Vendredi 14 février – Ella Rock - Pas de bière pour Poya !

Ella rock
Nous avons raté Youcef hier soir après son massage, mais je le vois au coin de la route à attendre son autobus. Juste au moment où celui-ci arrive, j'ai le temps de lui dire au revoir. Le bus est plein à craquer, mais je lui fais confiance, il trouvera bien une petite vieille pour lui laisser la place. 

Son massage était agréable, sans plus, mais fortement déconseillé aux chatouilleux. Voilà qui me conforte dans l'idée de faire une croix sur ce soin si je ne veux pas finir enchaîné dans un cul-de-basse-fosse à manger du rats&curry, à cause d'une agression physique sur la personne de ma délicieuse masseuse. 

Le club des 5 est attablé au Curd Shop qui est devenu notre cantine officielle. Je commande un curd, honey, müesli qui va me transfigurer pour la journée et m'apporter l'énergie nécessaire pour la suite du programme. 

Les agapes terminées, nous prenons la route de la voie de chemin de fer en direction d'Haputale pour grimper au Ella Rock et voir si le gros sapin solitaire est aussi loin qu'il en a l'air. Le temps est superbe et le soleil prévoit de faire des siennes aujourd'hui. 
Marcher sur les traverses en sachant que le train ne viendra pas sans pousser son long et rauque souffle de vieille bête au bout du rouleau est rassurant. Comme indiqué sur le plan acheté plus tôt, nous quittons les rails juste après le pont métallique noir et prenons un petit chemin qui passe dans un arrière-jardin de maison. Le petit vieux qui a fait demi-tour en nous croisant est toujours collé à nos basques. Il nous dit que ce n'est pas le bon chemin, que c'est trop difficile et qu'on ferait mieux de le suivre. Nous lui disons que nous n'avons pas besoin de guide, merci monsieur, vous feriez mieux d'aller vous reposer dans votre hamac en regardant le temps passer. Je crois qu'il ne maîtrise pas très bien l'anglais puisqu'il nous fait un beau sourire édenté et reste dans les parages. 
Nous longeons des champs de choux, traversons ce qui pourrait être une très jolie petite rivière, mais qui n'est qu'un qu'un pauvre filet d'eau serpentant entre les parcelles de crucifères, parsemé de sacs en plastique et sentant fort la décharge pestilentielle. Misère, même ici l'homme aime à se saborder... 

Le vieux bonhomme fantôme apparaît là où s'y attend le moins, il nous dit une ou deux fois que nous ne prenons pas le bon chemin et nous fait des signes éloquents vers des sentiers qui ont l'air de vouloir monter vers cette silhouette d'arbre perché au bout de la montagne. 
Le soleil est bien là, malgré l'altitude la chaleur est étouffante. La montée commence à devenir de plus en plus raide. Le vieux est au coin du chemin alors nous lui disons que nous n'avons pas d'argent et hop, il disparaît.

Quelques voix occidentales nous informent que nous sommes dans la bonne direction. Le sentier s'enfonce à présent sous d'immenses arbres qui ressemblent à des eucalyptus, mais n'en ont pas le doux parfum. L'air y est un peu plus frais, au moins le soleil ne nous tape plus sur la tête à grands coups de masse de forgeron. Le chemin est raide, les dernières séquelles du Adam's Peak sont encore sensibles, nous suons à grosses gouttes et devons nous motiver pour finir cette dernière escalade. Le couple que nous croisons nous informe de l'imminence de notre arrivée au rocher. Nous sommes motivés et finissons enfin cette épreuve en arrivant au chemin qui doit être l'accès le plus facile. Il n'y a plus grand chose qui nous effraye depuis mardi matin.

