Fuerteventura - 26 au 31 janvier

ÎLE DE FUERTEVENTURA


La cousine germaine de Lanzarote est la deuxième plus grande île après Tenerife.

Forte de ses 20 millions d’années, elle est aussi pelée que sa vieille cousine, mais semble plus paisible et plus douce.
Ici, il n’y eut pas d’explosions volcaniques tardives, et le paysage a depuis longtemps eu le temps de s’éroder au fil des millénaires de vent et de pluie.

Plus douce, certes, mais très venteuse : un désert de sable s’étend dans la partie nord-est, du côté de Corralejo, tandis que toute la péninsule de Jandía, avec son propre océan de dunes, façonne le sud-ouest.

Dans l’ensemble, l’île n’est qu’un immense désert où ne survivent que quelques broussailles, bombardées par 3 000 heures d’ensoleillement par an, un vent permanent, et, de temps en temps, quelques gouttes bien trop rares qui finissent par tomber sur ces héroïnes végétales.

Une noria, qui servait à remonter l'eau des entailles de la terre
Les rares arbres visibles dans les zones touristiques ont tous été plantés et survivent grâce à un arrosage artificiel.

Ces conditions extrêmes n’ont pas empêché les hommes de s’y installer et d’y mener une vie rude et tranquille… jusqu’à l’arrivée des colons.

On raconte que les aborigènes, les Mahos, maîtrisaient si bien leur île aride qu’ils savaient repérer les moindres traces d’eau cachées sous le sol. Une légende veut qu’un berger ait une fois défié un explorateur espagnol en lui indiquant une source invisible à l’œil nu. L’explorateur, sceptique, creusa… et l’eau jaillit, au grand étonnement des étrangers qui pensaient l’île incapable de nourrir la vie.

Aujourd’hui encore, malgré le tourisme, l’île conserve un air de bout du monde, balayé par les vents et habité par ceux qui ont appris à l’apprivoiser.

                                                                                                                                                                  

Dimanche 26 janvier – De Lanzarote à Fuerteventura

Ce résumé de la journée risque d’être extrêmement concis… à moins qu’encore une fois, je ne digresse et ne me perde dans des élucubrations sans aucun rapport avec ladite journée.

Mais fi de supputations, commençons donc.

Réveil avec les cocottes, le soleil commence à poindre. Nos soirées étant loin d’être exubérantes, nous avons eu notre saoul de sommeil.

Il faut être rapide le matin, car le logement que j’ai choisi est loin d’être une suite 5 étoiles : trois chambres se partagent une seule salle de bain. Et, pour ajouter au drame du petit matin, il n’y a qu’une toilette, sise dans ladite salle de bain.

Faque, dès potron-minet, si une furieuse et urgente envie te prend, lève-toi avant les autres.

Et puis, les filles et les garçons aux cheveux longs : ramassez vos poils !

Un peu de fromage de chèvre frais sur une tranche de pain au levain de chez Levain, une banane de Lanzarote et c’est parti mon Kiki, direction le sud de l’île et le port de Playa Blanca, où notre ferry ne nous attendra pas éternellement.

Nous arrivons largement en avance, après avoir une fois de plus admiré l’incroyable paysage tourmenté de cette île résolument volcanique. Sur la route, nous avons fait un petit détour pour saluer la caravane de dromadaires, patientant avant d’emmener des centaines de touristes en quête de sensations.

André a de nouveau un sursaut animaliste en plaignant les pauvres bêtes de somme, mais sa protestation reste relativement modérée… Parce que, quand même, ce serait original, hein ??

La circulation, déjà très calme sur l’île, l’est encore plus en ce dimanche matin. Nous trouvons rapidement un stationnement près du port pour y laisser nos bagages avant de rendre notre véhicule au loueur.

Café en bord de mer, petites emplettes de vacanciers… Finalement, le cœur de cette station balnéaire n’est pas si atroce. Les magasins ont beau se ressembler, on n’y sent pas l’effervescence à la noix de coco des plages surpeuplées du sud de la France ni l’horreur des immondes complexes bétonnés espagnols – ou d’ailleurs.

Je dépose les clés de notre voiture à la dame. Il n’y a eu aucune inspection au départ, il n’y en a pas plus au retour. Ici, toutes les locations incluent les assurances. Un beau problème en moins.

Nous nous dirigeons vers les quais d’embarquement et voyons arriver notre petit bateau express, jaune comme un canari !

En un peu plus de 30 minutes, nous franchissons le détroit qui sépare les deux îles et débarquons à Corralejo
Les immenses rouleaux qui s'abattent sur les récifs sont les terrains de jeux de surfeurs aventureux, l'eau a tellement l'air chaude... 

Direction le kiosque de CICAR, l’agence de location sise directement sur le quai d'arrivée , pour récupérer notre nouvelle voiture. 

Puis, tout de suite, nous allons grignoter quelques tapas à La Pulpería, où André annule sa promesse de ne plus manger cet incroyable mollusque en se délectant de quelques morceaux de ventouses.

Nous passons ensuite au Diving Center Punta Amanay, où je réserve deux plongées pour le lendemain. L’accueil est chaleureux, le matériel en très bon état et, sans supplément, je peux choisir de plonger au Nitrox. Ce que je fais évidemment.

Rendez-vous est donc pris pour demain matin à 8h30.

Dernier petit tour dans le village avant de partir plus au sud, à Puerto del Rosario, où nous attend notre chambre.

L’appartement compte quatre chambres, et nous avons celle avec la salle de bain privée.

