ÎLE DE GRAN CANARIA
Troisième étape au sein de l'archipel, sur une île tellement différente des deux premières que nous avons l'impression de changer de monde.
Après avoir passé 12 jours chez les aïeules, nous arrivons dans la famille des parents.
Les prochaines îles sont des jeunettes avec environ 14 millions d’années pour Gran Canaria et seulement entre 12 et 3 millions pour Tenerife.
Nous allons y découvrir des paysages insensés, déguster des fruits délicieux, passer d'une mer de sable à une mer de nuages, de 25 à 3 degrés en moins de temps qu'il n'en faut pour dire electroencefalografista, murmurer des Hooooo et des Haaaaa, sur des routes impeccables et vertigineuses.
La conduite automobile va aussi radicalement changer. Fini la nonchalance et le volant tenu du bout des doigts ! Ici, il va falloir faire preuve d'expérience et de prudence à chaque instant.
Du nord au sud, d'est en ouest, cette île n'a pas fini de nous surprendre.
Six jours de découvertes et une île qu'on ne peut qu'aimer. On y va ?
NB : J'ai séparé notre séjour en deux pour éviter de surcharger la page. C'est également notre rythme depuis Fuerteventura, puisque nous passons la moitié de notre séjour d'un côté de l'île, proche de notre arrivée, et la deuxième partie de l'autre côté, là où nous allons reprendre le ferry pour la suite du voyage.
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Le vent est complètement tombé cette nuit et la mer s’est calmée. Une sacrée chance, parce qu’avec la houle résiduelle, le gros ferry tanguait quand même un peu, et le personnel de bord n’a cessé de distribuer des petits sacs à 🤮.
Mais ne mettons pas la charrue avant les bœufs…
Après avoir rapidement empaqueté nos affaires, nous roulons en direction du port de Morro Jable. Nous avons un peu d’avance, alors nous faisons un petit tour sur le chemin de terre, admirons la percée du soleil à travers les nuages avant de nous diriger vers la bâtisse d’embarquement.
Et là, grosse bourde.
Trop pressé et surtout trop nonchalant, je laisse la voiture devant l’entrée de l’embarquement et balance lestement la clé dans la boîte dédiée.
Un doute s'insinue dans ma tête, malheur, qu’avais-je fait ?
Je me renseigne auprès d’employées de la compagnie maritime.
— Houlala, mon pauvre monsieur, impossible de laisser votre char ici, ça va mal se passer pour vous ! me dit-on en roulant des yeux et en soufflant.
— Argh, aidez-moi, madame !
Elle finit par lâcher son vernis à ongles et appelle le numéro d’urgence pour les touristes pas malins.
Finalement, un employé de l’agence de location arrive et ouvre la boîte à clés où je récupère mon sésame et peux enfin aller déposer la voiture dans le stationnement prévu avant de retourner au pas de course vers le bâtiment des embarquements.
Une petite dame nerveuse et très pressée passe devant tout le monde, poussant André et son sac à dos sans douter une seule seconde qu’elle est dans son bon droit.
Je distingue une petite lueur de sorcellerie dans ses yeux mi-clos.
Aucune envie de m’embrouiller avec elle : je suis sûr qu’elle a 30 chats chez elle et qu’elle fait des incantations en cuisinant des tortillas garnies de mèches de cheveux de griffon et de dents de chauve-souris.
Le ferry accoste et les passagers de la classe Oro montent en premier (la sorcière n’est pas Oro...), suivis par ceux de la classe « pas de classe pantoute ».
Le temps de poser nos sacs et d’embarquer voitures et camions, nous larguons les amarres et mettons cap à l’ouest, en direction du port de Las Palmas de Gran Canaria.
Dis donc, cet océan, c’est le Baggersee en plus calme !
Nenni… Aussitôt passé le cap de Jandía, la longue houle du nord vient se frotter à notre coque.
Des visages blêmissent, des portes commencent à claquer, des caquetages se calment, des corps s’enfoncent profondément dans les fauteuils.
Ah ça, dès que ça tangue un peu, y a moins de malins sur le pont, hein ?
Café, beigne, marche aléatoire dans la coursive, pipi acrobatique… tout est fait pour me remémorer ma folle jeunesse.
Après un peu plus de deux heures de navigation, nous nous accrochons au trottoir du grand port de Las Palmas.
