Chullec |
Nous nous dirigeons vers Dalcahue et embarquons sur le traversier vers l’île de Quinchao.
La longue et impeccable route qui descend vers le sud de l’île nous mène rapidement à notre premier arrêt, la chapelle de Chullec.
Isolée dans un village très tranquille, on peut comprendre pourquoi elle a été construite à cet endroit. Face à la mer, flottant au milieu de chaumes se berçant au doux vent de cette agréable matinée, le lieu saint est posé pour l’éternité, et se repaît de calme et de sérénité.
Un tour au bord de la berge, au marché et, après un café dans un joli petit restaurant, nous constatons que les portes de l’église sont ouvertes. L’intérieur est aussi beau que ce que nous avions deviné à travers les fenêtres.
Achao |
Nous quittons Achao vers le sud pour visiter l’église de Quinchao. Ah ben, on fait le tour des églises ou on le fait pas…
Parenthèse culturelle :
il fut un temps où l’archipel comptait plus de 300 églises et chapelles en bois. En ce 10 février 2017, il en reste environ 60, dont 16 ont été inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO en l’an 2000. Elles sont souvent construites en des lieux géographiques superbes, et presque toutes édifiées sur le même plan, dominées par une tour sur l’avant, l’extérieur est souvent sobre, recouvert de bardeaux. L’intérieur quant à lui est d’une grande beauté, sobre, et lumineux. Nul besoin de croire ou non à un dieu quelconque, l’architecture et la sérénité qui y règne suffisent à rendre ces visites très agréables.
Quinchao |
Fabriquée en bois de cyprès, noisetier, et même cannelier, elle mesure 53 mètres de long, 18 de large et son clocher culmine à 18 mètres. Inutile de dire qu’elle impose le respect.
L’intérieur est immense et très lumineux, et la grande baie juste en face reflète les rayons du soleil sur une grève abandonnée par la marée basse. Il fait bon se promener au milieu des coquillages, en remplissant ses poumons d'air pur.
Nous poussons jusqu’au bout de l’île, admirons le paysage, échangeons nos points de vue avec quelques chiens errants, puis faisons demi-tour pour rejoindre le traversier.
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Colo |
Enfin petite, elle mesure quand même 27 mètres et son clocher pas moins de 16. Nous pouvons grimper le raide escalier et surplomber la nef. Nos têtes frôlent le plafond, nous avons l’impression de baigner dans un grand aquarium.
Près de la porte, dans une alcôve, une statue d’un prêtre ressemble à s’y méprendre à un acteur hollywoodien, un genre de Dolph Lundgren prêt à étrangler impies et mécréants. On ne rigole pas avec la foi !
Nous quittons l’ombre de la croix mousseuse et reprenons la route vers le nord de l’île
S’en est terminé des églises, même s’il en reste tant à admirer. Nous roulons à travers vallons et coteaux en direction de la ville d’Ancud. Le paysage est bucolique, la route est en parfait état et la circulation îlienne à l’image de Chiloé : tranquille...
Il est quasiment 16 heures quand nous trouvons enfin une terrasse munie d’un beau plateau d’huîtres, de bonnes bières et d’un sandwich deux fois trop grand.
Le petit marché juste en face du restaurant vend quelques souvenirs bons marché, mais nous ne sommes pas très intéressés par les bibelots en coquillages ou les gros pulls en laine aux motifs un peu trop tape-à-l'œil.
À moins de trente kilomètres de la ville, un site semble mériter une visite. Le monument naturel des îles de Puñihuil est une réserve pour les joyeux petits pingouins de Humboldt et de Magellan.
En fait, il s’agit de manchots, c’est la traduction espagnole (et anglaise) qui nous fait croire que ce sont des pingouins. La différence ? Les pingouins vivent dans l’hémisphère nord et les manchots, dont les ailes ne servent qu’à nager, dans l’hémisphère sud.