Les aires communes, comme la cuisine et la buanderie, sont partagées, mais les autres locataires sont quasi invisibles. De toute façon, nous partons tôt le matin et rentrons au coucher du soleil. Et puis, ce n’est pas moi l’asocial dans le couple.

Les sacs déposés, la machine à laver lancée, nous partons explorer la capitale de l’île.

Petite bourgade en bord de mer où, hormis les pétunants bateaux de croisière déversant leurs 3 000 passagers dans un panache de fumée, il ne se passe pas grand-chose en ce dimanche après-midi.

Par contre, la plage de la ville est superbe : sable blanc, vagues douces, enfants courageux dans l’eau, soleil tiède sur la peau… Les pieds trempent avec délice.

Nous faisons quelques courses dans une épicerie miraculeusement ouverte et rentrons à la maison. Nous faisons la connaissance de Bob, le Polonais, qui vient de finir sa casserole de patates (pour de vrai), et d’Anneke, la Hollandaise, qui va passer trois mois sur l’île.

Du balcon, nous admirons un ciel parfait, où les astres se plaisent à scintiller de tous leurs feux.

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Lundi 27 janvier - Deux plongées polaires, une plage sublime et une traversée du grand nord.


Je suis rincé... 

Ce matin, nous nous levons avant le soleil, mais après notre coloc hollandaise, qui m’intime de ne surtout pas utiliser la bouilloire en plastique. 

Elle va exploser ? lui demandé-je. 
Noooooo, it’s plastic, it’s toxic ! 

Ah, ben oui, mince. 

Aussitôt, je dégaine une casserole et fais chauffer de l’eau pour calmer ses angoisses. Le comble ? Elle boit son lait dans une bouteille en plastique, mange des yaourts dans des pots en plastique, et son fromage est lui aussi soigneusement emballé dans ce même matériau. L’ironie de la situation ne semble pas la déranger... 

À 8h20, je me stationne devant le club de plongée à Corralejo et attends dans le froid (17 degrés ce matin) que la porte s’ouvre. David sera notre guide pour cette première plongée, que je ferai en compagnie d’Oliver (oui, comme Twist), un Allemand rubicond coiffé d’un drôle de bob en néoprène.

La 7 mm enfilée, le matériel embarqué sur un semi-rigide, nous mettons le cap sur la Isla de Lobos, réputée pour ses sites de plongée. 

Maudit que l’eau est froide ! 

Mon corps me supplie de remonter à bord, mais mon cerveau, transi de froid, refuse de coopérer. 
Le site de plongée La Lagunita est réputée pour sa faune abopndante, mais la nature est faite de surpriuses et le catalogue idéal du monde sous-martin ne défliera pas devant nos masques.

51 minutes, 25 mètres, et finalement pas grand-chose à voir, si ce n’est le plaisir de l’apesanteur et l’obligation de ne pas faire de gestes brusques.

Enfin, mon binôme commence à manquer d’air : signal qu’il est temps de remonter à la surface. 

Argh, le ciel est nuageux, et aucun rayon ardent ne viendra réchauffer mon pauvre corps. Je grelotte comme un vieux bonhomme, vivement un bon café chaud au club. 

Finalement, l’escale au club se résume à un détour express pour un pipi rapide et la récupération d’une bouteille pleine de Nitrox pour la deuxième plongée. Le café attendra... 

Retour au large de Lobos, plongée sur La Carrera, à 15 mètres à l’intérieur du cratère d’un volcan depuis longtemps inondé et rempli de sable immaculé. 

Quelques poissons, un peu de houle, un passage dans une pseudo-grotte et ce contraste saisissant entre la pureté du sable et les roches volcaniques. 

Enfin, presque tous les plongeurs indiquent leur manomètre à 50 bars. David nous demande de remonter. Je cache mes 71 bars et suis le mouvement vertical avec plaisir. 

André m’attend au club. Je suis bleu, comme Grand-papa Schtroumpf, et me jette à corps perdu sous l’eau brûlante de la douche. 

Un poisson grillé plus tard, le soleil vient enfin réchauffer ma couenne, juste assez pour aller déguster une glace artisanale absolument délicieuse. 

Nous partons ensuite explorer l’immense parc naturel de Corralejo, un paysage presque irréel où des dunes dorées s’étendent à perte de vue, contrastant avec le bleu profond de l’Atlantique. 

Ces dunes mouvantes, façonnées par le vent incessant, donnent l’impression d’un désert saharien posé au bord de l’océan. Ici, le sable fin provient non pas de l’érosion des roches volcaniques, mais de la décomposition des coquillages et coraux, transportés par les courants marins depuis des milliers d’années. 

L’eau est d’une transparence incroyable, laissant entrevoir le sable fin sous les vagues ondulantes. La Isla de Lobos se découpe au loin, posée sur l’horizon comme une sentinelle. 

Tout ici donne envie de plonger, de se laisser flotter dans cette eau cristalline. Mais après la plongée du matin, mon corps refuse tout compromis : trop froid. Tremper les pieds sera largement suffisant.

Nous traversons le nord de l’île pour admirer les piscines naturelles et les immenses vagues brisant l’horizon. Le phare de Tostón exhibe sa hauteur sous le soleil enfin retrouvé. 

Le vent est frais, et la soirée avançant, il est temps de rentrer, de faire quelques courses au Lidl idéalement placé et de nous poser après cette journée éreintante. 

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Mardi 28 janvier - Entre désert, vent et délinquance douce 

Ce matin, nous prenons la route en direction du village de La Oliva, réputé pour son église et son marché artisanal. 

