se feront un devoir de nous indiquer la route à suivre. 
Qui ne sera jamais la même d'une personne à l'autre. 
Nous ne trouverons jamais les sources d'eau chaude… 

En redescendant vers la plaine, nous remarquons des gens arrêtés près d'un stupa. Ce doit être un très beau point de vue du haut de cette dernière falaise, je décide de m'y arrêter moi aussi. 
En fait, nous comprenons rapidement que ce n'est pas du tout un point de vue, mais que dans ce virage très serré un terrible accident s'est produit il y a peu de temps. 
Un promontoire, un gros arbre avec un tronc très abîmé, beaucoup de branches brisées, presque 20 mètres de vide, et, tout au fond, des tôles éparpillées, un morceau de voiture. 

Nous imaginons parfaitement ce qui s'est passé. Vitesse excessive, perte de contrôle, tremplin sur la butte en terre, percute le tronc d'arbre et chute. Je ne veux pas penser au bus qui nous ramènera à Mandalay dans quelques jours… 

Nous regagnons donc les terres planes et trouvons enfin un point remarquable, le gros temple la Paya Bawgyo, où nous devons tourner vers le village des faiseurs de sel. Mais d'abord, c'est frichti.  
Pas de vrai resto, nous sommes à l'entrée du temple et trouvons une gargote sans carte, sans personne avec qui échanger deux mots et sans savoir ce qui est au menu du chef ce midi. 
Dans ces cas-là, rien de plus simple et efficace que de rentrer dans l'espace ''cuisine'' et de désigner ce que l'on aimerait déguster. Je précise que nous sommes végétariens (dans le doute…) en faisant un signe négatif vers le bout de bidoche qui pend au bout d'un crochet rouillé. 

Nous aurons droit à une soupe exquise, dans laquelle baigne des nouilles shan et des légumes, tout ceci accompagné de légumes marinés et d'une grosse bouteille d'eau. Le monsieur qui vient de finir de broyer quelques branches de canne à sucre me propose un verre. C'est excellent !
Il est temps de passer à la caisse… 
1700 kyats ! 1,70 $. Pour deux ! Je pense que nous venons de battre le record de tous les temps en terme de repas économique. Ce soir, on se paye la traite pour 6 piasses ! 

Nous reprenons la route vers ce fameux village des salins, mais nous ne trouvons pas. Normal. 
En faisant une énième fois demi-tour, nous voyons des bassins remplis d'eau et des paniers de sel. C'était donc ça. 
Deux jeunes femmes qui lavent leur linge dans le tourbillon mousseux d'un ruisseau trouble nous font signe que c'est bien ici et que nous pouvons laisser notre pétrolette dans le coin de ce grand banian. 
Aussitôt l'engin stationné, deux bambins se jettent littéralement sur moi et me font un câlin de première classe. 

Ils voient arriver André qui est monté à pied, courent vers lui, lui sautent dans les bras et se collent contre lui. 
C'est complètement délirant et d'une beauté sans nom. De l'amour à l'état pur, des enfants comme ça, j'aurais aimé en voir plus souvent. 
Ils posent pour la photo, et s'en retournent à leurs jeux de chérubins, bâton et eau. Un classique… 

Nous partons visiter les salins, mais on dirait que c'est le jour de repos du centre d’interprétation. Il n'y a personne, si ce n'est une jeune maman et son nourrisson, qui seront très heureux de poser pour la postérité. 

Des bassins creusés dans le sol sont recouverts de toiles en plastique noir. Remplis d'eau, on distingue une fine couche de fleur de sel à la surface, mais je doute qu'il y ait un marché pour ce produit. La priorité doit se trouver ailleurs que dans un petit pot de luxe dont on saupoudre généreusement les plats de nos riches tables. 
En attendant, il n'y a toujours personne pour nous inviter à visionner le diaporama de cet établissement... Je me demande encore comment est fait ce sel. Est-ce de l'eau salée, un mélange de terre qui décante, le mystère restera entier. 

Nous reprenons la route, non sans avoir envoyé la main et des bisous à nos jeunes fans, et nous dirigeons vers une cascade d'eau. 

