Portugal 2023 - Porto 3/3

Dimanche 19 mars – Portos à Porto


Le brouillard est bien installé sur le Douro et la ville, plongée dans l'épais nuage humide incite à traîner dans cet appartement si confortable.

Le répit est bref puisque vers 9h30 le soleil décide de chasser l’importun et de nous laisser profiter de l’ultime journée dans cette charmante ville.

Nous grimpons dans les hauts pour visiter le marché de Bolhao, qui est évidemment fermé pour rénovation. Plus organisés que nous ça doit pas exister…

Pas grave, nous profitons des façades et de l’architecture du quartier avant de redescendre par le parc de Cordoaria et ses platanes à feuilles d'érable aux troncs boursouflés.

Les sculptures de personnages riant aux éclats provoquent les sourires et la bonne humeur. Cette œuvre d’art se nomme Treize rires à l'autre de l’artiste espagnol Juan Munoz

Traversant le passeio des Virtudes, nous arrivons dans le quartier très populaire et beaucoup moins touristique de Miragaia. Ici, les Airbnb et autres locations touristiques sont quasi inexistantes. 

Le linge sèche aux balcons, les vieilles dames en blouse jettent du pain aux pigeons et aux mouettes. Une bâtisse sur deux menace de s’écrouler, on voit au travers des murs défoncés et des immeubles fantômes telles des coquilles vides. 

Longeant le fleuve vers le nord nous rejoignons Ribeira qui à cette heure grouille déjà de touristes de tous horizons. 

Nous entrons tout à fait par hasard dans le Museu da Cidade, qui en ce dimanche est gratuit, comme beaucoup de musées au pays.

Supposé berceau du très célèbre Henri le Navigateur, la visite est fort instructive et en plus on est juste en dessous de notre appartement dont on distingue les fenêtres.

Les navigateurs et découvreurs portugais ont ouvert des voies maritimes que le manque de technologies des autres pays ne permettait pas. Henri a été la clé de toutes ces découvertes. Ensuite les Portugais se sont comportés comme tous les colonisateurs, la croix ou l’épée, idéalement les deux...

En parlant de gratuité des visites, il faut s’accrocher, parce qu’ici rien ne l’est. Cinq euros par ci, huit euros par là et c’est tout le budget apéro qui disparaît en 3 visites. La vie est un choix…

Nous gagnons la rive gauche du Douro pour aller parcourir quelques maisons de vin de porto et y faire des dégustations.

Vila Nova de Gaia abrite une quarantaine de propriétaires qui commercialisent environ 200 marques.

J’avais un mauvais souvenir de ce vin trop sucré et que nous buvions toujours à l’excès en fin de soirée déjà trop arrosée. Un peu comme le mauvais mezcal que nous avalions comme des sauvages il y a des siècles, mais grâce à un merveilleux séjour à Oaxaca je me suis définitivement réconcilié avec cette boisson exceptionnelle.

Un peu en retrait des quais, le quartier WOW entièrement rénové, un peu vide, un peu froid, aseptisé et surtout un peu cher, dédié au tourisme de luxe, n'attire pas nos faveurs. Nous préférons les cris des marchés, les ruelles glissantes et les odeurs indéfinissables.

Il est l’heure de passer à table et nous la trouvons, un peu collante, au marché Beira-Rio qui regroupe plusieurs kiosques de restaurants où l’on peut manger de tout, loin de la horde touristique des quais tout proches.

Douze huîtres plus tard et après quelques déambulations dans les ruelles abruptes, il est temps d’honorer le premier chai de notre présence.

La vénérable maison Kopke, fondée en 1638 est la plus ancienne cave des vins de porto. Pas de tape à l'oeil, juste du chic et du bon goût qui nous redonne goût à cette boisson avec des vins âgés de 20 ans qui sont des nectars directement versés par les dieux dans nos verres. Quelques chocolats accompagnent notre dégustation, nous qui cherchions justement un dessert. 

Dans le salon avec vue, deux couples sirotent leurs verres avec tellement de lenteur qu’ils n’auront jamais le temps de faire toutes les caves en un seul après-midi. 

Hop, au suivant !

Ramos Pinto est notre prochaine escale. L'immense salle de dégustation accueille des groupes autobus et tout est organisé au quart de tour. 

Sur un menu, nous pouvons choisir quel programme de dégustation nous voulons tester. Il y en a pour tous les goûts et toutes les bourses.

Ayant pointé le menu alternatif, c'est-à-dire loin du débutant et un peu trop proche du professionnel, nous allons prendre place face à une table tonneau et attendons notre serveur.

Les affiches originales qui décorent la salle sont magnifiques et la Femme, de préférence légèrement vêtue, y tient le rôle de la tentatrice à des hommes qui vont pouvoir s’encanailler entre potes.

Il est temps de nous rendre chez Ferreira où j’ai réservé une visite. Avec dégustation bien sûr. La visite se fait en français, menée par la charmante Barbara.

Nous avons choisi cette cave à cause de sa réputation, mais surtout en raison de son histoire. Fondée par Bernardo Ferreira en 1751, la maison connaîtra un véritable essor grâce à Doña Antonia, sa petite-fille. 

Femme de caractère, elle bouscule les codes, enterre deux maris, déshérite ses incapables d’enfants, deux bambocheurs juste bons à ribouldinguer et à dilapider la fortune de leur maman, au profit de gestionnaires plus zélés. 