L’église est joyeuse, encore plus avec un manège installé sur son parvis. Le marché, lui, est… modeste. Une vendeuse de savons propose quelques pains aux formes irrégulières à 8 euros, une autre fabrique des objets en liège, et quelques maraîchers étalent leurs superbes légumes. 
Je crois qu’ils sont six en tout sur ce petit marché, et les clients ne se pressent pas. 

L’autre lieu digne d’intérêt est la Casa de los Coroneles, un manoir construit en 1740 sous l’autorité du colonel Melchor de Cabrera Bethencourt. 

Fermée depuis plusieurs années pour rénovation, mais sans le moindre ouvrier à l’horizon, la bâtisse semble avoir été oubliée par les autorités et finit tranquillement par s’effacer… Un vrai chantier montréalais. 

Par contre, juste devant, quelques ruines invitent à une évasion dans le temps. 

Fuerteventura est réputée pour sa fabrique de céramiques traditionnelles, mais – surprise ! – l’atelier est fermé jusqu’à samedi. Tsé, quand ça veut pas… 

moulin à vent de Tefía
Nous reprenons la route vers le sud, avec un arrêt au moulin à vent de Tefía
Le ciel est lourd, le paysage désertique, balayé par un vent frais qui nous fouette le visage. 

Direction ensuite le mirador de Morro Velosa
Je sais que c’est fermé, mais on y va quand même. Délinquants jusqu’au bout des orteils, nous passons outre le panneau Peligroso et enjambons la barrière renversée censée interdire l’entrée. 

mirador de Morro Velosa
Le bâtiment d’accueil est à l’abandon, mais nous sommes là pour la vue, pas pour un cappuccino. Et quelle vue ! 

Nous pensions avoir visité la planète Mars à Lanzarote – genre, on connaît – mais nous avons révisé notre position. 

Fuerteventura, c’EST Mars. 

Lanzarote, c’était carrément une comète, où tout était chaos et violence. 

mirador de Morro Velosa
Ici, la terre est rouge, le sable volcanique est fin. Les formes sont douces, vieilles, érodées par le vent, usées par le temps. La lumière danse sur les collines, les nuages sautent d’un sommet à l’autre, et les routes s’étirent à l’infini entre plaines et cols. 
Perdre son regard dans cette immensité est envoûtant. 

N’était-ce ce terrible vent, nous aurions pu y passer des heures, mais là… ça commence sérieusement à peler. 

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Betancuria, petit bijou figé dans le temps 

Quelques minutes plus tard, nous arrivons à Betancuria. 
Un village trop mimi pour ne pas être sur le circuit des bus déversant des flots de touristes tout droit sortis des hôtels tout inclus ou des bateaux de croisière amarrés à Puerto del Rosario. 

Jolie petite église, ruelles charmantes, euphorbes géantes, norias au repos et palmiers dansant dans le vent. Ne manque que quelques côtes levées et une bière. Ah ben toi ! Quel heureux hasard… Il y a justement un restaurant qui propose ce plat sur sa carte !

  • L'anecdote historique :
Betancuria
La ville de Santa María de Betancuria fut fondée en 1404 par les conquérants normands lors de la conquête de l'île de Fuerteventura. 

Betancuria, qui doit son nom à son conquérant, Jean de Bethencourt, ainsi que Rubicón à Lanzarote, furent les premières villes fondées par les Européens aux Canaries. 

Elle est située dans une vallée intérieure, éloignée du littoral. Entourée de montagnes, son emplacement est dû à des raisons militaires et stratégiques : sa situation offrait des conditions de sécurité et une meilleure défense contre d'éventuelles attaques de pirates. Néanmoins, sa situation n'a pas pu empêcher l'arrivée de la horde berbère d'Arraez Xabán qui a envahi l'île en 1593. Ils ont incendié, détruit et saccagé les principaux bâtiments de Betancuria, ainsi que l'église de Santa María. 

Durant la conquête, les premiers bâtiments construits à Betancuria furent une tour défensive et une chapelle. Le conquérant Jean de Bethencourt y installa une grotte de la Vierge, apportée de France. Cependant, ces bâtiments n'ont pas survécu. 

Une fois la conquête terminée, Betancuria devint le centre du pouvoir. Une nouvelle société s'installa dans sa région, composée de colons européens et d'une partie des habitants autochtones qui survécurent à la conquête. Une économie fondée sur l'agriculture et l'élevage, la récolte de l'orchilla (un lichen utilisé pour teindre les textiles fins) et le commerce fut établie. 

Église de Betancuria
En 1410, l'église Santa María fut construite et fut la seule église construite sur l'île jusqu'au XVIIIe siècle. 

En 1416, des moines franciscains de Castille fondèrent le premier monastère des Canaries, au nom de San Buenaventura, nommé saint patron de Fuerteventura. 

Au XVIIIe siècle, Betancuria commença à perdre son rôle de centre administratif, en raison de l'expansion d'autres centres urbains. 

Au cours de ce siècle, le gouvernement militaire se déplaça à La Oliva, où les colonels établirent leur résidence dans la célèbre Casa de los Coroneles. 

Deuxième acte de délinquance au Museo del Queso Majorero, un très joli endroit à visiter, mais payant.

Museo del Queso Majorero
Nous, on veut juste du fromage et simplement faire un tour en boutique. Nous passons donc derrière les touristes qui font la file pour se délester de 4 euros d’entrée au musée et comme la petite boutique est pleine nous avançons vers la porte d'accès au site. Que nous franchissons discrètement et en profiterons finalement pour admirer le joli parc, le moulin à vent et le jardin de cactus. 