Ciel, une vraie grande ville !
Nous avions oublié l’effet que ça faisait, et ce n’est pas très agréable.
Sacs sur le dos, sur le ventre, sur l’épaule et à bout de bras, nous descendons du bateau et nous dirigeons vers l’agence de location de voitures.
Celle-ci, contrairement à toutes les autres, n’est pas du tout sur le quai des ferrys.
Nous devons rejoindre la ville en marchant presque 30 minutes avant d’atteindre le comptoir où notre voiture est toujours en attente.
Autant dire que cette demi-heure de marche, dans une ville que nous ne connaissons pas, est une épreuve dont nous nous serions bien passés.
Heureusement, Las Palmas est une ville relativement calme. Mais pour nous, qui arrivons de deux îles où la plus intense activité était l’attente à la caisse du Lidl, c’est un choc.
En nage et un peu fatigués, nous récupérons les clés et la voiture, une Seat flambant neuve en très bon état.
Il nous faudra une petite vingtaine de minutes pour rejoindre notre logement des quatre prochains jours.
L’appartement est très bien équipé, au calme, dans un petit quartier en dehors de la ville.
Les sacs déposés, nous repartons vers Las Palmas et son quartier historique.
La maison que Christophe Colomb a occupée nous fait de l’œil, mais ayant oublié nos lunettes, il est inutile d’espérer une visite intéressante.
Après une heure de déambulation dans les rues, nous décidons de remonter dans notre petit appartement et de nous y reposer avant les vives activités des prochains jours.
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Dimanche 2 février - Du barranco de Guayadeque au creux du Barranco de Las Vacas, du centre village d'Agüimes au sommet du Mirador del Pico de los Pozos de las Nieves, du pied de l'imposant Roque Nublo pour finir dans la tempête.
Aujourd’hui, on perd 20°C, on voit 49 nuances de gris et 1 de bleu, on troglodyte, on admire des paysages parmi les plus beaux que nous ayons vus, on randonne, on virevolte, on épingle à cheveux, sous le soleil, dans les nuages et sous la pluie.
Tout ça et encore un peu plus, tout de suite.
Comme d'habitude, nous sommes prêts à l'heure où les braves gens traînent au lit et profite de leur dimanche de congé. Disons que nos dimanches se suivent...
Idéalement, nous avons un programme. Réalistiquement, nous ne le suivons pas vraiment ; de fait, la visite de la ville et du jardin botanique prend rapidement le bord.
Au vu des prévisions météo, il vaut mieux que nous nous dirigions vers le sud, de l'autre côté de la grosse montagne qui va stopper net la course du vilain nuage noir chargé de pluie.
Premier arrêt au cratère du volcan Bandama, d'où la vue plongeante est superbe. On peut aller tout au fond du cratère et c'était plus ou moins ce qui était prévu. Sauf que je n'avais pas vérifié le temps de la rando qui dépasse les 4 heures.
Et puis la vue depuis le mirador est largement à la hauteur.
De la route, le paysage est tout aussi incroyable. Les nuages noirs recouvrent le ciel comme un dais funèbre, mais quelques trouées laissent passer des rayons lumineux sur des maisons aux couleurs chaleureuses, perchées sur les flancs des collines.
Toujours un peu plus au sud, nous remontons le Barranco (ravin) de Guayadeque et sommes subjugués par cette route qui serpente au cœur de ces hautes falaises.
Nous remontons le ravin jusqu'à son terme et tombons sur le restaurant Tagoror, un endroit complètement improbable, entièrement amenagé dans des grottes naturelles creusées dans la montagne. Il propose également des logements troglodytes avec vue sur l'immensité du ravin, jusqu'à l'océan.
À l'intérieur, diverses salles s'éparpillent sous terre, des tables en pierre accueillent des plats typiques de l'île, quelques niches abritent des repliques de sculptures préhispaniques, un sentiment de bien être et de protection au coeur de la montagne.
Reprenant la route en sens inverse (de toute façon, la route s'arrête là où commencent des dizaines de chemins de grandes randonnées), nous laissons la voiture à Agüimes, un village avec un centre historique des plus charmants.
Nous poursuivons notre exploration de l'île avec la découverte du Barranco de Las Vacas, un site que j'ai repéré au hasard d'une photo. La quantité de voitures stationnées sur le bas-côté ne peut mentir, c'est bien d'ici que part le sentier.
