Andalousie 2024 - Cordoue - 2/3

Mardi 12 mars – Cordoue - Alcazar, Palacio de Viana et Torre de la Mezquita

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Cette journée commence sous un ciel sans l'ombre d'un seul nuage. 
Plus bleu que le bleu de tes yeux s'ils étaient bleus... 

Nous nous extirpons de l'enceinte historique pour avaler un croissant et un "napolitana de chocolate" pour un prix dérisoire avec le vrai peuple. 

Notre généreux petit-déj' avalé nous attaquons la visite de l'Alcazar des rois chrétiens - Alcázar de los Reyes Cristianos -, et pour votre culture personnelle, ce nom vient de l'arabe : alqasr, « palais ». 

(4,91 euros ou 5,81 avec les bains arabes)

À cette heure matinale où les touristes sont encore en train de tremper leur toast dans un bol d’américano, le site est vide de populace. 
Les ruines sont à nous, nous sommes - provisoirement - les rois chrétiens du palais, et gravissons en maîtres les escaliers des remparts.

Bâti sur des vestiges romains et wisigoths, le palais impose par sa puissance endormie.
Celui que nous voyons en ce beau jour ensoleillé a été bâti en 1328, mais son histoire est bien plus longue. 

Les Romains avaient débuté les travaux en en faisant une forteresse défensive sur les rives du fleuve. À partir de la prise de la ville en 717, les musulmans prennent possession de l’ancien palais wisigoth, l’agrandissent et finissent par l’intégrer à la grande forteresse de défense de la ville. 

En 1236, année de la reconquête de Cordoue, les chrétiens en font une résidence royale, qui deviendra le siège du joyeux Tribunal du Saint-Office de l'Inquisition dans les années 1480. On en fit une prison de 1822 à 1931, puis une réserve militaire. 

Plusieurs pièces se succèdent, il y a ci et là de magnifiques objets, mais nous sommes loin de la magnificence de son grand frère sévillan. Sur les murs de l’ancienne chapelle de l’Inquisition – devenue Salle des Mosaïques -, quelques mosaïques de l'époque romaine retrouvées dans les sous-sols de la ville décorent les façades. 

Polyphème et Galatée
content fleurette en tout petits cailloux, mais leur histoire est bien plus sombre que l’image qu’ils veulent bien nous donner. 

Si comme moi, vous avez lu l’Odyssée et avez eu un semblant de culture latine et grecque à l’école, vous avez certainement entendu parler du cyclope qui tente de croquer Ulysse et ses potes. 
C’est l’épisode où le brillant Ulysse dit se nommer ‘’Personne’’ pour mêler encore plus Polyphème qu’il a saoulé et dont il a crevé l’œil lors de sa nuit d’ivresse. Il finira par lui révéler sa véritable identité en lui criant, crâneur, bien à l’abri du large qu’il vient de gagner : Je suis le fils de Laërte, l'homme d'Ithaque, Ulysse. 

Revenons aux moutons d'Acis :
Au début de l’histoire, Acis, jeune berger sicilien, fils du dieu Pan et de la nymphe Symaethis, est fou d’amour pour Galatée, une nymphe marine (Néréide), fille de Nérée et de Doris.
Doris n’est pas juste ce joli petit poisson souffrant de TDA, mais surtout une Océanide, maman des 50 Néréides dont Galatée.
Nérée surnommé avec affection ''le Vieillard de la Mer'', est le papa de toutes ces sémillantes jeunes filles turbulentes et de leur unique fiston : Néritès qui ne fit pas grand vagues dans le monde mythologique grec.
Donc Acis et Galatée sont in love, mais c’est sans compter sur le disgracieux cyclope Polyphème. Lui aussi est amoureux de Galatée, mais  vraiment trop vilain pour prétendre à passer devant l’élégant Acis.
Très jaloux, manquant de diplomatie mais pas d’initiative, il décide de se débarrasser de son concurrent en l’écrapoutissant sous une roche de l’Etna.
Galatée, en voyant tout ce sang et, au lieu de perdre son calme, mais tout de même inconsolable, demande aux dieux de transformer ces traînées sanguinolentes en fleuve. Fleuve qui se jette dans la mer dont elle est issue, et ainsi y retrouvera son amant pour toujours.

Ce que je vois devant moi, c’est une Galatée, ingénue, en train de jouer avec ses cheveux, un tissu lui couvrant à peine le Bonheur, en face du gros Polyphème qui se cache la didine avec une peau de léopard... 
Ça sent bizarre leur histoire à ces deux là. 