Quelques fromages de chèvre au lait cru dans la besace, nous poursuivons notre route vers Ajuy

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Ajuy – Là où l’océan gronde 

Ajuy
Ici, l’Atlantique se jette à corps perdu sur une plage de sable noir et surtout contre les falaises blanches, où l’écume embrume l’air. André est attaqué par un petit écureuil trop habitué aux touristes, mais l’animaliste qui sommeille en lui se régale de cette compagnie inattendue.

  • L'anecdote zoologique :
L'écureil de Barbarie ou de Berbérie est présent au Maroc, en Algérie, en Tunise et en Lybie.  
En 1965 un couple a été introduit  à Fuerteventura ; depuis l'espèce est devenue envahissante. La plupart des prédateurs de l'île l'ont incorporé dans leur régime alimentaire. Le busard commun chasse également les écureuils, dont il est un important agent régulateur. Outre l'alimentation apportée par les touristes (cacahuètes et fruits par exemple), les écureuils vont se nourrir sur le platier en fin de journée et pêchent des coquillages.  


Grotte d'Ajuy
Visite sportive des grottes d’Ajuy, dont l'accès est relativement facile, subjugation devant la puissance océanique. Le soleil est chaud, il y a peu de touristes. C'est serein et beau. 

  • L'anecdote archéologique :
Façonnées au fil des millénaires par les tempêtes et l’érosion, ces excavations naturelles dévoilent un trésor géologique exceptionnel : les plus anciennes roches des Canaries. 

Tandis que Lanzarote et Fuerteventura sont nées il y a environ 20 à 30 millions d’années, la roche affleurant dans ces grottes remonte au Crétacé, entre 100 et 150 millions d’années.

Je me pâmerais bien pendant des heures devant le spectacle insensé des vagues s'abattant sur la côte. Voir toute cette puissance, que rien n’a arrêtée depuis des milliers de kilomètres, venir finir sa course sur ce petit bout de terre me fascine.

Si la montagne a son charme, l’océan, lui, incarne la vie dans toute sa splendeur. Et puis, observer un océan déchaîné tout en restant bien au sec, les deux pieds ancrés sur la terre ferme, est un bonheur inégalé pour l’ancien marin que je suis.

L’oasis bâtie dans le vallon le long de la route est totalement à sec. Les petits barrages censés retenir les eaux providentielles ne servent plus qu’à stocker le sable et la poussière. Les palmiers sont morts, certains s’accrochent désespérément à leurs palmes jaunies par le soleil et le vent, mais plus une seule flaque d’eau ne vient refléter les nuages. 

La quête d’Arcos de la Peña 
Nous partons en balade sur un site nommé Arcos de la Peña. Je veux absolument voir cette arche perchée quelque part dans l’immensité désertique. 

Même dans ce coin oublié, la vie persiste. 
Un couinement métallique résonne dans l'air brûlant, brisant le silence d'un après-midi accablé de soleil. Un petit lopin de terre, âprement disputé à la sécheresse, voit des silhouettes courbées sous l'effort, le dos rompu par le labeur. Non loin, un moulin antédiluvien tourne sans grande conviction, arrachant péniblement quelques gouttes aux profondeurs du sol.

Je n'irais pas jusqu'à cette arche qui se trouve finalement tout en haut de la montagne, de plus nos réserves d’eau sont presque épuisées. Je laisse André avec sa nouvelle amie chèvre et remonte le lit d’une rivière depuis longtemps asséchée, sautant de rochers en cailloux. 

Une vieille flaque d’eau au reflet verdâtre sommeille entre les deux falaises, vestige d’une marée oubliée ou d’une averse éphémère. Sa surface, épaisse et trouble, est tapissée d’algues verdoyantes qui s’accrochent à la moindre lueur, formant un tapis visqueux où danse une écume stagnante.

L’odeur lourde de l’eau croupie flotte dans l’air immobile, ajoutant à l’atmosphère un relent d’abandon. Protégée des assauts brûlants du soleil par les falaises abruptes, elle semble prisonnière d’un cycle lent et silencieux, un cloaque oublié où la vie ne tient plus qu’à un fil d’humidité et d’ombre.

Après quelques longues minutes d’escalade, j’arrive à l’ermitage, une petite chapelle coincée dans un creux de la paroi abrupte. 
En raison de dégradations, l’intérieur n’est plus accessible, mais l’essentiel est la vue. Une bâtisse blanche, abandonnée au milieu de nulle part, posée sur l’infini du paysage. 

Je retrouve enfin le sentier officiel… mais m’y perds une fois de plus. 

Alors, je fais comme les chèvres et coupe à travers cactus et rochers pour redescendre tout droit, défiant les sentiers tracés d’un pas libre et instinctif. Puisque j’imite ces agiles bestioles, je m’accorde le luxe d’une pause et cueille une figue de Barbarie, tentation sucrée au milieu de ce paysage aride.

Avec une patience méticuleuse, j’ôte les redoutables épines, ces traîtresses invisibles qui s’accrochent à la peau au moindre faux mouvement. Une fois le fruit libéré de son armure, sa chair rouge et juteuse apparaît enfin. Mais au moment de retirer le dernier lambeau de peau, il m’échappe des doigts, rebondit sur un caillou et finit sa course dans la poussière.

Maudite marde ! 
Avec un soupir résigné, j’abandonne mon festin aux créatures du désert et reprends mon chemin, laissant derrière moi ce petit sacrifice aux lois impitoyables de la gravité.

Ding
Mon téléphone m’informe que je dois prendre tout droit. Diablerie cet engin est possédé ! 
Mais non. André, qui m’observe de loin depuis un bon moment, a repèré le bon chemin et me guide depuis l’autre côté du vallon. 

