Jeudi 23 février – San Pedro de Atacama

Tiens, il n’y a rien sur mon agenda… C’est journée liiiiiiibre ! 

Après le petit-déjeuner offert par l’hôtel, nous allons tranquillement visiter le village. La pluie d’hier s’est éloignée, laissant errer sa traîne de longs nuages. 
Quelques séquelles subsistent sur les maisons construites en adobe. De longues coulées découvrent la paille qui solidifie la maçonnerie et des stigmates boueux courent sur les enduits immaculés de chaux. 

Il faut un peu défier les lois de l’équilibre pour éviter de finir dans une énorme mare fangeuse au milieu des chemins de terre. 

La belle église abrite des Jésus idéalisés qui n’ont plus rien à voir avec leurs pendants torturés du sud du pays. 

Le plafond est charpenté avec des poutres en bois de cactus et le tout est maintenu avec des bandelettes de cuir. On peut difficilement faire plus artisanal et local. 



Allez, un peu d’histoire 
Guanaco
San Pedro de Atacama est un village-oasis perché à 2400 mètres au-dessus des flots. 
La région est fréquentées depuis 12 000 ans et les premiers habitants en ont profité pour domestiquer l’élégant, mais pas assez costaud guanaco, pour en faire, après quelques croisements, un lama
Animal plus robuste, à la face un peu hautaine, utilisé comme bête de somme, fournisseur de jolis pulls en laine et de steaks. 
La région est largement fréquentée par les Atacameños, bien avant que les Incas viennent y faire un tour. San Pedro est une étape importante de l’un des Caminos del Inca, les chemins incas, qui reliaient Quito en Équateur à Santiago au Chili. 
Pas moins de 22 500 kilomètres de routes et de chemins que seuls des marcheurs, coureurs et autres lamas fréquentaient. 

Étonnamment, une civilisation aussi avancée que celle des Incas connaissait la roue, mais ne l’utilisait pas pour les transports. 
Quand on n'a pas de tête, on a des jambes, disait ma grand-mère. Et mon premier patron.
De toute façon, qu'eurent-ils fait de roues dans un pays composé d'immenses montagnes et de profondes vallées ? 

La civilisation inca étend sa domination vers 1450, mate les locaux et en profite pour y développer le fameux réseau de routes, des techniques pour travailler le métal et la céramique et organiser des échanges commerciaux. 

Évidemment, ce bonheur ne pouvait pas durer. 
Entre 1536 et 1540, les conquistadors espagnols envahissent la région et s’empressent de massacrer tout ce beau monde au nom de l’amour de notre Seigneur Jésus-Christ. 
Par la force des choses, San Pedro devient ville coloniale, on y construit une église et la première messe y est célébrée en 1557, en compagnie des quelque amérindiens survivants et devenus, par le fil de l’épée, très croyants. 
Le pouvoir de persuasion des missionnaires n’a d’égal que celui d’un vendeur de voitures Italien. 

Aujourd'hui, c’est principalement le tourisme qui fait vivre la région. En raison du faible taux de précipitations (pas plus de 35mm par an sauf en février 2017), l’agriculture est basique. 
Un peu de pâturages pour les animaux, du quinoa, du maïs, des courges, mais l’eau des rivières ayant une forte teneur en sel, il est difficile de faire pousser une variété plus importante de légumes. 

C’est à partir de San Pedro que la majorité des excursions de la région sont organisées. La Vallée de la Lune, celle de la Mort ; le Salar de Atacama ; le champ de geysers El Tatio que nous allons voir demain ; et le Salar de Tara qui est prévu pour après-demain. 
De bien beaux paysages en perspective. 

La plus vieille maison du village date de 1540, mais son toit est en train de s’écrouler sur la boutique de souvenirs qu’elle abrite. D’aucuns aimeraient que cette maison soit rénovée et transformée en musée. Mais le propriétaire actuel rechigne à lâcher ses cartes postales et ses bibelots en laine colorée. 

