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Finalement, le déluge annoncé n’aura pas lieu. Seuls quelques nuages et un ciel gris nous accompagneront tout au long de la journée.
Après les agapes matinales, nous nous dirigeons vers le Mercado Central de Abastos.
Les étals sont tous ouverts. À l’extérieur, les fruits et légumes ornent les petits kiosques, les bouchers et charcutiers exposent leurs jambons et saucissons et à l’intérieur, les poissonniers présentent les prises du jour.
Ronde de sardines, calmars dans leur encre, merlus aux dents acérées, ventrèche de thon, darne d’espadon, moules et huîtres, coquillages et crustacés, qui l'eût cru déplorent la perte de l'été.
C’est frais, ça sent bon, c’est une invitation à la gourmandise.
Nous faisons deux fois le tour de tous les commerçants, et sommes tentés d’acheter de quoi tenir un siège. Mais une visite prévue nous empêche de remplir nos sacs à dos.
Il y a une file interminable devant l’entrée de la Cathédrale, je repère un petit kiosque où un monsieur vend des billets. J’y vais, achète lesdits billets et il nous fait passer devant tout le monde en faisant un signe de connivence à l’agent de sécurité qui nous ouvre grand les portes de l’impressionnant édifice.
Si l’intérieur n’est de loin pas aussi flamboyant que certaines chapelles que nous avons visitées, son volume est généreux.
Contrairement à beaucoup de bâtiments, construits ou transformés sur des mosquées, cette cathédrale a été bâtie sur une ancienne église détruite par un incendie.
La crypte, immense, abrite les dépouilles du célèbre compositeur Manuel de Falla, originaire de Cadix et dont je n’avais jamais entendu parler jusqu’à voir son nom sur le fronton du Grand Théâtre.
On y trouve aussi des sculptures d’anges des années 1780, un beau Jésus en croix et quelques pierres tombales.
Au-dessus, deux orgues, des anges, une sacristie, une ostie, deux tabernacles, deux calices et un cruchon d’eau bénite.
Nous quittons la nef pour visiter la tour, et encore une fois il y a une file d’attente monstre. Je vais voir ''monsieur tickets'' qui nous fait passer devant tout le monde.
VIP à Cadix !
Oui, car comme à ___________ - remplis cet espace avec la ville précédemment visitée qui n’avait que 17 marches pour accéder à son sommet -, c’est un plan incliné qui nous mène au niveau des cloches.
Si tu crois que des centaines de marches sont difficiles à monter, tente le plan incliné avec une cheville raide comme une barre à mine. Bien du plaisir en perspective.
Heureusement, sur le côté, une corde solidement fixée au mur m’aide à me haler jusqu’au grand jour.
La Tour de l’horloge, c’est son petit nom, permet d’avoir une vue plongeante sur le corps massif de la cathédrale à nos pieds, et sur toute la ville. Un panneau nous informe que les cloches au-dessus de nos têtes sonnent toutes les 15 minutes.
Mais que voyons-nous là-bas, dans le port ?
Quatre gigantesques bateaux de croisière régurgitant des milliers de touristes en sandales et chaussettes hautes. Voilà la raison du pourquoi du comment de tous ces gens qui attendent leur tour de visite et que nous avons dépassés avec l’assentiment des autorités compétentes.
Sur chaque masse flottante, pas moins de 3 500 touristes en goguette franchissent la coupée pour une visite express de la ville et ses principaux monuments.
À la descente, nous croisons une dame totalement épuisée et sur le point de s’effondrer à qui nous confirmons qu’il lui reste les deux tiers à grimper. Elle fait demi-tour et regagne en soufflant le pont de son hôtel flottant, se promettant que plus jamais elle ne tentera une telle aventure.
Sur la route de notre balade, nous passons à la Casa Caracol, l’auberge de jeunesse avec laquelle nous avons réservé nos nuits à Cadix. Le bâtiment principal est composé de dortoirs, mais ils ont également des appartements à disposition pour qui n’aime plus partager les pets et les ronflements.
Merci, j’ai assez donné par le passé…
La jeune et pimpante demoiselle de l’accueil est un vent de fraîcheur qui nous indique sur une carte de la ville quoi voir, visiter, écouter et où aller manger.
Une sacrée mine d’informations.
Au sortir de la Casa Caracol, nous passons par hasard devant la petite église paroissiale Santa Cruz dont l’entrée est gratuite.
À l’intérieur, plusieurs pasos richement décorés et qui semblent peser des tonnes, attendent avec impatience leur sortie annuelle dans les rues de la ville.
Parenthèse culturelle : les pasos – du latin passus, scène, souffrance – sont les statues posées sur des chars ou des brancards qui défilent lors de la Semaine sainte.
En quittant l’édifice, je remarque une affiche indiquant que la visite de la Casa de la Contaduría – Maison de la comptabilité - est gratuite pour qui détient un billet de la cathédrale.
Cet ensemble de bâtisses du XVIe siècle est construit au-dessus de la grotte de l’ancien amphithéâtre romain.
Une grosse amphore découverte lors des fouilles décore le patio d'entrée.
Allez hop, c’est parti pour le tour gratis du musée.
Jamais dans tous nos voyages nous n’aurons autant fréquenté églises et musées, mais l’occasion est trop belle et l’art statuaire ou pictural religieux espagnol est à couper le souffle.