Grandes salles de réception, larges fenêtres aux stores en sisal, vue plongeante sur le patio aux orangers en fleurs autour d’un bassin aux reflets bleus. Les tours sont reliées entre elles par des passages crénelés sur les remparts.

Nous grimpons au sommet de la tour qui eut son heure de gloire puisque c’est d’ici qu’on précipitait, suspendus à une corde attachée autour du cou, les condamnés à mort par l’Inquisition. 

Aujourd’hui, l'ambiance est beaucoup plus sereine et on peut y admirer l’étendue des jardins, ponctués de bassins, fontaines et trilles d’oiseaux joyeux. 

Nous foulons le plancher des chèvres et traversons les jardins hauts pour accéder aux jardins bas et à ses plans d'eau. 

Petites fontaines, arums et calendulas en fleur, jets d'eau au son cristallin, reflets dorés, vert tendre des pousses printanières, cyprès et ifs taillés au cordeau, tout ici mène au calme et à la méditation. 

Au centre du parc, trois grandes statues représentent les Rois Catholiques Ferdinand II d’Aragon et son épouse Isabelle Ière de Castille, faisant face à Cristóbal Colón de Gênes. 

Celui-ci a passé une partie de sa vie à Cordoue et expose, en janvier 1486 au couple royal son projet de voyage. 
Le roi, plus occupé par sa guerre contre les Nazaris et la prise de la ville de Grenade, dernier bastion du royaume maure de la péninsule, ne prête pas une oreille très attentive aux élucubrations du Génois. 

Mais la reine, n’ayant pas les problèmes guerriers de son mari, fait confiance au marin et soumet ses plans à une commission d’experts. 

Grenade est prise en janvier 1492 et Colomb reçoit l’aval de la commission pour larguer les amarres en août de la même année. M’est avis que le moral au beau fixe côté chrétien, a certainement facilité la prise de décision. 

Ensuite, navigation au hasard des alizées, découvertes des îles des Caraïbes et des faux indiens, retour au pays, tonton Crisobal est proclamé pas moins qu’Amiral de la mer Océane, gouverneur et vice-roi des IndesLa grande Histoire et tous les drames qui vont en découler sont en route. 

Une histoire plus paisible en ce mardi 12 mars où le doux parfum des orangers en fleur enivre et emplit chaque brise de ses effluves. Nous passons un peu plus d'une heure dans le parc avant de repartir sur le sentier des découvertes. 

En quittant l’enceinte fortifiée, nous croisons un petit kiosque de vente pour un spectacle équestre aux célèbres Caballerizas Reales de Córdoba, les écuries royales de Cordoue. 
Le spectacle a lieu demain soir et nous serons présents. 

La visite des bains califaux est incluse dans le prix du billet, mais il faut un très gros effort d'imagination pour se plonger dans l'opulence de ces hammams royaux. Les ouvertures au plafond laissent passer la lumière qui joue avec les ombres souterraines. Dans la pénombre des hammams, ces jolies lucarnes devaient y faire danser les volutes de vapeur et jouer avec l’immatérialité de ce liquide en suspension. 

Ces bains faisaient partie intégrante de l’Alcazar de l’époque califale qui était nettement plus étendue que ce que nous voyons aujourd’hui. De hautes murailles encerclaient une vaste superficie qui ont depuis étaient détruites à force de se taper dessus. 

Nos pas se perdent dans les ruelles et le hasard les attire vers des patios dont la visite est gratuite. Pour une fois qu'il y a une activité gratos, on ne va pas s'en priver.
Jeux des lumières entre les colonnes, pots de fleurs, palmier, marbres et briques, arabesques et art chrétien, du bonbon pour la rétine. 

Cordoue est réputée pour ses patios et un festival est organisé chaque année en mai afin d’en visiter une cinquantaine. La fête des patios de Cordoue a été déclarée Patrimoine culturel immatériel de l'Humanité par l'UNESCO en 2012. Même en dehors de ce festival, on peut en admirer un certain nombre et éviter la foule compacte attendue en mai. 

Il est 14 heures, l’heure pour nous de passer à table. 
Traversant la très jolie Plaza del Potro qui doit son nom à, 
  • a/ À la statue dudit poulain sur la fontaine 
  • b/À une ancienne auberge qui vendait des poulains 
  • c/On ne sait pas, 
nous arrivons sur l'imposante plaza de la Corredera

Dans son état actuel, la grande place date de 1683, mais le lieu est utilisé depuis l’époque romaine où un cirque y était alors construit, en témoigne un grand nombre de mosaïques découvert lors de fouilles. 

