Andalousie 2024 - Cadix - 1/2

Mercredi 20 mars – Cadix mais aussi Arcos de la Frontera

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La nuit a été aussi calme que l’on pouvait l’espérer dans un village perdu au milieu des montagnes. Je profite de cette sérénité pour immortaliser ce vaste paysage de maisons blanches plantées entre falaises et montagne puis nous prenons la route en direction de Cadix.

Avant toute chose, et pour bien entamer la journée, il faut écouter ça : 


Les nuages commencent à pointer le bout de leur nez, et restent accrochés au sommet des pics. La route serpente à travers des paysages montagnards magnifiques et sereins. Pas de circulation, des petites vallées aux plaines fleuries, quelques troupeaux de moutons ou de chèvres, nous passons entre deux falaises monumentales et arrivons à un point de vue sur la vallée qui s’ouvre face à nous. 

La région est réputée pour ses randonnées, ses élevages et ses délicieux fromages Payoyo fabriqués avec du lait de chèvre, de brebis ou un mélange des deux.

La contrée étant pas mal isolée des pollutions urbaines en fait un terrain d’exception pour l’apiculture. On retrouve le réputé miel de la Sierra de Grazalema dans toutes les boutiques des environs et nombreux sont les pots ayant un label bio, difficile à obtenir hors de ces territoires préservés. 

Bref, du fromage, du miel, du vin de Ronda, des gens souriants et accueillants, ne manque qu’un bon pain au levain pour touche finale.

Avant d’arriver à destination, nous avons encore quelques villages blancs à traverser. Villaluenga del Rosario est le premier à montrer patte blanche. 
438 habitants peuplent ces maisons immaculées perchées à 850 mètres au-dessus des plages surpeuplées de Marbella. Fief des bandits et des contrebandiers, elle ne sera qu’un joli souvenir dans nos mémoires. 

Suit de près Benaocaz, encore un petit village, tout mignon, de 700 âmes. Petit, mais costaud, ce bled surplombé par des montagnes menaçantes. Enfin surtout ce matin avec ces nuages qui avancent vers nous et les silhouettes - lointaines, mais bien présentes – des grands vautours tournoyants dans le ciel gris.

Officiellement fondé par les Arabes en 715, le village devient chrétien en 1485. Un tout petit bourg, mais sa page Wikipédia est plus fournie d’histoire et de culture que beaucoup de villes bien plus importantes dans le Nouveau-Monde. 
Mais nous ne nous arrêterons pas, sinon pour y faire quelques photos. 

Enfin, nous arrivons à Ubrique, commune la plus importante du coin avec plus de 16 000 habitants. Au moins ici, on est sûr de trouver un café ouvert pour faire une petite pause. C’est sans compter avec les aléas d’une grande ville, il n’y a aucun endroit pour stationner la voiture.

Je fais 3 fois le tour, redis bonjour aux gens que j’ai déjà salués il y a 5 minutes et finis par jeter l’éponge en poursuivant notre route. Pour faire court une histoire longue et mouvementée, Ubrique est spécialisée dans le cuir et la maroquinerie. C’est d’ailleurs l’un des principaux centres du travail du cuir en Europe. Et ce samedi, une grande corrida s’y prépare avec picadors, toreros, banderilles, coups d’épée et sable blond se gorgeant du sang s’écoulant d’une artère de taureau. Toujours pas de café. 

El Bosque
est une p
etite bourgade de 2 200 âmes, nichée au creux d’un vallon est entouré de forêts, un cadre magnifique pour qui aime la nature. Et le bon café, puisqu’une cafétéria de bord de route attire les amateurs caféinomanes locaux et touristes. Deux touristes pour être précis. 

Une foire au cochon se prépare, sinon les habitants ont de quoi s’amuser, avec la foire à la tapa, le salon chasse, pêche et tourisme, l’incontournable corrida, l’écomusée de l’eau, un jardin botanique, une fontaine, le musée du fromage, des sommets propices au parapente et tout un tas de sentiers de randonnée ou de vélo tout-terrain. 
Alors, qui a dit qu’on s’ennuyait à El Bosque ? 

La halte que tout le monde attendait dans la voiture et enfin en ligne de mire. 
Du pont-barrage d’un lac enfin réellement fourni en eau, nous admirons le splendide village de Arcos de la Frontera et ses 31 000 Arcenses. 
Dommage, le soleil vient juste de disparaître derrière une épaisse masse nuageuse grise et la photo est bien moins jolie qu’elle ne l’aurait été 37 secondes auparavant. 

Considéré comme l’un des plus beaux villages blancs de la Sierra de Cadix, il surplombe la plaine du haut de ses 185 mètres à bout de falaise. Des premiers habitants préhistoriques à ce 20 mars 2024, il s’en est passé des choses par ici, mais je n’ai ni le temps ni le courage de développer ces quelques milliers d’années d’histoire. 

