Asie 2019 - Philippines - Coron 2/3

26 février – Sous les eaux de Coron, entre lac et épaves
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Rendez-vous à 8 heures au club de plongée Corto del Mar, un des très nombreux centres dédiés aux activités subaquatiques sur cette île qui recèle bien des trésors.
Très chaleureusement accueilli par l’équipe, nous sommes 6 plongeurs à embarquer dans un tricycle qui n’arrivera pas à monter la côte. Il faudra lui donner un petit coup d’épaule pour que son moteur n’explose pas sous l’effort.

Une Allemande, deux Chinois, deux Taïwanais et votre héraut sont du voyage. Je ferais équipe avec les Taïwanais dont l’équipement dernier cri m'envahit d’une jalousie malsaine. Nous sommes pris en charge par le très souriant Carlo, un dive-master philippin dont nous suivrons les consignes avec zèle.

La bangka se nomme Pandora, prénom du ''bijou romantique'' du marin aventurier Corto Maltese. Par contre, le peintre a dû vider sa deuxième bouteille de Tanduay lorsqu'il a décidé de créer le portrait du capitaine maltais dont j'ai dévoré tous les albums, on dirait qu'il lui manque le menton... Hugo Pratt doit se retourner dans sa tombe !

La première plongée a lieu à Barracuda Lake, un lac situé sur l’île de Coron à quelques encablures de la ville du même nom, mais qui se trouve sur l’île de Busuanga. Bon, tout le monde suit ?

L’équipage transfert bouteilles et matériel sur un petit hors-bord dans lequel nous nous tassons et jouons avec la ligne de flottaison. Un coup de moteur et nous voilà débarqués sur un ponton où nous nous équipons avant de franchir quelques marches.

En arrivant sur l’île, Carlo nous a montré le petit tunnel qui relie le lac d’eau douce à la mer. Sa particularité est donc de posséder de l’eau douce et de l’eau salée en alternance sur plusieurs couches.

On nous a recommandé de laisser nos combinaisons sur le bateau, car l’eau de surface est à 28º, ce que les locaux trouvent particulièrement frais. Par contre, contrairement à ce qui se passe naturellement, l’eau devient plus chaude lorsque nous approchons du fond.

Nous nous mettons à l’eau et tout de suite c’est l’émerveillement.
Très claire, avec une visibilité parfaite, les roches se découpent et plongent vers les fonds turbides. La sensation est très agréable, lesté d’à peine deux kilos de plomb, je me laisse couler le long de la falaise.

Soudain, l’eau change radicalement de température. On a beau être au courant, c’est quand même surprenant de passer de 28º à 38º en l’espace d’une fine couche de quelques centimètres.

L’eau douce a laissé la place à l’eau de mer, puis une nouvelle couche d'eau douce se dévoile. Les thermoclines et haloclines se succèdent et troublent momentanément paysage et plongeurs.

Des poissons d’eau de mer semblent complètement amorphes, nageant à la limite des couches d’eau. La thermocline qui sépare horizontalement le lac reflète comme un miroir transparent. C’est compliqué à expliquer, mais c’est incroyablement fascinant. Les épaules à 38, la main à 27, on s’amuse comme des fous.

Au fond, les feuilles décomposées forment une épaisse couche où notre guide s’amuse à foncer tête première et s’enlise dans l’épais tapis jusqu’aux épaules. J’y plonge le bras qui disparaît dans un mélange de sable et de vase, c’est une drôle d’expérience.
Pour terminer cette plongée, Carlo nous fait enlever nos palmes, et nous marchons sur les rochers en remontant tranquillement vers la surface.
Nous n’avons pas vu le fameux barracuda, mais nous nous sommes bien amusés.

À présent, nous nous dirigeons vers ce qui fait la renommée de Coron, ses nombreuses épaves de bateaux japonais.

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Lors de la Seconde Guerre mondiale, la marine impériale japonaise utilise les îles des Philippines pour abriter ses navires d’avitaillement. De cette position centrale, ils peuvent ensuite suppléer en provisions, munitions et carburant les vaisseaux de guerre engagés dans les opérations contre les Alliés.
Début septembre 1944, la flotte d’approvisionnement basée dans la baie de Manille est la cible de nombreuses attaques aériennes américaines.
Le 21, ordre est donné à une partie des bâtiments d’aller rejoindre la baie de Coron, jugée plus sûre, mais le mouvement ne passe pas inaperçu.
À l’aube du 24 septembre, une centaine de chasseurs et de bombardiers américains s’élance du pont de différents porte-avions. L’effet de surprise est total.
En 15 minutes d’attaque, les avions incendient et coulent la plupart des navires au mouillage. (source : sangat.com)

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Ce sont ces épaves qui attirent tant de plongeurs amateurs d’histoire et de sensations.

Plonger sur une épave n’est pas anodin. Il y a d’abord les risques liés à la profondeur et aux courants, mais surtout à l’épave elle-même.
Il existe un tas de bateaux coulés intentionnellement pour créer un récif et offrir des plongées plus sécurisées, comme le HTMS Chang en Thaïlande sur lequel j’ai plongé en 2014. Une aventure passionnante à redécouvrir ici.

Ces épaves ont été nettoyées de leurs polluants, carburant, huiles, et autres cochonneries, et elles sont sécurisées, autant dans leur position géographique, que leur situation au fond de l’eau. Des ouvertures sont faites pour permettre une circulation un peu plus facile.

Avec des épaves accidentées, il y a des morceaux de tôles coupantes, des positions hasardeuses, des endroits moins protégés, des centaines de pièges potentiels et toujours des risques de rester accroché et finir dans le ventre de quelques poissons chanceux.