La Calle Caracoles est la rue principale où tous les touristes convergent pour trouver une agence d’excursions, un resto, un bar, une boutique de souvenirs ou une épicerie. 
On y voit défiler à peu près tous les échantillons de voyageurs, du grano mangeur de tofu pieds-nus-dans-bouette, jusqu’au randonneur suréquipé, en passant par des familles dont la marmaille court dans tous les sens ou des tourdumondistes échangeant leurs bons plans de voyage. 

La rue est interdite aux véhicules, et ailleurs, les ruelles sont assez étroites pour que l’on puisse y baguenauder le nez au vent sans s’inquiéter de la circulation. 

Le très réputé Musée Archéologique Gustavo Le Paige était fermé pour rénovation et agrandissement et personne ne sait vraiment quand il réouvrira ses portes. Mais tout le monde s’accorde à dire qu’il sera magnifique. 

Gustave Le Paige était un prêtre jésuite, ethnologue et archéologue belge. Il est né en 1903 en Belgique et décède en 1980 à Santiago. 

Entre ces deux dates, il est passé par le Congo où sa passion pour l’ethnographie voit le jour. Il navigue ensuite vers le Chili et devient pasteur à San Pedro. Aidé de quelques paroissiens, il entreprend des recherches archéologiques, découvre plus de 6 000 tombes et des dizaines de milliers d’artefacts qui ont permis d’attester de la présence d’humains 12 000 ans avant J.-C. 

Mondialement reconnu et respecté, Monsieur Le Paige a rassemblé une collection impressionnante d’objets retraçant la vie en ces contrées pour le moins rudes. 
Un musée a ne surtout pas rater dès sa réouverture… 

Au hasard de notre promenade, on voit un grand drapeau carré et multicolore flotter au vent. C’est le Wiphala, le drapeau aux sept couleurs utilisé par les ethnies andines. Celui qui claque au vent du désert d’Atacama est la variante du peuple aymara
Les couleurs viennent de l’arc-en-ciel et représentent pour le rouge : planète terre (Pachamama), orange : société et culture, jaune : énergie et force, blanc : le temps et la dialectique, vert : économie et production, bleu : espace cosmique, et le violet : politique et idéologie andine. 
On ne sait pas vraiment de quand il date, mais dans sa forme actuel serait relativement moderne et inspiré de plusieurs symboles anciens. 

Nous allons ensuite faire un tour au Pueblo de artesanos, simili village d’artisans à côté de la gare des bus où nous ferons la rencontre de la délicieuse Señora Carmen

Quelque 80 années d’expérience en tissage, un regard malicieux et un sourire d’enfant illumine son visage. Elle nous fait une démonstration de filage de laine au fuseau, puis au métier à tisser. 
Nous nous ferons un plaisir de lui acheter deux magnifiques foulards en laine d’alpaga, et résisterons à l’envie de vider son petit commerce de toutes ces belles étoffes ! 


Sur le chemin de retour à notre hôtel, au nord de l’église, nous traversons un long et large espace couvert où sont installés une multitude de petits commerces de souvenirs très standardisés. 

Pour des pièces vraiment originales, tissus anciens, sculptures, céramiques et figurines en bronze, il faut visiter la boutique Mallku, 190C Calle Caracoles.
Ou encore demander à Sophie de vous présenter son ami potier et céramiste qui créé des pièces uniques inspirées des poteries traditionnelles atacamènes et incas. Œuvres absolument introuvables en magasin. 

En arrivant devant notre hôtel, je fais une photo et le hasard fait bien les choses en lançant un éclair à travers les nuages aussi noirs que l’enfer. Il est temps d’aller faire infuser quelques feuilles de coca en prévision de notre journée de demain. Let’s cook ! 

Ce soir, nous testons la table du Ayllu, un restaurant qui sert des viandes des plus locales de lama et de guanaco. 
Je dois apprendre à la serveuse comment ouvrir une bouteille de vin, et finalement, constate que le lama n’est pas trop dans ma palette de goût.




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