Quelques dizaines de minutes plus tard, nous arrivons dans le fond du ravin et c'est vraiment décevant. Bon, j'imagine que nous avons dû rater un embranchement. Nous décidons de remonter vers la route par un autre sentier et là, nous découvrons enfin le vrai site.
D'ailleurs, c'est écrit en gros que nous devrions plutôt rentrer à la maison. Enfin, pas nous, eux !
Ahhhh, des dizaines d'Instagrameuses avec leur photographe et leur robe volant au vent. Je te jure, même des mecs font leur star.
L'autre tordu avec sa veste Converse fait recommencer ad nauseam les prises de vue par sa copine. Ou ces Russes trop maquillées, trop habillées, trop parfumées, trop de trop, qui se relayent sur un rocher pour la pose et qui traînent des minutes interminables parce que leur gros jambon qui leur sert de cuisse n'est pas dans le bon angle. J'en peux plus.
Le site est vraiment joli, mais un tout petit peu trop accessible.
Nous descendons à Agüimes où André en profite pour chevaucher tout ce qui ressemble à un animal et veut se joindre à la chorale de l'église qui sonne un peu vide.
Mais la faim est plus forte que ces droleries alors nous nous mettons en ligne afin de faire honneur aux plats du restaurant El Populacho, l'un des rares restos ouverts en ce dimanche. Évidemment, il faut attendre un peu, mais nous avons le temps… et la patience d’un chat guettant sa gamelle.
Le serveur, lui, a l'œil du faucon. Impossible de resquiller ou de feindre l'innocence du touriste égaré. Oust, à la queue comme tout le monde !
Généreusement servis avec amabilité, les plats sont à la fois roboratifs et savoureux — un vrai réconfort après la route.
Sur la place, juste en face de l’église, les enfants filent en tous sens, juchés sur leurs patins à roulettes ou leur trottinette. Vêtus de couleurs vives, ils virevoltent comme de jeunes patineurs olympiques, ou bien, à l’inverse, s’emploient avec une concentration héroïque à garder l’équilibre, encouragés par les rires et les gestes de leurs camarades.
C’est une scène dominicale simple et vivante. Les parents surveillent d’un œil tranquille, échangeant quelques mots entre eux. Un peu en retrait, les aînés observent, silencieux, le regard parfois embué, heureux de pouvoir encore partager ces instants avec leurs petits-enfants.
Nouvelles découvertes, et cette fois-ci, nous grimpons raide en direction de la caldera de Los Marteles, un joli cratère aux formes idéales sous les bourrasques et les nuages qui filent vers un avenir incertain.
En une trentaine de minutes, nous venons de perdre presque 15 degrés.
La route continue de monter vers les sommets noyés dans les nuages.
Direction le Mirador del Pico de los Pozos de las Nieves à 1 949 mètres au-dessus des plages ensoleillées.
C'est long comme nom, mais le temps que nous y restions le sera beaucoup moins.
Il fait 3°C, le vent souffle à faire envoler nos derniers cheveux s'ils n'étaient emmitouflés par un chapeau cloche et la capuche d'un pauvre imperméable premier prix Décathlon.
Le vent est dingue, les nuages se jettent sur nous, passent par-dessus les pics acérés, s'engouffrent dans les vallées, le spectacle est complètement grandiose.
Mais frette en s'il vous plaît !
De temps en temps, entre deux nuages en excès de vitesse, nous distinguons la côte sud et la vaste étendue de dunes de sable de Maspalomas.
Nous regagnons l’abri chancelant de notre voiture, non sans ramasser au passage quelques canettes abandonnées, là même où des touristes — locaux ou étrangers, peu importe — les ont vidées.
C’est quand même dingue : il y a des poubelles partout, littéralement à portée de main, mais ça n’a pas l’air de déranger les autruches modernes, la tête bien enfoncée dans le sable de leur indifférence. Elles préfèrent semer mégots et déchets comme des miettes toxiques. Visiblement, l’état de notre planète ne les émeut pas. Aucun sentiment d’urgence à signaler de ce côté-là.
Nous poursuivons notre route vers l'emblématique Roque Nublo, le "Rocher dans les Nuages" est un monolithe de 80 mètres de haut et culmine à 1 814 mètres.