Finalement, après une heure de balade, nous retrouvons l’intérieur surchauffé de notre voiture et reprenons la route vers la maison. 

Dans notre dos, le soleil entame sa lente descente derrière les montagnes, projetant ses derniers éclats sur l’horizon. Les nuages, en complices capricieux, filtrent sa lumière et l’étirent en reflets dorés et ombres mouvantes. Ici, un rai de soleil transperce l’épaisse couche grise et illumine un village d’une lueur presque irréelle ; là, une ombre fugace balaie le désert, accentuant les contrastes saisissants de ce paysage en perpétuelle transformation.

Subjugués, nous faisons halte à un belvédère pour savourer l’instant, suspendus entre lumière et obscurité. Mais le vent, vif et impitoyable, nous fouette sans relâche, s’engouffrant dans nos vêtements et nous glaçant jusqu’aux os. Trop froid pour nous attarder. Dans un élan précipité, nous galopons vers la carcasse métallique de notre char, cherchant refuge derrière ses parois grinçantes, loin des bourrasques implacables.

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Mercredi 29 janvier – En route vers la Lajita en passant par Pozo Negro et Morro Jable 

Une journée placée sous le signe de la paresse. 

Nous quittons Puerto del Rosario en direction du grand sud, sans programme précis, simplement portés par l’envie d’explorer. Quelques arrêts ponctuent notre route. 

Première halte : une fameuse piscine naturelle aux eaux turquoise… qui, ce matin, ne l’est pas du tout. Le soleil, encore trop bas, frappe à contre-jour, privant l’eau de son éclat habituel. Tant pis, l’endroit reste agréable. 

Nous poursuivons jusqu’aux salines de Carmen, mais l’entrée du musée est fixée à 6 euros, un tarif qui ne nous emballe pas franchement. Nous passons donc notre chemin. 

Un peu plus loin, nous faisons un arrêt au Poblado de la Atalayita, un site archéologique niché dans la vallée de Pozo Negro.

Il s’agit de l’un des rares vestiges laissés par les Mahos, les premiers habitants indigènes de Fuerteventura, qui peuplaient l’île avant la conquête castillane au XVe siècle. 
Ce peuple berbère, vraisemblablement originaire d’Afrique du Nord, vivait principalement de l’élevage et de la cueillette, s’adaptant aux conditions arides de l’île. 

Sur place, on découvre un ensemble d’une centaine de constructions en pierre sèche, utilisées autrefois comme habitations, abris pour le bétail ou zones de stockage. Leur disposition, en cercles ou en formes semi-circulaires, rappelle l’architecture rudimentaire des premiers peuples de l’archipel. Certains chercheurs supposent également que le site pouvait avoir une fonction rituelle ou défensive. 

Mais au-delà de son intérêt historique, l’endroit manque un peu d’attrait touristique. Sans panneaux explicatifs détaillés ni mise en valeur particulière, on se retrouve face à ce qui ressemble surtout à un amas de pierres dispersées dans un paysage aride. 

Cela dit, l’arrêt reste sympa pour se dégourdir les jambes sur la route de Pozo Negro et imaginer, le temps d’un instant, la vie des premiers habitants de l’île. L’endroit dégage une atmosphère particulière, témoin silencieux des premiers habitants de l’île. 

Pozo Negro
est un minuscule village dont les petites maisons blanches aux volets bleus bordent une crique tranquille. Ses deux restaurants sont réputés pour leurs poissons ultra-frais, mais nous sommes un peu trop en avance sur l’heure du déjeuner. 

Dommage, l’endroit a un charme fou avec ses maisons basses et son ambiance hors du temps. Sur la grève, des pédalos en forme de cygnes sont échoués, attendant des baigneurs qui ne viendront peut-être jamais. La scène est plus incongrue que bucolique, un détail presque absurde dans ce décor aride. 

Nous reprenons la route et avalons les derniers kilomètres à toute berzingue sur la FV2, filant devant une ribambelle de gros hôtels aussi hideux qu’envahissants, derniers remparts avant Morro Jable. 

La traversée de la partie sud de la péninsule de Jandìa nous fait changer de planète, cette île est surprenante ! 

L’arrivée dans la station balnéaire est un choc. 
Morro Jable, c’est d’abord une interminable avenue bordée de restaurants, bars, boutiques, hôtels, Irish Pubs, encore des bars et toujours plus de boutiques. L’immense plage de sable blanc qui s’étire en contrebas explique sans doute ce déferlement touristique. 

Mais en continuant un peu, on retrouve l’âme du village de pêcheurs. 
Ici, quelques cafétérias sans chichis attirent plus de locaux que de Teutons, et les prix, bien plus raisonnables, nous rappellent que nous sommes toujours à Fuerteventura. 

Au pied de la Vierge de la Parroquia de Nuestra Señora del Carmen, la vue depuis le Mirador de Morro Jable est tout simplement spectaculaire. 

L'étendue infinie de l'océan Atlantique se mêle au ciel bleu clair, créant une ligne d'horizon presque irréelle. Les vagues lascives viennent se briser doucement sur le sable doré de la plage, tandis qu’au loin, le phare veille. 

Le contraste entre le bleu de la mer, le vert des palmiers et le sable fin donne à la vue une sensation de sérénité absolue, invitant à la contemplation et à la tranquillité. 

J'en profite pour me rendre au club de plongée FuerteOcean Dive Center, où l'accueil est fort sympathique, et réserve une plongée pour le lendemain matin. 