Évidemment, ces plongées sont réservées aux initiés et très sérieusement encadrées.

Nous commençons par l’Olympia Maru, un cargo de 122 mètres de long reposant sur sa quille à 30 mètres de profondeur. On y pénètre facilement par les ouvertures des cales, et la vie y est riche.

Au centre du bateau, l’impact de la bombe larguée par les Américains a laissé un immense trou béant de tôles éventrées.

Carlo plonge la main sous de vieux sacs et en sort une poignée de riz. Un peu plus loin il nous montre des briques réfractaires ornées d’un logo nippon et les céramiques d’une salle de bain.

La visibilité est moyenne, mais la lumière réussit à transpercer les eaux et crée des contre-jours intéressants. Bon, je ne gagnerais pas un prix international de photo sous-marine avec ma vieille GoPro3, mais si un jour ça tente quelqu’un, je suis preneur de meilleur matériel.

En attendant, je profite de la visite en n’oubliant pas que les 19 membres d‘équipage ont disparu avec leur navire.

Les bateaux ont une âme, en fait ils ont des centaines d’âmes des marins qui y ont vécu.
On ne fait pas que travailler sur un bateau. On y vit, on y passe beaucoup de temps et on finit souvent par l’aimer, même s’il est vieux et qu’il bouge trop.

Alors, circuler dans ces coursives rouillées, colonisées par des coraux mous, des poissons de toutes sortes ou des éponges ne peut que réveiller des souvenirs du temps jadis.

Toute la palanquée a le même rythme de consommation d’air, et pouvons profiter au maximum de chaque immersion, mais la profondeur nous oblige à raccourcir le temps de la visite. Il ne faudrait pas être pénalisés pour la dernière plongée de la journée.

Le repas est servi, les grands classiques sont posés sur la petite table au centre de la bangka. Aubergine et légumes, petits poissons grillés, porc adobo, crevettes, riz, et fruits en dessert.

Les Coréens sont surpris de me voir manger avec les doigts et me délecter en suçotant les arêtes et les délicieuses joues du poisson. La jeune fille me sourit, mais surveille de près le plat dans lequel je continue allègrement de piocher.

L’intervalle de surface respecté, nous attrapons la bouée accrochée au-dessus de la carcasse posée par 25 mètres de fond sur le flanc tribord.

Le Morzan Maru un cargo, de 137 mètres de longueur, est une très belle épave, car le côté bâbord immergé à 12 mètres, est entièrement recouvert de coraux magnifiques.
Des tas de poissons viennent y trouver refuge et les plongeurs ne sont que des visiteurs éphémères. Une très grosse rascasse volante (lion fish), plus connue sous son sobriquet latin de "pterois volitans", darde ses longues nageoires aux pointes venimeuses. Nous ne nous approcherons pas plus du redoutable prédateur.

Un trou dans la coque permet de s’introduire dans la carcasse du navire, et encore une fois, la magie opère.
Nos lampes percent les recoins sombres où quelques vestiges ont résisté au pillage. L’immense chaudière trône au centre de l’épave et notre guide nous montre le charbon qui permettait d’alimenter la machine.

Sans oublier de surveiller nos binômes, nous vivons chacun une plongée unique. Dans une cheminée posée sur le fond sablonneux, je distingue un mouvement.
Ma torche éclaire un gros poisson dont le nom anglais devrait plaire à André nouvellement féru de faunes sous-marines : sweet lips.

Un peu plus loin, un platax me regarde sans broncher. Ces beaux grands poissons sont plutôt curieux et n'hésitent pas à s'approcher des plongeurs.
On devine une tortue qui s’enfuit rapidement dans l’eau trouble, et quelques bonites passent en étant à l’affût de la moindre erreur d’un futur repas.

Les alarmes des ordinateurs de plongée commencent à clignoter. Moi je n’ai qu’une montre et une totale confiance en mes équipiers, mais ils me font signe que c’est le temps de mettre fin à notre exploration et de remonter lentement le long du mouillage.

Dernières minutes en apesanteur, où la flottabilité nulle et l’absence de courant nous permettent d’ondoyer entre deux eaux à 5 mètres sous la surface miroitante.

Voilà, c’est terminé. Tout le monde est à bord, chacun raconte ce qu’il a vu et nous nous débarrassons de nos tenues moulantes et inutiles sous le chaud soleil.

Il nous faudra un peu plus d’une heure pour rentrer au port, chacun dans ses pensées, pendant que l’équipage s’offre une sieste méritée à l’arrière de la bangka.
Je suis chargé de donner l’argent au chauffeur de tricycle pour nous emmener au club et me rends compte que finalement c’est très économique lorsque c’est un local qui paye.
Une bière nous est offerte, on remercie une dernière fois toute l’équipe et avec regret, je quitte ce beau monde de la plongée alors que tout le monde me demande si je reviens demain.

Mais demain c’est tout simplement impossible, car le jour suivant nous prenons l’avion pour Manille. Alors, à moins de vouloir faire un accident de décompression en altitude, il est totalement déconseillé de s’envoyer en l’air après s’être envoyé sous mer.

Retour à l’hôtel où André a tellement pris de soleil qu’il va devoir déclarer son bronzage à la douane !

Cette journée se conclut de la plus belle des façons sur la superbe terrasse de la Sireneta, face à la mer et au soleil qui s’y couche. 

Un plat débordant de kinilaw recouvert du caviar végétal de la mer, une p’tite frette, et hop tout va bien.

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