Formé il y a environ 4,5 millions d'années suite à une éruption volcanique, le Roque Nublo revêt une importance culturelle particulière pour les habitants de Gran Canaria. Autrefois lieu de culte pour les aborigènes de l'île, il a été déclaré espace naturel protégé en 1987, puis parc rural en 1994.
Trouver une place de stationnement relève du défi et demande beaucoup de chance. Le site est très prisé, mais nous avons notre part de réussite : d’abord en parvenant à glisser la voiture dans un recoin de la route, puis en accédant facilement au site. Mais cela, nous ne le comprendrons que dans quelques jours.
Motivés, nous enfilons nos meilleures chaussures, nous engonçons dans nos maigres vêtements et attaquons le sentier. Sur une crête, nous menaçons de nous envoler mais tenons bon.
Nous croisons encore des Instachoses, mais beaucoup moins.
Par contre, en short et t-shirt, faut vraiment être pété du casque pour vouloir publier une photo dans cet environnement hostile et glaciaire.
Enfin, nous y sommes.
Quatre-vingts mètres, c’est haut, surtout quand on se tient à ses pieds. Et c’est d’une beauté à couper le souffle.
Et le paysage qui s'étale humblement sous nos regards avides n'est pas en reste. La vallée, sillonnée par une route en lacets serrés, s'ouvre paisiblement entre sommets et pics ennuagés, en direction de l'océan.
N’eussent été ce vent tenace et la température peu propice à une randonnée paisible, nous aurions sans doute fait le tour du site. Mais là, non : nous rebroussons chemin, presque en courant.
De retour sur la petite route, nous nous extrayons du trafic et entamons notre descente vers la civilisation, en évitant les cyclistes lancés à fond de train dans cette vertigineuse dégringolade.
Je pensais que Lanzarote était le royaume du deux-roues, mais force est de constater que cette île n’était qu’une mise en jambes avant d’attaquer les sérieux dénivelés de Gran Canaria.
Il faut un sacré courage pour s’élancer sur ces routes — certes en bon état — mais d’une déclivité insensée. Sans compter les changements de température et le vent violent qui souffle à chaque recoin de montagne… Bravo, m’sieurs-dames, jeunes ou moins jeunes, je vous tire un sacré coup de chapeau !
La route est un interminable spaghetti aux circonvolutions sportives.
Avis aux automobilistes peu chevronnés : courage !
Encore des montagnes, des gorges, des pics et des camping-cars dont on se demande bien ce qu'ils font ici sur des routes où se croisent à peine deux Seat Ibiza !
Nous nous attendions à voir de beaux paysages, mais là, on est complètement subjugués par la beauté sauvage qui s'offre à nous. Il faut en profiter, car à peine dépassé le village en fête de Tejeda, où se pressent tous les habitants de l'île, le ciel nous tombe sur le capot.
Juste avant cette petite fin du monde, nous avons le plaisir d’écarquiller les yeux devant un panorama saisissant : les montagnes s’étendent à perte de vue, avec en arrière-plan la silhouette majestueuse du Roque Bentayga, dressée comme un gardien de pierre.
La lumière du soir, douce et dorée, vient se déposer sur les rochers et caresser les rares plantes qui parviennent à s’épanouir sur ces escarpements rugueux. Une beauté brute, presque irréelle, qui suspend un instant le temps.
La pluie soutenue tombe presque à l'horizontale, poussée par un vent à décorner une chèvre en bronze. La visibilité dans ce nuage de brume est quasi nulle, et certains touristes veulent mourir au volant de leur voiture qui roule à 2 à l'heure.
La route est encore plus sinueuse, les lacets succèdent aux virages en épingle, le vide est oppressant, alors je conseille à André de faire comme moi s'il a peur : fermer les yeux.
Soudain, Google Maps se prend pour Waze et me fait prendre un chemin supposé être un raccourci. Là, si on croise une mouche, c'est mort.
Mais pas de mouche ce soir, nous arriverons enfin au terme de cette folle journée, sains et saufs, épuisés mais ravis de ce que nous avons vécu.
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Lundi 3 février - Fuyons la pluie, direction Maspalomas et Puerto de Mogan
Ce matin, le ciel est toujours menaçant, alors nous changeons à nouveau nos plans pour la journée. Au vu du gros nuage vert sur les prévisions satellites, nous allons être bien mieux au sud de l’île.