En fin d’après-midi, nous regagnons La Lajita, notre refuge pour les derniers jours. L'appartement que nous y avons trouvé est tout neuf et d'un confort rarement égalé.

À tout juste 30 minutes de route, ce petit havre de paix contraste avec l’agitation de Morro Jable. 

Ici, pas de grandes plages envahies de vacanciers, mais un littoral plus sauvage. La plage, principalement recouverte de cailloux, n’est guère propice à la baignade, et offre une tranquillité rare, loin de l’agitation touristique. 


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Jeudi 30 janvier – Une belle plongée à Morro Jable, un phare dans le désert et une maison nazie trop mystérieuuuuuse !


Ohhh, mais quelle belle journée ! 

Départ à 8h20 pour être à 9h00 à Morro Jable et honorer le rendez-vous pris hier avec Elena au club de plongée FuerteOcean Dive Center

Antonio et Elena m’accueillent avec le sourire. 
Nous allons ensuite ramasser le matériel. Ciel, la combinaison ne fait que 5 mm d’épaisseur ! 

Moi qui me suis pelé tout le corps dans une 7 mm il y a quelques jours, j’appréhende un peu. Mais Elena me met en confiance et comme tous les autres me rappelle que je suis Canadien et que je suis supposé supporter le froid en toute circonstance... 

Au pire, rajoute-elle avec un beau sourire, tu frissonneras pendant quelques heures… 

Le matériel est disposé sur un petit chariot électrique, puis nous chargeons le camion pour aller sur le site. 

Hier, j’étais persuadé que nous allions trimballer tout notre stock en marchant du club jusqu’à la plage. Je suis soulagé. 

Direction le Phare de Morro Jable à un peu plus de 2 kilomètres de là. Elena gare le camion au pied du phare, où nous déchargeons le matériel. Elle me demande de l’attendre le temps qu’elle trouve une place de parking le long de la route, puis nous pouvons commencer à nous équiper après un briefing de sécurité ultra complet. Cette fille est vraiment à son affaire ! 

Le vent souffle à en faire décoller le phare s’il n’était pas correctement ancré au sol, le sable nous fouette les mollets, les vêtements se transformeraient en cerfs-volants si nous ne nous accrochions pas. 

Garder son équilibre dans ces bourrasques est un défi, et enfiler une combinaison un art circassien. Enfin, équipés de pied en cap, nous posons nos bouteilles d’air sur le dos et marchons en direction du rivage, où la mise à l’eau se fait assez facilement. Le vent venant des terres n’a pas encore réussi à transformer le littoral en zone dangereusement tempétueuse. 

Crédit photo : SERGIO HANQUETLOOK
À peine la tête sous l’eau et quelques coups de palme plus loin, nous voyons un requin-ange posé dans le sable. Malgré un nombre incalculable de plongées accumulées depuis ce fameux printemps 1990 où j’ai respiré pour la première fois sous l’eau, je n’avais jamais vu un tel requin. Trop occupé à mes derniers réglages et à contempler la bestiole, je n’ai pas pensé à en prendre une photo. Merci, Internet… 

Même si l’espèce est relativement commune aux Canaries, sa population mondiale a chuté de 80 % en moins de 50 ans. Elle figure bien malgré elle sur la funeste liste rouge des espèces en danger critique d’extinction, notamment en raison de la pêche intensive. Comme cet animal reste collé au sol pour s’y fondre en attendant son repas, il est victime des chaluts qui traînent dans les fonds marins et ramassent tout ce qui s’y trouve. 

Le site où m’emmène Elena s’appelle Big Reef et surgit comme une oasis rocheuse au milieu du désert sous-marin de sable blanc. 

Ici se rassemblent moult sortes de poissons : mérous, poissons-trompettes, barracudas, murènes, petites anguilles jardinières et tout un tas d’autres bestioles peu effrayées par notre présence maladroite. 

Nous profitons de ces instants d’apesanteur, constatons avec plaisir que nous ne respirons pas trop fort et que nous avons le temps de profiter des conditions agréables. 
Le vent puissant là-haut n’a pas encore troublé l’eau, la visibilité est bonne, l’eau juste assez fraîche pour nous tenir en éveil, et le courant est très faible. 

Enfin, après 61 minutes, nous remontons sur la plage, un peu fatigués, mais avec un grand sourire. 

Si la plongée était vraiment chouette, ma plus belle rencontre, c’est bien sûr Elena, ma guide sous-marine, une perle de gentillesse qui a fait promettre à André qu’il devrait faire son baptême avec elle. Un jour… 

Après un repas en terrasse au bord de la mer, nous prenons la route plein ouest en direction du Phare de la pointe de Jandìa

À peine avons-nous quitté le village que la route se transforme en piste de poussière aux cailloux bondissants. J’ai l’impression de participer à un rallye automobile et double, avec la plus grande prudence, les chauffeurs figés par la crainte de voir une de leurs roues se désolidariser de la carcasse brinquebalante. 

Dans le rétroviseur, nous distinguons l’immense panache de poussière que nous laissons au souvenir du vent. Quelques chevaux, un échange de flèches et de revolver et nous sommes en plein western ! 

Le phare dresse ses 33 mètres tout au bout du sud-ouest de la grande île. 
Construit en 1864, c’est l’un des plus anciens phares de l’archipel. Les vagues prennent les terres d’assaut. Le vent arrache un peu plus de sol à chaque seconde ; ici, l’érosion se voit à l’œil nu et en direct. 

