Dimanche 21 février – Yangon – Des pierres et des prières

Comme prévu, la chambre est bruyante, mais avec une bonne paire de bouchons dans le fond des oreilles, tout va bien. Il y a des chambres libres coté cour, mais là, j'ai installé ma corde à linge et les sacs sont éventrés. Le déménagement se fera un autre jour. 

Nous partons à la découverte de cette grande cité, ancienne capitale du pays. 
Yangon, Rangoun, Rangoon… La même ville aux noms différents. 

En 1753, le petit village de pêcheurs de Dagon est officiellement rebaptisé Yangon. 
En 1824, William Amherst, le neveu du traître Jeffery, ami du fourbe Wolfe, déclenche la première guerre anglo-birmane. Il s'empare de la ville et en profite pour la renommer Rangoon, probablement à cause d'une erreur de prononciation. 

Beaucoup de monde, notamment des Français continue de l'appeler Rangoun. Il y a toujours une polémique concernant les changements de noms de ce pays et de certaines de ses villes (Yangon/Rangoun, Bagan/Pagan, Pegu/Bago,) qui se nomme officiellement Myanma (prononcé à tort Myanmar). Mais j'y reviendrais plus en détail lors de mon bilan. 

En attendant, nous avons pour mission de trouver tous les objets incroyables que nous avons vus dans les marchés de Hsipaw, Kalaw ou Nyaung Shwe. Paniers en bambou, couteaux et machettes, paniers tressés, etc. 

Il y a un marché incontournable à Yangon, le Bogoyoke Aung San Market
Construit en 1926, il est aussi connu sous son nom de baptême de Scott Market.
Il abrite des centaines de boutiques où l'on est supposé trouver de tout. 

Au premier étage, il y a des dizaines de vendeurs de tissu au mètre. De toutes les couleurs, de tous les motifs imaginables, c'est le paradis de la couturière qui sommeille en chacun de nous. Mais, ce n'est pas ce que nous cherchons. 

Au rez-de-chaussée, les kiosques proposent souvenirs et antiquités plus ou moins originales. Outre les t-shirts et sacs à l'effigie de Aung Saun Suu Kyi, la Lady, on trouve des souvenirs plus ou moins de goût discutable. En tout cas, pas du nôtre. 

À l'intérieur de la bâtisse, on trouve beaucoup de marchands de bijoux, or, argent, dorures et pierres plus ou moins précieuses. N'étant pas un professionnel de la caillasse, je ne prendrais pas le risque de sortir ma carte de crédit en échange d'un rubis qui s’avérera un joli morceau de verre. De toute façon, moi, c'est un panier en bambou que je cherche !

Voltant, virevoltant, tournant, rebroussant chemin, tourbillonnant tels des feux follets, nous parcourons toutes les allées du marché. Et ne trouvons rien. 
Force est de constater que les objets de la vie quotidienne des Birmans ne se trouvent pas dans cet endroit très orienté vers le tourisme. Nous finirons quand même par tomber sur deux ou trois commerces dédiés aux tissages traditionnels et devrons nous maîtriser pour ne pas passer notre frustration dans l'achat des boutiques au complet. 
Pour résumer ces infructueuses recherches oh combien frustrantes : tu le vois, tu l'aimes, tu l'achètes... Tout de suite ! 

Nous faisons une pause riz frit et gras, dans un petit resto local et allons prendre quelques minutes de repos dans la fraîcheur de notre chambre, en attendant que la température excessive de nos corps baisse un peu. Il est à présent l'heure de prendre un taxi pour nous rendre à la fameuse Paya Shwedagon




L'histoire : la légende place la construction du zedi principal (stupa) il y a 2600 ans, les textes monastiques eux, parlent du 6e siècle avant J.C, et les archéologues, plus pragmatiques, estiment celle-ci entre le 6e et le 10e siècle de notre ère. 

En 1484, la pagode reçut en cadeau une cloche de bronze qui pesait presque 300 tonnes et, toujours considérée comme la plus grosse cloche du monde. 
En 1608, un mercenaire portugais la déroba pour la fondre et en faire des canons, mais lors de son transport sur la rivière Yangon, son poids brisa le bateau et elle disparut dans les flots, sous des mètres de boue. Toutes les recherches menées depuis ont échoué. 
Avis aux aventuriers... 

Le stupa est construit en brique, et recouvert de milliers de plaques d'or. De nombreux tremblements de terre, incendies, dégradations, et manœuvres militaires hasardeuses firent d'innombrables dégâts, mais toujours, il est reconstruit et embelli. 