Le nom de la ville semble avoir des origines latines puisqu’elle a été baptisée Arx-Arcis (forteresse en hauteur) - ou Colonia Arcensium - par les Romains. 
Pendant la période maure, elle est renommée Medina Ar-Kosh avant de devenir Arcos de la Frontera en 1264 et l’arrivée des Rois Catholiques. 
La ville tient le difficile rôle de frontière entre les royaumes castillans et nasrides dans les lointaines et sanglantes années médiévales. 

Stationnement rapidement trouvé, nous pouvons nous dégourdir les gambettes dans les rues pentues et pavées de bonnes intentions. Ruelles très étroites, passages secrets entre les murs blancs, habitants qui préparent avec ferveur les fêtes pascales, nous font arriver sur le parvis de la basilique mineure de Santa María de la Asunción

Moyennant une petite obole, nous avons accès au clocher avant la visite de l’église. 
Celui-ci, construit au 18e siècle après l’effondrement du précédent suite au tremblement de terre de Lisbonne (Cf. le bilan du voyage 2023), nous permet d’avoir une vue à 360° de la ville et de toute la région. 
De petits balcons nous donnent la sensation de marcher dans le vide et de côtoyer les pigeons. 

À nos pieds, la grande plaza del Cabildo est en totale rénovation. Juste à côté les remparts du château ducal est toujours habité par la famille et interdit de visite au public. Ce fier château est bâti sur un alcazar militaire du temps de l’occupation musulmane et dans son état actuel date du XVe siècle.

Sous notre tour, la basilique a été construite après la Reconquista sur un mélange de temple wisigoth et d’une mosquée. 

Les cloches sont juste au-dessus de nos têtes, ce serait fou si elles commençaient à sonn… BOOOOOOOONG ! DING DONG ! DONG DONG ! BOOOOOONG ! Il est midi, touristes pas touristes moi je sonne mes cloches… Quel vacarme ! 


Les tympans vibrent et menacent de fendre. Ce qui n'empêche pas un papa, tout excité par la situation, de soulever son bébé vers les énormes masses de bronze vibrantes. 
Quelle brillante idée, papa de l’année ! 

Nous regagnons le parvis et entrons après une trentaine d’enfants survoltés. Fermement surveillée par Sœur Sévère, qui lance des regards à faire fuir les gargouilles à la moindre petite bouille qui s’aventure à laisser échapper un son qui n’est pas un psaume ou une prière. 

Encore une fois, nous sommes subjugués par la richesse de ces églises. 
De petites chapelles richement ornementées s’ouvrent autour de la nef. 

Sur les murs, des peintures immenses, dont le magnifique, puissant et intemporel Saint-Christophe ; un cierge pascal daté de 1767 ; des sculptures, des fresques, un Saint-Joseph je-te-tiens, tu-me-tiens par la barbichette ; un retable recouvert de feuilles d’or sculpté entre 1580 et 1608 ; un chœur en bois du 18e ; une sacristie et son pichet d’eau bénite qui goûte drôle ; un Jésus au pagne artistiquement dévoilé ; une tête de mort coiffée d’une tiare papale, une autre qui grignote une anguille (ou un ténia) ; un lourd et grand crucifix qui va sûrement faire le tour de la ville d’ici peu ; et le paso - sur lequel sont posés statues et cierges - porté par les costauds de la confrérie de l’église.

Nous nous dirigeons vers le Mirador de Abades en passant sous l'arche des bisous et pouvons admirer la ville plonger vers le réservoir d'Arcos.
Le Rio Guadalete serpente aux pieds de la petite cité tandis que le soleil joue à cache-cache avec les gros nuages qui finiront par lui céder la place.

Un drôle de bonhomme nous fait de grands signes et marmonne des choses incompréhensibles. Je sais que je ne suis pas le plus fortiche en espagnol, mais là je ne comprends vraiment rien.

Poliment nous nous approchons de l’individu qui nous invite à passer la noble porte du Palacio del Mayorazgo.

Et je comprends au même moment que le monsieur est sourd-muet… 
Il insiste avec force gestes à visiter toute la bâtisse, des caves aux balcons. 

Andalousie - Espagne
Le palais, construit au XVIIe siècle est somptueux avec ses grandes salles et ses patios lumineux.
Il est le siège de la Délégation Municipale de la Culture d'Arcos et abrite, un musée avec des collections permanentes et temporaires, dont l’accès est, gratuit.
Enfin hormis la main tendue de señor Bernardo qui vient juste de trouver un groupe de touristes probablement plus généreux que nous.