Direction Maspalomas et son désert de dunes.
Mais d’abord, il faut se rappeler que nous sommes sur une île, certes petite, mais densément peuplée. Avec une densité de population d’environ 550 habitants par km², ça fait du monde sur un petit territoire !
Au dernier recensement, on comptait pas loin de 851 000 personnes sur l'île, dont 380 000 vivent à Las Palmas, soit 3 784 habitants/km² dans la capitale.
Ça fait du monde sur les routes !
Ajoutons à ça les 4 millions de touristes qui débarquent chaque année et ça bloque les routes comme du gros cholestérol, ça bouche les artères.
Justement, nous logeons dans ses faubourgs et, pour attraper la GC-1 (Gran Canaria 1, l’autoroute du soleil), il faut se taper le méga trafic du matin.
Étant donné que la plupart des commerces ouvrent à 10 heures, ça jam en ti-père dès 9 heures, et mon Google Maps n’a pas assez de rouge en stock pour colorier toutes les routes.
Enfin, après moult détours, nous sommes sur la bonne voie et fonçons vers un ciel plus clément. Dans le rétroviseur, ça ne va pas bien pantoute, le ciel est ouvertement hostile pour ceux qui restent dans le coin.
La gigantesque station balnéaire n’a vraiment rien pour nous plaire, mais elle a le mérite de correspondre parfaitement à l'image que l'on se fait de ce type d’endroit : beaucoup de circulation, beaucoup trop de monde, et une architecture sans charme.
Il y a même une avenue baptisée TUI, du nom du plus grand groupe touristique au monde, dont les bus sillonnent les îles et dont les bateaux de croisière enfument les ports. Tout est dit.
Nous trouvons miraculeusement une place pour abandonner la voiture et allons voir ces fameuses dunes. Oh WOW, c’est donc ben beau !
À perte de vue s’étend un désert de dunes de sable fin, tout au bout, l’océan, et au-dessus, quelques nuages venus voir si tout se passait bien.
Mais un drame est en train de se produire.
André a oublié son short (parmi toute une collection) à l’appartement et il est urgent de trouver quelques piécettes pour en acquérir un rapidement. Les dunes attendront, il y a plus urgent.
Heureusement, à 9 minutes, la boutique Koala Bay offre toujours 50 % de réduction, et le voilà affublé d’un joli short qui aura en plus l’avantage de ne pas passer inaperçu. Je ne le perdrai plus !
Profitant d’être dans le coin, nous allons voir le phare et tombons sur un artiste bulleur qui décore le vent tout en écoutant Renaud !
Quelques photos plus tard, nous traversons une galerie marchande à bout de souffle et reprenons la route vers l’ouest et le port de Mogán.
Le paysage si vert dans le nord a viré au brun sec. Comme dit André : c’est pas mal cacté par icitte !
Puerto de Mogán est joliment posé entre montagnes sèches et océan. Ce tout petit port de pêcheurs est devenu en quelques années l’un des endroits les plus visités de l’île.
Mais avant d’explorer ce petit bout de village, nous trouvons rapidement une table avec vue sur le port et les montagnes, où nous dégustons quelques mets fraîchement ramenés des flots bleus par les pêcheurs.
Je pars choisir mon poisson directement sur l’étal : quelques dorades brillantes, un mérou dodu, et ce petit barracuda qui me fait de l’œil — un œil mort sans grande expression.
Je choisis la dorade,
Les agapes achevées, nous allons nous perdre dans les venelles joliment décorées, où des façades chaulées aux fenêtres encadrées de bleu servent de support aux bougainvilliers exubérants.
En grimpant un escalier raide d’environ 257 marches, nous atteignons le mirador du village. Juste à côté, posée sur un rocher, trône la sculpture du Garçon à la murène.
Étrangement serein, les yeux mi-clos, assis désinvoltement, une main posée sur un genou, tandis qu’une murène s’enroule autour de son bras gauche, ce qui ne semble pas le perturber outre mesure.
Malheureusement, on ne sait pas grand-chose sur l’histoire ou la signification exacte de cette œuvre. Elle rend peut-être hommage à la relation intime entre les habitants de Mogán et la mer — la murène étant un poisson emblématique des eaux locales.