Elle traite bien son personnel, fonde des hôpitaux et des écoles, et fait des dons à plusieurs œuvres caritatives. Encore aujourd’hui, son surnom affectueux de Ferreirinha rappelle à tous les Portugais la grandeur de cette femme exceptionnelle.

Après l'introduction de Barabara où tout de suite nous repérons le gars qui se trouve drôle d'être drôle de la bande de copains, la blasée, le râleur et l'accro à son écran, nous commençons la visite par un petit musée.

Photos de Doña Antonia, contrats, plumes et encrier, tampons, petit bureau, rien ne manque. Si la patronne débarquait, elle retrouverait tout son matériel et se mettrait sûrement au boulot.

À travers les caves où trônent des foudres de plus de 70 000 litres, les tonneaux aux gabarits plus maniables remplissent les espaces libres. Barbara nous raconte la grande et petite histoire de ce vin muté si prisé des Anglais avec lesquelles la ville fit longtemps commerce.

Un article plus complet sur ce vin sera au menu à la fin de notre séjour, entre l'arrivée à Marseille et le bilan du voyage.

Tiens, puisque j’ai la mission de vous instruire tout en vous divertissant, saviez-vous que le nom de porto pour le vin est un onomastisme

Comme la poubelle dont le nom vient du préfet Poubelle (à l’époque son patronyme ne faisait rire personne), le porto vient du nom propre de la ville voisine. Propre comme Paris, lorsque notre bon Eugène eu décidé que la Ville Lumière avait assez pataugé dans la boue et a imposé les contenants pour y ramasser les déchets. Des poubelles donc...

Alfred Kärcher, Sir John Montagu 4e comte de Sandwich, Rudolf Diesel, Joseph Ignace Guillotin, ou encore le chanoine Félix Kir vont également faire don de leurs noms. Tout un paquet d'onomastismes.

Nous quittons les tréfonds des caves et regagnons la surface ensoleillée via un petit parc où trône le symbole de la maison : un émeu tenant dans son bec un fer à cheval. 

L’animal représente l'élégance et, grand coureur devant l'Eternel, galope vers la prospérité. Le symbole du fer à cheval est un peu plus évident et symbolise la chance.  

Dans la salle de dégustation où les verres sont alignés au cordeau, Barbara nous explique les vins et nous prenons plaisir à déguster les trois verres que nos voisins ont beaucoup de mal à finir. 

Le Lagrima est un vin blanc délicat et frais et commence bien la séance. Il est suivi par un vin un peu plus charpenté à la robe éclatante, le Doña Antonia tawny et nous finissons par un LBV (late-bottled vintage porto - embouteillage tardif) de 2016 qui laissera longtemps son goût de bon vin en bouche. 

Nous achetons les trois bouteilles…
Ahhhh nous voilà totalement réconciliés avec le porto, vivement la prochaine dégustation !

On marche un peu plus croche, mais pour une fois les pavés ne sont pas en cause. N’empêche que nous réussirons quand même à grimper jusqu’au monastère da Serra do Pilar d’où la vue sur le pont Luis est plongeante et invite au voyage.

La ville s'étend sous nos pieds, notre regard embrasse d'un seul coup les rives droites et gauches du Douro, nous imaginons les centaines de bateaux amarrés, en train de charger tonneaux et bouteilles. D'immenses voiles barrent l'horizon, les marins ont hâte de poser pied à terre après une traversée mouvementée du golfe de Gascogne. 

Une noria incessante anime le fleuve. Entrants, sortants, les voiles se hissent, d'autre sont affalées, partout des cris, les coups de sifflet des boscos, des commandants fiers d'avoir réussi à ramener tout le monde à bon port, surtout la marchandise, et aux balcons des maisons colorées, les propriétaires se frottent les mains en voyant leurs cargaisons voguer et leurs coffres se remplir d'or.

Des quartiers-maîtres et des matelots titubent en se tenant l'un l'autre en passant la coupée sous le regard sévère du capitaine d'armes. Bientôt la houle puissante de l'océan leur fera rendre les excès de la nuit, et ils grimperont, gaillards, le long du grand mât afin de border ou choquer les voiles.
Équilibristes de haute volée ils frôlent les cieux et tutoient les goélands, maîtres des airs, avant de grapiller quelques heures de sommeil dans leur hamac branlant.

Nous ouvrons les yeux en 2023, descendons sur le pont, laissons passer le métro et regagnons tranquillement Porto.

Le soleil se jette par delà l’horizon, nous trouvons la force de fouler le parvis de la Sé où l’astre jette ses derniers ors à travers les murs en pierre et les verrières.

J'adore faire des recherches pour essayer de tout comprendre, voilà pourquoi j'ai des accouchements plus longs et laborieux que d'autres.

est une abréviation usuelle, en portugais, pour l'expression latine « Sedes Episcopalis », signifiant « siège épiscopal ». Elle est passée dans le langage courant en tant que nom commun, signifiant « cathédrale ». 

L’épicerie faite pour le souper, nous avons l’ultime volonté de nous joindre à la file devant la Fabrica de nata avant de poser nos corps meurtris par cette dernière journée dans cette ville que nous avons adorée. 

Cette dernière journée à Porto se termine avec 18 bornes au compteur. Quelle journée !

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CLIC - CLAC, merci Cricri !


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