Le lieu sert à tour de rôle, et en fonction des époques, de lieu de fête, de marché, de corridas (d’où son nom), de prison dans les caves et évidemment au rayonnement des activités hautement festives de l’Inquisition qui y organise diverses réjouissances, dont les célèbres autodafés où des hérétiques finissent en cendres dispersées par le vent, ou sont diversement torturés devant un public en manque d’émotions fortes. 

Beaucoup plus sereine aujourd'hui, elle est une place animée entourée de magnifiques bâtisses, de commerces, de restaurants et de bars. Nous y dégusterons un très réussi salmorejo, une soupe froide de tomate garnie d’œuf dur et de jambon et de berenjenas fritas, des lanières d’aubergines frites généreusement recouvertes de fromage de chèvre et de miel. Un pur délice ! 


Le Palacio de Viana est notre prochaine étape.

Le palais des marquis de Viana a été bâti au 14e siècle et au lieu de prendre des rides, il n’a fait que s’embellir au fil du temps. 

En 1425, le premier propriétaire, le seigneur Ruy Fernandez achète un groupe de maisons médiévales. En 1492 - il s’en est donc bien passé des événements cette année là ! -, le señor Suarez de Figueroa devient l’officiel premier propriétaire du palais et achète lui aussi des maisons voisines pour agrandir son domaine. 

Et ainsi de suite jusque dans les années 1767 et les dernières acquisitions immobilières qui donnent aujourd’hui cet ensemble magnifique. 

Après nous être acquittés du droit d'entrée de 12 euros, nous franchissons les murs austères et quittons ce monde pour profiter des 12 patios, du jardin et des salles richement décorées. 

Loin d’être un musée figée sous sa poussière, le palais semble vivre comme si nous n’étions que de passage, des invités de la famille qui s’est momentanément absentée et nous a laissé les clés de son immense maison. 

Dans les salles, des objets du quotidien, l’affichage de la puissance de la famille avec des mosaïques romaines du 4e siècle au sol, des peintures, des tapisseries, du mobilier, tout ici reflète la richesse sans l’ostentation. 

Nous pouvons, flâner à notre guise dans les jardins, passer dans les différentes salles, admirer les bassins, les fontaines, les aménagements fleuris, les façades à colonnades, les sols aux figures géométriques, et encore l’incontournable cour des orangers. 

De patios intimes en cour de réception, de petites alcôves aux murs recouverts de pots de fleurs, déambuler dans cet endroit tout en profitant de l’absence de touristes, est un enchantement. 

C'est l'antichambre du Paradis cette cabane ! 
Je demande à l'accueil si une adoption est possible, mais mon espagnol ne semble pas être à la hauteur de mes attentes. 

Las, nous quittons cet endroit idyllique pour une visite de l'église de San Andres
Ami anticlérical, ce pays n'est pas pour toi... 

Dorures, Jésus en souffrance ou en bébé, portiques en bois qui semblent peser des tonnes et que des costauds vont trimballer pendant les processions de la semaine sainte. 
La visite de cette église est accessible uniquement pour les locaux ou les touristes ayant une billet de la Mezquita, les autres passez votre chemin. 

À 18h30, nous grimpons au sommet de la tour de la Mezquita
Nous avions pris la précaution d'acheter le billet le matin sur place, car les places sont limitées en raison de l'étroitesse des lieux. 

L’ancien minaret originel du Xe siècle a été recouvert par ce clocher au 17e siècle. 
Loin de vouloir éradiquer toute traces du précédent occupant, les Chrétiens bâtissent autour et par-dessus. Sans doute aussi par souci d’économie puisque la structure est déjà là, autant en profiter. On retrouve ainsi les différentes architectures joyeusement mélangées. 

Le guide demande à tout le monde de ne pas taper sur les cloches et j'ai la nette impression qu'il vise particulièrement André dont l'irrésistible passion pour les percussions en tout genre semble avoir franchie les continents.

Du haut des 53 mètres, la vue sur la ville, la Mezquita et la campagne environnante est superbe. 

Je ne cesse de surveiller André qui après avoir failli nous faire définitivement expulser de tous les temples bouddhistes de Thaïlande est toujours très attiré par tout ce qui sonne, tintinnabule, résonne ou tambourine. J’essaie donc de le tenir éloigné de ce qui peut ressembler de près ou de loin à un gong, une cloche ou n’importe quel instrument à percussion. 

Le soleil, en fin de shift, darde ses derniers rayons sur ce monde perdu et je profite de cette heure dorée pour immortaliser ces secondes trop fugaces. 

Nous clôturons cette journée devant une assiette de jambon (évidemment) et une Campero, une paella divine avec du lapin et des champignons.

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CLIC - CLAC, merci Cricri !

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