LE PORTO
En matière d’identité culturelle, le Portugal a des signatures puissantes et reconnaissables entre 1000. Il y a bien sûr les sardines en conserve qui sont revenues de loin grâce notamment à quelques passionnés et au design totalement réinventé des conserves.
Les vins du Douro dont la réputation a largement franchi les frontières, sauf celles de la France trop fière de ses vins pour en découvrir d’autres ; la morue dans tous ses états et l'incontournable pastel de nata.
Et, évidemment, l’objet de cet article, le fameux vin de Porto : le porto.
Si vous avez bien tout lu, vous savez à présent ce qu’est un onomastisme, sinon replongez-vous dans mes passionnants récits de voyage (ou googlez-le, mais ça va être moins sympa).
Forts de notre passage en la belle ville de Porto, nous en avons profité pour visiter quelques salons de dégustation et les caves de Ferreira.
Grâce aux informations distillées par notre guide Barbara, nous en avons appris un peu plus sur ce vin renommé mondialement et ça m'a donné envie de faire quelques recherches.
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D'OÙ VIENT LE PORTO ?
Les raisins proviennent exclusivement des vignes plantées dans la vallée du Douro.
La partie qui nous intéresse est la profonde vallée que le fleuve a rogné dans la montagne et que l’UNESCO a inscrite au patrimoine de l’humanité en 2001.
On y cultive la vigne depuis 2 000 ans, rappelez-vous : Phéniciens, Grecs et Romains sont tous venus faire un tour au pays et ne sont pas réputés pour être des grands buveurs de limonade.
Aujourd’hui, 40 000 hectares sont dédiés à la culture de la vigne dans un environnement hostile pour les plants et rude pour les viticulteurs avec ses pentes abruptes et son climat extrême.
Nous n’avons pas eu le bonheur de visiter cette vallée située à 80 kilomètres à l’est de la ville, mais que ce soit en voiture, à vélo ou en croisière à partir de Porto, elle reste facilement accessible. Même pour les non-amateurs de vin, la vallée du Haut Douro est une destination à inscrire sur la liste des choses à faire.
Le porto est un vin muté (ou fortifié).
Le mutage est une opération qui consiste à ajouter de l’alcool au vin afin d’en stopper la fermentation et de conserver le sucre résiduel qui aurait disparu dévoré par les levures naturelles.
L’origine de ce mutage vient de l’engouement des habitants de la Perfide Albion pour les vins portugais.
En 1386, les deux pays signent des accords politiques, militaires et commerciaux. De nombreux marchands anglais s’installent au Portugal et, en échange de morue salée, les cales des bateaux anglais se remplissent de tonneaux de vin.
En 1667, Colbert impose un embargo sur les produits anglais et une taxe très élevée sur les vins hexagonaux. Les Anglais stoppent alors l’importation de vins français et se tournent naturellement vers leur allié commercial historique pour continuer à enivrer le bon peuple. Enfin surtout la noblesse, le peuple se contentant principalement de bière tiède et d’alcool frelaté.
Malheureusement, le vin en barrique supportait mal le voyage et on eut l’idée d’y ajouter un peu de gnôle avant la longue virée vers les brumes anglaises pour le stabiliser. Idée brillante, mais ce procédé peu académique se faisait au petit bonheur la chance avant qu’un marchand anglais du nom de Jean Beardsley eu l’idée d’ajouter de l’eau-de-vie pure dans le vin.
D’expérience un peu aléatoire, le mutage devient une technique élaborée, largement utilisée dès 1840 et devient systématique aux alentours de 1850.
Le mutage consiste à ajouter exactement 1/5e d’eau-de-vie vinicole (Brandy) à 77% d’alcool après 3 ou 4 jours de fermentation au jus de raisin. L'alcool tue les levures, stoppe la fermentation et, en conservant une grande partie du sucre naturel du vin élève le volume d’alcool à 20%.
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LES PORTOS
Il existe plus de 50 cépages dans la vallée du Douro dont 31 sont autorisés pour l’élaboration du porto. Contrairement au vin, le porto en raison de l’ajout d’alcool stoppant sa fermentation n’évolue plus une fois embouteillé à l’instar des alcools forts. C’est lors de son vieillissement en fûts ou foudres qu’il va jouer avec le temps. Sauuuuf pour le LBV non filtré (20 à 25 ans) et le Vintage (+50 ans) qui poursuivent tranquillement leur aventure en bouteille.