Nous achevons notre découverte de cette charmante ville de moins en moins menacée par les nuages noirs, et prenons un petit frichti sur une terrasse à l’heure où les Andalous en sont à leur deuxième café.

Allez zou, direction le sud-ouest et la belle Cadix

Champs d’éoliennes, fermes solaires, ici on profite de la nature généreuse en vent et en rayons pour faire le plein d’énergie. 

La circulation est plus dense, nous arrivons en vue du pont de la Constitution de 1812, où la vitesse est limitée à 100 km/h. Ce pont de 3 kilomètres de long et de 185 mètres de hauteur a été inauguré en 2015 et permet d’accéder rapidement à la vieille ville. 

Nos bagages déposés dans l’immense appartement, je galère un peu pour trouver une place de stationnement. Le parking le plus proche est moins cher avec l’application qui ne fonctionne pas, alors je tourne et finis par trouver un souterrain glauque, mais à moitié prix. J’espère y retrouver la voiture intacte dans 2 jours.

Et quand je réussis à m’extraire de ces catacombes, la première chose que je vois c’est l’infini. L’immensité de l’océan Atlantique se déroule sous mes pieds. 

Le premier obstacle entre moi et les Amériques sont les îles Bermudes où je suis allé il y a fort longtemps. 
La lumière est forte, la mer et le ciel se frôlent, j’ai envie de monter à bord d’une goélette. Mais je dois d’abord passer à l’appart récupérer mon matelot qui se demande où je suis passé.

Et c’est parti pour le tour express de la vieille ville de Cadix afin de profiter du beau temps. Demain est un jour de pluie alors c’est cet après-midi que nous allons encore battre des records. Un comble pour des voyageurs paresseux. 

Petit topo de la ville avant de commencer.

Cadix est l’une des plus anciennes villes d’Europe de l’Ouest, on y a retrouvé des traces de civilisations datant de plus de 3100 ans. La ville, bâtie sur un rocher relié au continent par une étroite bande de terre face à l’Océan Atlantique, est fondée par les Phéniciens en 1104 avant Christ.

Son nom semble venir du berbère Gádir ou du phénicien Gadès – château ou forteresse (comme Agadir) -. 
Les Carthaginois s’en emparent, suivi par les Romains, elle est finalement détruite par les Wisigoths au Ve siècle qui aimaient vraiment briser tout ce qui se trouvaient sur leur route. 

En 711, les Maures prennent position sur le gros rocher et reconstruisent la ville. Les Vikings en maraude dans le coin la pillent, les Maures la reconstruisent et la cité se nomme Qâdis de 711 à 1262, année où Alphonse X, roi de Castille-et-León récupère la ville. 

Celle-ci ne se dévoile pas aisément.

Ses longues et étroites rues cernées par des immeubles où le soleil a du mal à éclairer les pavés, ses ruelles si étroites qu’il faut rentrer le ventre pour y passer et soudain une place où tous les gamins du quartier se rencontrent pour taper dans un ballon de foot au lieu de s’abrutir au-dessus d’un écran d’un téléphone. 

Nous longeons le Mercado Central de Abastos passons devant la Cathédrale, croisons le théâtre romain, et arrivons sur le front de mer qui ressemble à s’y méprendre au Malecón de La Havane. 

Le soleil est chaud, les vagues viennent finir leur course sur les gros blocs en béton et quelques pécheurs lancent leur ligne en espérant la prise du siècle où juste se vider l’esprit en admirant le vol des goélands.

Une longue digue pavée d’un peu plus de 500 mètres s’avance sur les flots bleus vers le château de Saint-Sébastien, une forteresse datant des années 1700. La brise sent le varech et l’iode, la marée basse dévoile de petites plages, les rochers affleurent et les algues sèchent au soleil.
Quel plaisir de pouvoir marcher dans l’eau fraîche en prenant le temps de compter les grains de sable sur la plage. 

Bien avant ce château, se tenait ici même le temple de Cronos. Rien de moins qu’un Titan et papa des célèbres Zeus – qui finira par prendre sa place -, Poséidon, Hadès, Hestia, Déméter et Héra. 
Alors, on n’est pas bien là, en pleine mythologie grecque ? 



Retour au cœur de la ville, grand verre de tinto verano en terrasse, et enfin, après de longues déambulations erratiques, nous prenons place dans un petit restaurant du côté du marché central. 

Sur ses murs sont affichées de magnifiques photos des fêtes pascales 2023. 
Ça a l’air tellement intense comme festivités, mais nous quittons le pays juste avant le grand raout. 

Chipirones à la plancha pour André, taureau et pommes de terre pour moi, le tout arrosé d’un rouge bien charpenté avant de regagner notre sympathique appartement et un repos bien mérité.


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CLIC - CLAC, merci Cricri !

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