Nous poursuivons notre rallye en espérant de tout cœur que nos roues et nos vieux pneus tiendront le coup. Le secret, avec une bonne voiture, est de rouler assez vite pour éviter de se faire secouer lorsque la tôle ondulée remplace la terre à peu près plane. 
Si seulement nous avions une bonne voiture...

Nous grimpons vers les falaises. La route serpente entre mur et vide. 
Tout en bas, les embruns océaniques troublent l’air et le rendent palpable. Enfin, c’est surtout sur les lunettes que ça se voit : une fine couche de sel se pose et floute un peu le paysage.

Du haut du Mirador de Cofete, nous avons une vue incroyable sur cette côte résolument tournée vers les tempêtes et la furie océanique. Aucune plante à l’horizon, ici tout est sec et salé. 

Quand même, çà et là, un pauvre buisson aux branches sèches tente de survivre en attendant la prochaine pluie. Nous poursuivons jusqu’au village de Cofete. En fait de village, il y a moins d’une dizaine de bâtisses relativement en mauvais état où des gens semblent vivre. De quoi ? Quelques chèvres, un petit restaurant, c’est tout. 

Nous bifurquons à gauche et descendons sur la plage de Cofete, qui s’étend sur presque 14 kilomètres de sable blond. Ici, l’océan termine sa longue course dans un bouillonnement d’écume qui roule sur le sable en direction des montagnes. 

En quelques secondes, le vent met fin à leur espoir terrestre et fait voler les dernières mousses marines dans les cieux. La baignade est tentante, mais le vent est quand même très frais, tout autant que l’onde qui lèche nos pieds. 

Alors nous remontons dans notre voiture et partons en direction de la seule habitation solidement construite de tout ce coin de pays : la Casa Winter

  • L'anecdote historique
Construite en 1946 par l’ingénieur allemand Gustav Winter, la villa est entourée de mystères et de légendes. 
Gustav-Oskar Winter Klingele, né le 10 mai 1893 à Zastler, une petite ville près de la ville de Fribourg.
Il travaille en Espagne à partir de 1915 et a été impliqué dans divers projets à Fuerteventura et Gran Canaria. 
En 1941, il s'installe avec sa femme à Fuerteventura et ordonne que la péninsule de Jandía soit clôturée et surveillée par un garde armé.

Il entreprend immédiatement l'agrandissement de la maison de Cofete, tout en imposant des conditions de travail difficiles aux habitants qui s'occupaient de l'agriculture et de l'élevage. De plus, tous les ouvriers devaient quitter les lieux avant le coucher du soleil.

Curieusement, il n'a jamais habité dans la villa et s'est installé à Morro Jable, où il a fondé une seconde famille avec Elisabeth. Il s'est consacré à l'entrepreneuriat, d'abord dans le secteur agricole, puis dans le tourisme.
La villa présente une architecture particulière, avec deux étages, un sous-sol, une tour offrant une vue panoramique à 360 degrés et un balcon à l’avant. Son agencement inclut des murs épais, des portes murées, des tunnels et même un bunker, ce qui a alimenté diverses spéculations sur son utilisation. 

Certaines légendes suggèrent que la Casa Winter servait de base pour les sous-marins nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, mais la faible profondeur des eaux rend cette hypothèse invraisemblable. D’autres récits évoquent des fêtes organisées par des officiers allemands ou l’utilisation de la villa comme refuge pour des dignitaires nazis après la guerre. 

Cependant, ces histoires relèvent davantage de la spéculation que de faits avérés. Des chambres secrètes, un four crématoire et des installations électriques sophistiquées ont alimenté les théories sur son utilisation. 
Certains pensent que la tour servait de poste de guet pour communiquer avec les sous-marins. Des visites guidées officieuses sont proposées pour explorer la villa, mais les avis sont pour le moins partagés. 

En fait, la route est vraiment chaotique et le trajet passablement pénible si l’on vient juste pour ça. 

Sur la route du retour, je dois redoubler de prudence et d’agilité afin de doubler les quelques voitures qui traînent sur le chemin. Je comprends la prudence, mais j’ai vraiment envie d’arriver à la fin de ce parcours avant que le soleil ne quitte nos latitudes. 

Le long du désert de Jandia, je sens la voiture tanguer d’un bord à l’autre de la route. 
Je pense d’abord que c’est la tempête qui veut nous emporter, mais en m’arrêtant à une station-service, je me rends bien compte que mes pneus sont largement sous-gonflés. 

Quelques bars plus tard, nous reprenons la route et la voiture bouge un peu moins. 

À Montréal, c’est la neige qui recouvre le paysage, ici, le sable s’insinue partout et glisse sur la route comme de la poudrerie chaude. 

Les violentes bourrasques emportent des tonnes de sable à travers la route pour retomber sur les complexes hôteliers. 

Heureusement, La Lajita est juste après le désert et nous sommes à l’abri de toute cette poussière qui a envahi l’espace. Une belle journée, je vous disais.


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Samedi 31 janvier – De Sicasumbre à Pozo Negro : entre vents déchaînés, mer en furie et tartinades d’aloe vera


Et voilà, dernier jour de notre séjour sur la deuxième plus grande île des Canaries. 

Une journée placée sous le signe d’un vent dément qui a soufflé sans relâche. Même les goélands volaient à reculons ! 


Pour bien profiter de la colère d’Éole, nous grimpons au sommet du mirador astronomique de Sicasumbre, perché à 300 mètres au-dessus des vagues. 

C’est un lieu idéal pour observer les étoiles, mais laisse-moi te dire que ce n’est pas cette nuit qu’on va y planter nos télescopes !