Dans le même ordre d’idées, mais avec des bestiaux un peu différents, c’est aussi l’anglais camel qui nous fait croire que les chameaux vivent dans le désert arabe, alors qu’il n’y a que des dromadaires. Chameau, deux syllabes, deux bosses.
En fait la racine latine camelus inclue les deux espèces, mais plus personne ne connaît le latin de toute façon.
Au bout de la route, s’étend une plage immense que les longues vagues du large viennent caresser. Nous stationnons la voiture sur un bout de sable et nous rendons dans l’un des abris où les compagnies touristiques proposent leurs services.
En face de la plage, trois îles abritent les colonies de ces oiseaux, dont les représentants de Humboldt sont en voie d’extinction.
Avec les autres touristes, nous grimpons sur les plates-formes de chariots haut perchés sur de larges roues. Poussés par des pêcheurs reconvertis en guides, chaussés de cuissardes en caoutchouc, nous accédons ainsi aux bateaux tanguant dans l'écume sans nous mouiller les pieds.
Les bateaux de pêche, aménagés pour les touristes, nous transportent vers les îles où les manchots se trémoussent entre les touffes d’herbe et les rochers. Quelque juvéniles jouent du bec pour arracher leur disgracieux duvet gris. Difficiles de différencier les deux espèces, mais la guide, nous explique que humboldt est ceint d'une seule bande noire sur sa délicate poitrine, alors que magellan en a deux.
Au milieu de ces jolis oiseaux, quelques intrus sont venus profiter des lieux de villégiature. Le cormoran de Gaimard, au bec orange vif dont seule la tête dépasse de l’eau, les goélands au bec jaune, l’ouette de Magellan (également appelée bernache ou oie de Magellan) avec ses poussins, l’huîtrier noir avec ses grands yeux rouges hallucinés et ses pattes démesurées. Autant de faune fragile que ce sanctuaire, où la pêche est strictement interdite, et les visites très réglementées, tente de protéger.
Nous avons eu de la chance, malgré notre arrivée tardive, nous avons pu grimper sur le dernier bateau de la journée, et en plus, avons notre guide ornithologue anglophone privée qui s’ennuyait un peu sur la plage.
La croisière dure une heure et coûte 7 000 pesos par personne, un 14 piasses qui nous a permis de découvrir une toute petite partie de la faune de ce coin de pays.
Notre guide nous informe qu’une route part du bout de la plage et rejoint Ancud en faisant un détour par les falaises avec de très jolis points de vue.
Nous suivons son conseil et avons le plaisir de découvrir des paysages époustouflants.
Les embruns viennent à peine troubler le panorama remarquable qui s’étale sous nos yeux, mais la journée commence à tirer à sa fin, il est déjà 19 heures et nous avons encore de la route.
Je pensais que le chemin de terre était un raccourci. S’il l’est en distance, il ne l’est pas vraiment en temps, mais la voiture est confortable et bien suspendue. Nous croisons seulement trois véhicules, dont un apiculteur entouré de dizaines de milliers de ses ouvrières. Des ruches multicolores parsèment les prairies, toutes les colonies sont au travail, les hausses s’empilent et les récoltes devraient être aussi généreuses que le paysage qui les accueillent.
La poussière s’accumule dans le coffre, les kilomètres s’allongent sous les roues, le jour tombe doucement. En une heure trente, nous regagnons Castro, rendons la voiture et avons même le temps de nous diriger vers la table pour deux qui nous attend au Mercadito.
Nous avons avalé 430 kilomètres, vus des églises, des Jésus sculptés, peints et torturés ; des plages, des oiseaux de toutes les formes, des paysages sublimes ; sentis, l’iode et le varech, le guano et l’herbe fraîche sous nos pieds. Nous avons goûté au bonheur, au grand air du large et saisi la grandeur de Chiloé.
Demain, nous serons en Argentine, mais nous avons le sentiment de partir en laissant derrière nous beaucoup trop de choses à voir. Cette île est bien plus grande que prévu et nous savons que nous allons devoir revenir. Chouette !
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