Il est intéressant de noter que le vieillissement en foudre oxydera beaucoup moins le vin qu’en tonneau. En effet, un foudre peut contenir jusqu’à 100 000 litres de vin, donc la quantité par rapport à la surface en contact avec le bois ne permet pas une grande oxydation.
À l’inverse dans un tonneau qui contient en moyenne 500 litres, la surface est beaucoup plus importante, il y aura donc plus d’oxydation.
Le vin en foudre conserve ses caractéristiques puisqu’il est moins en contact avec le bois, alors que celui en barrique va y trouver des notes de tabac, d’épices ou de fruits en fonction de ce que le tonneau avait en son ventre dans une vie précédente. Tout est dans toute.
Le
porto blanc est fait à partir de raisins blancs et vieilli de
2 à 3 ans en fût. Il est servi frais en apéro et entre dans la
composition de cocktails. On trouve six variantes dans le blanc, du
plus sec au plus sucré.
Le porto rosé est très récent puisqu’on doit son invention à la maison Croft pour la Saint-Valentin 2008. Il est réalisé à partir de raisins rouges dont la peau est filtrée au cours d’une fermentation à basse température.
Enfin, le plus réputé le porto rouge. Enfin, les portos rouges.
Tawny, Ruby, LBV, Vintage, voilà les grandes catégories de portos rouges.
On distingue également deux familles distinctes : à ma droite les Oxydatifs et à ma gauche les Réductifs.
Le Tawny est un oxydatif parce qu’il va vieillir de longues années en tonneau. En ayant une plus grande quantité de liquide en contact avec le bois et l’air, il va développer des arômes riches et complexes. Les fûts, tonneaux ou barriques désignent un contenant en bois d’environ 500 litres qui aura probablement déjà servi pour un autre alcool.
Tous les autres portos sont réductifs (réducteurs).
Pas de passage en tonneaux, mais un séjour plus ou moins long en foudre. Ces énormes barriques de 20 000 à 100 000 litres offrent peu de contact avec le bois, le vieillissement est relativement court avant l’embouteillage sauf pour quelques Vintage exceptionnels.
TAWNY
Assemblage de vins mutés en fût. Il est bu chambré, et une fois la bouteille ouverte, il se conserve très longtemps.
- Tawny : vin ordinaire, en moyenne 2 à 5 ans de vieillissement.
- Tawny Reserve : entre 6 et 8 ans de vieillissement.
- Tawny âgé : de 10 à plus de 40 ans. L’œnologue assemble des lots de tawnys de différentes années. Il peut ainsi mélanger un 8 ans avec un 12 ans pour obtenir un Tawny 10 ans d’âge.
- Colheita (récolte) : les raisins sont issus d’une récolte unique. Le vin patiente au moins 7 ans en fût et les bouteilles sont millésimées. Certaines maisons les laissent en fût et embouteillent seulement à la commande.
RUBY
Désigne des vins courants avec une moyenne de 3 à 5 ans de vieillissement en foudre.
Ruby Reserve ou Finest Reserve sont des appellations qui désignent des assemblages présentant une garantie de qualité.
Les Tawny et Ruby standards sont réalisés avec un mélange de raisins de diverses cueillettes sur plusieurs années (sauf Colheita). L’âge du vin est approximatif puisqu’il est une moyenne des diverses récoltes.
LBV
(Late Bottled Vintage)
Les raisins sont issus d’une même récolte, la date est inscrite sur l’étiquette, et le vieillissement en foudre dure de 4 à 6 ans. Arômes plus complexes, vin généreux, il peut être consommé sans attendre ou vieillir en bouteille (s’il est non filtré) et doit être bu rapidement une fois la bouteille ouverte.
VINTAGE
On arrive dans la cour des grands… Issu d’une seule cueillette exceptionnelle et de raisins de première qualité, le Vintage n’est pas au menu toutes les années. Il peut y avoir seulement 2 ou 3 bonnes récoltes par décennies.
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LA CONSERVATION
Bouteille non ouverte.