Nous traversons le patio et grimpons à l’étage où un Saint-Sébastien au look hispanisant et au corps idéalement musclé, mais tout de même transpercé de flèches, nous indique la route à suivre.
Au fait, Sébastien n'est pas décédé de toutes ces flèches fichées dans son beau corps, il a fini par être battu à mort. O tempora, o mores.
Une Vierge à l’enfant en son sein pose sur nous un regard mélancolique, sachant le destin funeste de sa progéniture.
Un peu plus loin, trône l'ostensoir de la Custodia del Millón, ainsi nommé en raison du nombre de pierres précieuses qui ornent ce remarquable objet en argent. Il abriterait une épine de la fameuse couronne du Christ dont une peinture d’origine flamande se fait l’écho.
Suivent des livres de chœur démesurés des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, avec une composition délicate et d'extraordinaires miniatures sur leurs pages.
Des dizaines de Christ sculptés dans de l’ivoire, des peintures de son calvaire, des objets du culte, des statues de saints avec bien sûr le sublime Saint-Christophe en marbre et plus encore sur deux étages d'une maison magnifique, voilà de quoi nous ébaubir et nous ouvrir l’appétit.
Nous retournons au marché central et constatons que les kiosques de nourriture ont levé leur rideau de fer.
Le choix est immense, même si beaucoup de croisiéristes sont venus s’y encanailler.
Suivant les conseils de Mamzelle Caracol, nous faisons honneur au Rincon del Pollo et à son plat phare, le Mahareta, des morceaux d’ailes de poulet grillés et servis avec une sauce adobo, à base de paprika, vinaigre et épices.
Un pur délice à manger avec les doigts accompagné d’une bonne Cerveza El Águila sin filtrar.
Nous craquons ensuite pour des tortillas aux crevettes, des beignets de merlu, quelques pintxos, dont de l’avocat frit et menaçons d’exploser si nous ingurgitons encore la moindre miette.
Pour faire passer toute cette friture, rien ne vaut une bonne glace et surtout une bonne marche en dehors des circuits balisés.
Le long des anciennes murailles du nord de la ville, le petit parc Jardines Clara Campoamor, coincé entre la baie et la ville offre aux visiteurs deux gigantesque ficus centenaires surplombant le buste de José Martí, le célèbre poète et homme politique cubain.
Les racines sont solidement plantées depuis 1903, date à laquelle une sœur missionnaire les a ramenés d’Inde et leur masse de grands-papas arbre impose le respect.
Ayant déversé une grande partie de leur contenu dans les rues de la ville, ils trônent là, carcasses inertes, pétunant de leurs grosses cheminées des tonnes de fumées.
L’odeur est forte, nauséabonde.
Le ciel est devenu jaune, le plafond déjà relativement bas depuis ce matin, s’est obscurci de fumées toxiques qui piquent les yeux.
Un bateau comme le Sky Princess, contient 3 600 passagers et plus de 1300 membres d’équipage. Avec ses 330 mètres de long, il expulse l’équivalent en soufre d’un million de voitures.
PAR JOUR !
À quai, pendant une heure, il émet autant de pollution que 30 000 voitures, sans compter les eaux usées déversées en pleine mer – pas loin de 2 000 000 de litres -, et 19 tonnes de déchets solides.
Oui, oui, toujours par jour…
Sur la plaza de Mina, juste à côté de notre logement nous allons écouter quelques notes du groupe qui se produit ce soir. On nous avait prévenus, es un poco duro, ouais c’est du hard rock et les jeunes musiciens qui ont enfin fini par balancer le son après quelques hésitations, s’en donnent à cœur joie.
Les mamies regardent ça avec circonspection, les enfants surexcités dansent beaucoup trop près des haut-parleurs, et malheureusement nous devons partir avant la fin de ce morceau qui allait finir par briser les vitres de l’immeuble voisin.
Il est déjà temps d’honorer la réservation faite au Cumbre Mayores, un réputé resto à tapas.
C’est la toute première fois que quelqu’un me reprend sur mon accent. J’ai fait allemand et anglais à l’école et fais l'effort de parler dans la langue du pays - n'importe quel pays -, qui m'accueille, ne serait-ce que pour dire bonjour et merci, alors excusez ma prononciation.
Le serveur me demande dans quelle langue je veux le menu. Je lui réponds espagnol ou français, et j’en reçois un en allemand. Gros con.
Vete a cagar, come mierda, comme on dit chez vous !
Et si je veux prononcer jamon au lieu de jamón, tu vas quand même me servir et faire l’effort d’apprendre une deuxième langue, face de pet.
Heureusement, il finit par être un tout petit peu plus sympa, ou alors le Rioja commence à faire effet, et la nourriture y est absolument excellente en plus d’être abordable.
Un dernier petit verre de Manzanilla, une balade digestive pour voir un autre groupe de musique, plus rock que hard, un cornet de glace et c’est ainsi que se termine notre séjour à Cadix.
Entourée d’eau, offrant des points de vue différents et une ambiance très sympathique, la ville se vit tranquillement.
Si ses longues rues étroites enserrées par de hauts immeubles peuvent donner l’impression de se sentir prisonnier - un peu comme à Grenade -, il y a rapidement une place, un jardin, un parvis d’église ou l’immensité de l’océan pour voir plus loin.
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CLIC - CLAC, merci Cricri !
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