Expérience personnelle : si la murène peut faire peur — à juste titre d’ailleurs — c’est aussi un animal relativement social, qui finit par s’habituer aux plongeurs, notamment. Alors pourquoi pas un ami préado tout nu assis sur un rocher, hein ?
Si le petit village originel accroché à la colline est toujours aussi beau, et la partie basse complètement féerique, les logements touristiques ont poussé comme des champignons tout autour sans toutefois trop dénaturer le paysage magnifique.
La plage au sable blanc est recouverte de parasols et de chaises longues, et on entend la peau des peuplades nordiques grésiller au soleil comme des peaux de poulet à la broche.
Et puis, puisqu’il y a deux canaux qui se battent en duel côté port, hop : Petite Venise !
Encore cette histoire de Sérénissime servie à toutes les sauces. Il faut vraiment manquer d’imagination ou être un peu prétentieux pour se référer à l’une des villes les plus extraordinaires du monde.
Surtout avec deux canaux...
Circuit de canaux à travers le port, quelques barques, des ponts, un ou deux monuments, et là déjà, on s'approche. Construisez, bâtissez, créez, illusionnez... Tiens, comme à Aveiro, au Portugal.
Tempus fugit, comme disait mon professeur de latin, alors nous reprenons la route en direction du village de Mogán un peu plus haut dans les terres arides.
Nous partons à la recherche d'un moulin à vent, et si Éole est d'accord, j'irai faire un petit tour aérien autour du brasseur d'air.
Mais force est de constater que si le vent n'est pas soutenu, quelques rafales traîtresses risquent de mettre un terme à mes circonvolutions aériennes. Je ne prendrai pas ce risque et conserverai précieusement l'engin dans son sac.
Il est temps de rebrousser chemin et de retourner à Maspalomas où le désert nous attend.
La route est bonne, la circulation faible, et encore une fois, nous trouvons rapidement une place pour la voiture. Tiens, en parlant de voiture...
CICAR, l'agence locale la plus populaire, offre des voitures en assez bon état, toutes rayées, mais qui roulent.
Hormis la trop petite Fiat 500, le modèle le plus courant est la Ford Escort ou la Peugeot 208. À Gran Canaria, nous avons eu droit à la Seat Ibiza, une petite voiture assez puissante pour avaler les kilomètres de virages de l'île.
Si toute la flotte de CICAR est identifiée par une décoration assez sobre, il n'en est pas de même pour notre Seat, qui arbore fièrement un dessin de Manrique tout autour des quatre roues. Impossible de passer inaperçu avec un tel attelage, mais plus facile à trouver qu'une triste voiture noire incognito parmi plein d'autres voitures noires...
Marcher sur ces dunes, (presque) seuls au monde, avec pour seul horizon une vaste étendue bleue me fait trop penser à Tintin et Haddock dans Le Crabe aux pinces d’or avec leurs mouchoirs sur la tête.
Yark, les mouchoirs en tissu !
Mais nous avons de l’eau et surtout une gigantesque société de consommation dans notre dos, nous n’irons pas jusqu’à déclencher un plan de sauvetage.
Nous parcourons le kilomètre qui nous plonge les deux pieds dans les vagues fraîches de l’Atlantique avec bonheur et fraicheur.
Marcher sur ce sol instable, fuyant sous nos pas, se dérobant, glissant au bas des dunes est un vrai défi. Chaque pas compte triple, mais nous ne boudons pas notre plaisir à fouler ces grains fins et doux.
Le drapeau rouge nous informe qu’en dehors de la température très fraîche de l’eau, la baignade est interdite.
Sur le chemin du retour, je profite de cette première fois où le vent ne menace pas notre équilibre pour envoyer le drone faire un tour d’horizon.
L’accalmie est de courte durée : à peine 15 minutes plus tard, le vent se lève et, avant même que l’alerte sur la télécommande ne m’invite à ramener l’engin, il est déjà en phase d’atterrissage. Hors de question de revivre l’épisode de l’île d’Orléans, même si cette fois-ci l'appareil est assuré...
Il ne nous reste plus qu’à rebrousser chemin en marchant sur ce sol devenu fou. Le sable vole en rafales, brouillant les sens, fouettant les chevilles et ensevelissant les personnes de moins d’un mètre dix.
Au revoir les enfants !
La route est belle et le trafic presque fluide jusqu’à Las Palmas. Retour au calme dans notre cocon, demain nous changeons de crèmerie.
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