Comme tous les vins, le porto doit être stocké à l’horizontale, à l’abri de la lumière et dans un endroit avec une température stable aux alentours des 16°C.
Une seule exception : le Tawny qui peut très bien rester raide comme un piquet en attendant le tire-bouchon.
Seuls les portos LBV non filtrés, et les Vintage vont pouvoir vieillir en bouteille et doivent impérativement être conservés dans une cave. Pour tous les autres, ça ne changera rien, on peut les consommer dès l’achat.
Bouteille ouverte.
Bien que la plupart des gens que je connais ne laissent pas traîner une bouteille entamée, on peut garder le porto pour le boire ultérieurement.
Pour faire simple, seuls les Tawny se gardent jusqu’à 6 mois (!) une fois la bouteille ouverte. Tous les autres sont sensibles à l’oxydation et devront être bus dans les 2 à 3 jours après leur ouverture.
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PAS DE PORTOS À PORTO
Pourquoi Vila Nova de Gaia et pas Porto ou même la vallée du Douro, pourquoi se donner tout ce trouble ?
Dans la vallée du Douro, il fait trop froid en hiver, trop chaud en été. Le vin déteste les changements de température, voilà pourquoi il ne reste pas dans ses hautes vallées.
Mais alors pourquoi pas à Porto même ?
Encore une fois, c’est en partie à cause du climat. Porto est orientée au sud, en plein cagnard. La rive opposée est donc orientée vers le nord et conserve un climat plus frais. Les rives du Douro y sont également plus accueillantes pour les grands navires qui transportaient le vin aux 4 coins du monde. Enfin plus précisément en Angleterre.
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PRODUCTEURS et COMMERÇANTS
Les grandes maisons
On dénombre environ 40 compagnies pour plus de 200 marques. On peut citer Ferreirra, Ramos Pinto, Sandeman, Fonseca, Graham’s ou Taylor’s pour les plus connus.
Nous avons effectué notre première dégustation chez Kopkë, la plus ancienne maison de porto du monde, où nous avons été particulièrement bien accueillis.
C’est quoi le rapport me lancent les impatients ?
La Hanse ou ligue hanséatique, est une association de villes marchandes d’Europe du Nord, mer du Nord et Baltique. Active du XIIe siècle à 1648 elle domine l’Europe au niveau commercial.
Une maison aux produits de grande qualité qui mérite une visite, une ou plusieurs dégustations et évidemment l’achat de jolis flacons à ramener en souvenir.
Nous avons visité les caves de Ferreira, je ne vais pas revenir sur cette expédition fort instructive que vous trouverez sur cette page.
Les producteurs embouteilleurs
Au nombre de 40, ils produisent eux-mêmes leur porto, avec les raisins de leurs parcelles. Ils n’ont pas le droit d’acheter du vin ou du raisin à quelqu’un d’autre. Avec seulement 5% des ventes, ils sont faciles à reconnaître puisque la plupart du temps ils affichent leur indépendance avec l’appellation Quinta (ferme)
Les coopératives
Présentes dans tous les villages du Douro, elles produisent du porto avec des raisins des propriétaires de petites parcelles ou celles qui n’ont pas de contrat avec les compagnies. Elles vendent leur production aux grandes maisons, mais aussi en vente directe.
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Voilà qui conclut ma petite expérience de ce grand vin souvent cantonné à des fins de repas par trop arrosés. Comme j’ai redécouvert le mezcal en séjournant à Oaxaca, j’ai eu grand plaisir à replonger mes lèvres dans quelques verres d’excellents portos et me suis réconcilié avec ce vin.
J’espère que je ne vous ai pas perdu en cours de route et que ces quelques lignes vous ont permis d’y voir un peu plus clair dans le monde obscur et toujours un peu trop guindé du vin.
Nous avons trouvé que les dégustations dans les chais étaient un peu plus démocratiques et ouvertes à la curiosité et à l’ignorance de la plupart des visiteurs, dont nous, concernant ce fameux vin de Porto.
Et puis si vous trouvez des incohérences, des erreurs ou des méconnaissances, n'hésitez pas à m'envoyer un petit message. En fait, même si tout est bon, envoyez-moi aussi des messages ou des commentaires...
Saúde !
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