Les cascades ont toujours été des légendes dans nos voyages. 
Lorsque nous finissions par la trouver, ce qui était rarissime, elle était immanquablement à sec. C'est donc sans trop d'attentes que nous suivons le chemin au bout duquel est supposé se trouver cette fameuse Nam Tok. Le Thaï et le Shan sont des langues relativement similaires, nam tok veut bien dire cascade dans les deux pays. 

Nous sommes précédés par une horde de moines à scooter, qui nous font de grands sourires et confirment que c'est la bonne direction. 
Nous faisons comme eux, stationnons notre engin à côté des leurs, puis, les suivons sur la piste qui serpente entre les petites parcelles de maïs et de bananiers. 

Et voilà la fameuse cascade, deux filets d'eau qui tombe d'une belle hauteur, il y fait frais et les seuls touristes, c'est nous. 
Évidemment nous sommes en saison sèche et j'imagine que le débit doit être beaucoup plus important lorsque les pluies torrentielles noient le ciel. 

Une petite grimpette me permet de passer derrière la cascade, où j'en profite pour glisser sur les rochers moussus et me vautrer comme un sac dans la boue et les cailloux. Heureusement, mon appareil photo est intact, mes lunettes aussi. Il n'y a que mon amour-propre qui vient de prendre une grosse claque. Par chance, j'étais encore invisible de mon public. 

Sur le chemin du retour vers Hsipaw, nous trouvons facilement la route qui monte à un point de vue identifié par un globe. Effectivement, un peu en dessous d'un temple, une statue de Bouddha est assise sur un énorme globe terrestre qui domine toute la vallée. 
La vue y est très belle, et encore une fois, deux petites filles, nous font des beaux bonjours en prenant la pose comme les stars qu'elles ont vues à la télé. 

Croisant quelques énormes semi-remorques chargés de centaines de cartons de pastèques, nous nous dirigeons vers notre dernière étape, Sunset Hill
Suivant les recommandations de notre hôtesse, c'est vraiment un endroit à ne pas manquer, il serait malvenu de ne pas suivre ses conseils. 

Un peu après le pont qui surplombe la rivière Myitnge, nous bifurquons à droite et attaquons l'abrupte côte qui mène au sommet de la colline. 
Ah, je crois que je vais rendre la monnaie de sa pièce à mon vampire à essence. Si je me fie aux hoquets de la pétrolette, mon réservoir est presque vide. Je pourrais descendre en roue libre et finir le dernier kilomètre en mode économie. Il n'aura même pas besoin de siphonner son réservoir pour son prochain client. 

En attendant, nous sommes subjugués par la vue sublime qui s'étale à nos pieds. 
Debout sur un muret du temple, nous admirons l'étendue de la petite capitale de l'état Shan, les reflets mordorés du soleil sur le miroir de la rivière et les montagnes embrumées. 

Le ciel est doré, il y a toutes sortes de nuances pastel, du bleu au rose, parsemé d'un peu d'or, le tout enrobé des ombres vert foncé des forêts et des prairies. C'est un instant magique. 

Nous ne verrons pas le soleil se coucher, de toute façon le spectacle était parfait. Et puis, rouler quand il fait jour est dangereux, alors lorsque la nuit tombe, il vaut mieux être arrivé à destination. 

Nous finissons l'après-midi chez Mr. Shake, au Yuan Yuan, le célèbre et unique bar à jus de la ville. Un très beau monsieur se charge de passer au blender tous les fruits frais de saison pour faire des shakes complètement parfaits. Avocat, orange, pastèque, citron, ananas, avec ou sans alcool, il suffit de demander ou de se fier au menu collé au mur pour avoir un plein verre de jus frais antioxydant, détoxifiant, vitaminé, anticancéreux, alouette, ah ah ah.

À 1 000 K le jus, c'est une affaire qui roule du tonnerre, c'est toujours plein. 
Je m'imagine ce que ça pourrait être avec un peu d'aménagement, de nettoyage et de décoration.


  


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