Le vent y est dingue, les cailloux s’envolent, et la dame qui tentait l’escalade en gougounes et robe fourreau n’est pas allée bien loin. Quelle dinde, celle-là ! 

Je réussis à maintenir quelques minutes mon trépied pour tenter d’immortaliser la course des nuages. Une dernière bourrasque, plus sournoise que les autres, finit par renverser le pied et l’appareil photo, qui tombe heureusement du bon côté.

Juste un peu de poussière, mon cœur peut se calmer et nous pouvons continuer à profiter d'une vue incroyable sur le paysage de premier matin du monde tout autour de nous.


Dans le joli petit village de
Pájara, joyeusement arboré, nous croisons une grenouille de bénitier dans l’église de Nuestra Señora de Regla, qui date du XVIIe siècle. L’église, pas la vieille dame. 

Détails du fronton de l'église de Nuestra Señora de Regla
L'élément le plus remarquable de cette église est sa façade principale en pierre, ornée de motifs sculptés tels que des figures géométriques, des serpents, des soleils, des lunes, des têtes humaines avec des coiffes, des oiseaux et des lions. 

Cette décoration a suscité diverses interprétations : certains y voient une influence aztèque, tandis que d'autres la rattachent à l'iconographie de Cesare Ripa (iconographe et érudit italien, 1555-1622). 

Sur la place du village trône un immense sapin, vestige des fêtes passées. Je comprends qu’il soit encore en place : ce sapin est entièrement fait de tricots multicolores. 

En passant à l’intérieur, on se sent presque douillettement enveloppé par cette immense couverture joyeuse. 

Solidement requinqués par un flot de caféine, nous reprenons la route et nous dirigeons vers Pozo Negro, où cette fois-ci nous sommes bien décidés à profiter d’une table avec vue sur mer. Sur la route, nous croisons la Finca Canarias Aloe Vera Gran Tarajal

Sur ce grand terrain désertique poussent avec détermination plus de 6 000 plants d’aloe vera, cette succulente que l’on trouve un peu partout sur les îles. 

Cette plante aux hypothétiques mille vertus adore le climat sec et chaud et stocke l’eau dont elle a besoin dans ses feuilles sous forme de pulpe gélatineuse. 

Elle est largement mise en avant dans tous les petits pots à la taille inversement proportionnelle à leur prix, mais ses usages cosmétiques et dermatologiques sont vastes : traitement des brûlures, dont le célèbre et inimitable coup de soleil, cicatrisation par la diminution de l’inflammation et l’accélération de la régénération, lutte contre le vieillissement cutané, etc. 

Malheureusement, pour l’instant, les études médicales et pharmacologiques n’ont pas réussi à démontrer hors de tout doute la réelle efficacité du gel d’aloe par rapport à un placebo.

Les études menées jusqu’à ce jour et vantant ce produit miraculeux sont toutes sujettes à discussion. 

Par contre, on ne peut mettre en doute que le gel est composé à 99 % d’eau et hydrate l’épiderme. Bon, c’est déjà ça... 

Alors on attrape les pots en démonstration et on s’en tartine joyeusement les bras, le visage, et tout ce qui semble un tant soit peu desséché. 
Par contre, en ingérant ce suc, l’aloïne aux propriétés laxatives va rapidement régler vos problèmes de constipation. Ça, c’est prouvé ! 

En plus de leurs plants d’aloe, la finca (domaine) possède 650 oliviers cultivés en méthode biologique, dont on tire une huile délicieuse. Par contre, il faut sortir ses bidoux ! 

Nous arrivons au petit village de Pozo Negro, où les vagues, toutes crinquées par le vent violent, décourageraient le baigneur le plus aventureux d’aller tremper un orteil dans l’océan en furie. 

Heureusement, nous arrivons à la bonne heure pour profiter d'un poisson frais. La petite terrasse du Los Pescaderos est encore bien vide à cette heure presque matinale pour un Espagnol.
Le choix est succinct, mais de toute façon, nous sommes venus pour quelque chose qui sort de la mer. 

Rassasiés, nous reprenons la route et faisons une halte chez VerdeAurora, une ferme bio d’aloe vera qui propose aussi des hébergements dans un cadre rustico-chic. 

Nous visitons la boutique et reprenons notre session intensive d’hydratation, mais aussi de grosses gratouilles entre les longues et douces oreilles d’ânes en quête d’amour. 

Après avoir retraversé le sud de l’île en direction du nord, nous faisons une halte à La Pared, petit bled qui tourne autour de son village vacances, relativement tranquille en cette saison.

Du haut de la falaise, nous admirons avec un peu d’angoisse l’océan que rien ne semble vouloir calmer. Le magnifique bleu profond est devenu blanc. Les vagues avancent à reculons, l’air est saturé de sel, et nous prenons le bateau demain matin pour traverser ce champ de mines… 

Le vent ne faiblit pas un seul instant, la voiture tangue, et la poudrerie sableuse venue du grand désert de Jandía recouvre la voie rapide sous sa fine couche mouvante. 

Dernier tour sur le front de mer de Morro Jable où les boutiques s’alignent comme des militaires à la parade. Rien qui ne mérite notre intérêt, mais la plage de l’autre côté est toujours aussi splendide. 

Avant de regagner notre nid douillet, la tête pleine d'air et de sel, nous admirons quelques sculptures faites d’objets recyclés. Ici, une tortue accompagnée de ses bébés – chose totalement improbable –, là, deux raies en pleine course, et pour finir, une forme humaine au corps creux ou plein suivant l’angle du regard.




Voilà qui clot officiellement notre séjour à Fuerteventura. Demain nous changeons d'île, mais en attendant :
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