© JT of jtdytravels
La couronne (hti) du zedi principal culmine à presque 100 mètres de hauteur. Quelque mille clochettes d'or et plus de 400 d'argent y sont accrochées. La girouette est ornée de pierres précieuses, et, tout en haut, une sphère d'or est incrustée de milliers de diamants et d'une émeraude. 




Trop loin pour être admirée, nous ne pouvons qu'en imaginer la magnificence. Mais l'essentiel de la richesse du site, ce sont ses visiteurs. C'est le site de pèlerinage le plus couru du pays, et de nombreux fidèles, et visiteurs étrangers viennent également l'admirer. 
Si les autres sites du pays acceptent les débardeurs et les shorts pour les hommes, ici, il faut s'habiller de façon plus conventionnelle. Le taxi nous dépose au pied d'un des grands escaliers situés aux quatre points cardinaux. 

L'entrée est facturée 8 000 K, et on nous demande 10 000 K de caution pour le prêt d'un longyi et d'une très jolie petite chemisette, en lin et coton du plus bel effet, pour couvrir les épaules nues. Un ascenseur nous monte sur la colline qui domine la ville de sa cinquantaine de mètres et nous pénétrons sur le site après avoir un peu joué des coudes à travers la foule impatiente et indisciplinée. 

WOW ! Alors là, on reste cois… La vision de cet immense stupa doré, posé au milieu d'un sol dallé de marbre, foulé par des centaines de pèlerins et touristes est tout simplement époustouflante. Nul besoin d'être un fervent bouddhiste, ou de croire en quoi que ce soit de mystique ou de religieux. 
Le site est sublime, ce qui s'en dégage est très fort. On vient ici pour prier, pour demander protection et bienfaits, mais aussi pour se reposer, trouver un peu de quiétude au milieu du tumulte citadin. On vient pour faire des photos, admirer et se retrouver. On vient pour regarder. Et il y a beaucoup à voir. 

Nous faisons le tour du zedi, passons la tête dans certain temples, entrons dans d'autres, sommes interpellés par des moines qui veulent des photos. Alors nous posons fièrement avec ces moines curieux et rigolards, qui selfisent plus vite que leurs ombres. 
Ici, le selfie est une vraie plaie que je ne supporte plus. 

En attendant, nous sommes arrivés au bout de notre premier tour et en entamons un deuxième. Les jours de la semaine sont représentés au pied du stupa géant, dans des autels planétaires. L'astrologie a une place prépondérante dans la vie quotidienne des Birmans, et beaucoup de décisions plus ou moins rationnelles ne se prennent qu'après la consultation d’astrologues. 

Il est de mise d'aller arroser le Bouddha représentant le jour de sa naissance avec quelques tasses d'eau. Moi, je suis né un lundi, ma planète est la lune et mon animal le tigre. 
C'est quand même mieux que le vendredi et son cochon d'Inde… 


  


Nous nous arrêtons de longues minutes à l'ombre d'un temple, discutons avec quelques moines, et pèlerins et avec une Américaine en croisière, qui en est à sa quatrième grande ville en quatre jours. Pas le temps de se reposer en vacances ! 

Le jour décline, les lumières s'allument, la fréquentation du site va en s'accroissant. On sent la ferveur monter avec les fumées des milliers de chandelles qui s'enflamment.

Tout autour du zedi, des petits lumignons à l'huile attendent une allumette charitable. 
Des groupes se forment, on donne des bouteilles d'eau, l'ambiance est festive. Des donateurs venus d'autres pays se regroupent pour offrir des bougies et des prières. 

Des moines sont accroupis devant les temples, au milieu de centaines de gens qui déambulent, et pourtant très loin de toute cette agitation, perdus dans leurs prières. 

Un photographe japonais s'installe et fait le ménage autour de lui. Il traite son assistant comme un esclave et lui claquant les doigts sous le nez. Tiens, et si je me plaçais juste devant pour faire une photo. Il fulmine, je lui fais mon plus beau sourire zen, je prends mon temps, il me fusille de son regard malveillant. 

Il fait maintenant nuit, et tout le site est plongé dans les ombres et lumières dorées. 
Le zedi est un phare au milieu d'un océan de ferveur, il y a du monde partout, l'atmosphère est magique. 

Ça fait un peu plus de trois heures que nous sommes ici, tout est passé si vite, mais il est temps de laisser les bouddhistes à leurs prières et d'aller rendre nos tenues à la consigne.

Le taxi mettra de longues minutes à s'extirper des embouteillages autour du lieu saint, mais le prix a été discuté avant, il peut bien prendre son temps. 
Nous lui demandons de nous déposer devant le Nilar Biryani, un restaurant indien qui se révélera un excellent choix. 
Les serveurs, un peu désœuvrés, traînent autour de leur téléphones portables. Mais c'est propre, le choix est vaste et tout le monde est très sympathique.

 



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