Quelques dizaines de mètres sur un terrain plat, des arbres immenses qui jettent leurs frondaisons vers les cieux et là, à portée de pas, le fameux Rocher d'Ella. L'arbre dont nous ne distinguions que la lointaine silhouette est à nos pieds. Le vent vient rafraichir nos anatomies en nage et le soleil va sécher rapidement nos t-shirts étalés sur les roches chaudes. 
La vue est extraordinaire sur ce paysage alpin, nous sommes si loin de l'image que nous nous faisions du Sri Lanka. Un sympathique Bavarois moustachu vient nous apporter nos bières et nos saucisses, sa plantureuse dame nous fait couler un bain frais, Heidi gambade dans les prés et leur locataire, Charles Ingalls coupe du bois... J'ouvre les yeux et constate que l'esprit est farceur. 

En face de nous s'érige le Little Adam's Peak qui est un pâlichon ersatz de son majestueux grand frère. Possiblement que seules quelques marches l'ont ainsi baptisé, cette balade là semble plutôt facile. Nous rencontrons un couple de Québécois, ce qui monte à 3 le nombre de compatriotes rencontrés pendant ce voyage. André est heureux de parler avec son drôle d'accent alors que nous n'avons rencontré que des Français depuis des semaines. Leur guide (la folle) réclame 5000 roupies pour les avoir guidés et encore elle a l'air pressée de redescendre. 

Seuls sur cet aérien îlot minéral, nous prenons le temps d'admirer le paysage, la verticalité dans Ella Gap et les arbres majestueux qui peuplent la forêt alentour. Le retour se fera plus aisément par le même sentier, sur lequel nous finirons par nous perdre un peu. Mais l'odeur des choux sera nos petits cailloux blancs et nous retrouverons facilement la Rivière Enchantée. Alex qui voulait se doucher sous la cascade hésite en voyant les nappes d'hydrocarbures que même les rats du coin évitent de fréquenter. La petite canalisation qui récupère une partie des eaux de ladite cascade charrie un liquide opaque et malodorant. Il faut, je pense éviter d'y tremper quelque partie du corps que ce soit et à laquelle on tient. 

Le long de la voie de chemin de fer, le Garden Restaurant nous fait de l'œil. C'est le temps de nous poser et de boire à même la King coconut. Son eau désaltérante, la vue sympa et le calme, loin de la ville sont des arguments indiscutables pour profiter de la vie. 

Enfin, nous arrivons à Ella après un peu plus de 4 heures de balade, et le serveur du Curd Shop nous ouvre grand les bras. Sa nourriture roborative est un baume au cœur et à l'estomac, je me sens prêt à attaquer le Little Adam's Peak. L'heure approche pour nos trois candidats aux chatouilles ayurvédiques. J'en profite pour discuter avec Alex et le propriétaire de la Guesthouse qui est un monsieur génial. Aujourd'hui c'est son anniversaire et j'ai été le premier à lui souhaiter ce matin alors que j'allais dire au revoir à Youcef. Il me demande si nous voulons un thé au gingembre et revient avec ledit thé, des bananes et des biscuits au chocolat. Il est vraiment chou ! 

L'heure tourne et la perspective ainsi que la motivation de grimper sur le petit frère de la Montagne Sacrée se dissipent peu à peu dans les brumes de la félicitée et de la paresse. Nos massés reviennent avec le sourire et me confirment que j'aurais probablement eu un geste fort malheureux envers la frictionneuse, toute ayurvédique qu'elle soit. Les doigts enfoncés dans les mollets encore à vifs et les papouilles dans mes côtelettes m'eurent à coup sûr fait perdre le contrôle de mon légendaire calme. Et ça, c'est mal. 

Ce soir, nous irons encore une fois manger au Curd Shop, et malgré nos invocations, suppliques déchirantes, yeux langoureux et propositions indécentes, nous n'aurons pas droit à la moindre goutte de cervoise. Aujourd'hui, nous sommes le 14 février et tout amoureux que je puisse être, c'est avant tout un jour de pleine lune. Et à Poya nul alcool, tu ne boiras. 
Je comprends pourquoi hier soir le Rade de la Gare affichait complet !


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