Portugal 2023 - Lisbonne 1/2

Mercredi 22 mars – Sintra par monts, par vaux (et encore par monts et vaux)


Ah que la nuit a été douce ! 
Au fin fond de cette campagne fraîche et calme, dans cette maison ancestrale nous avons voyagé hors du temps.

Ayant encore omis de réserver le petit-déjeuner, nous trouvons un petit café dans le hall de la gare où les croissants sont absolument délicieux.

Au programme, visite du Palais Pena, ses jardins, contourner le château des Maures, et finir avec le Quinta da Regaleira et son puits mystérieux. 
Et bien sûr finir avec une incontournable visite chez Piriquita avant de rentrer à Lisbonne.

Sintra n’est qu’à 25 kilomètres de Lisbonne, mais on est dans un autre monde. L’UNESCO ne s’y est pas trompée en classant la ville au patrimoine de l’humanité en 1995.

Il y a un peu plus longtemps, les Romains occupaient les lieux aux alentours du IIe siècle avant J.-C. Les Maures conquièrent la péninsule en 711 et la ville est intégrée au califat de Cordoue.
Ils y bâtissent l’imposante forteresse chargée de surveiller et protéger la côte des raids Viking.

Ledit château des Maures, le palais national et la ville elle-même datent de l’époque mauresque. En 1147, Sintra et Lisbonne sont récupérés par le roi Alphonse 1er et la région va devenir un lieu de villégiature pour les aristocrates et la cour.

Dans les années 1800, on y bâtit tout un tas de bâtisses romantiques où les genres se mélangent allègrement. Art nouveau, gothique, renaissance, maure, il y en a pour tous les goûts.

Nous eûmes aimé passer plus de temps à Sintra, visiter sans galoper, aller à Cascais, prendre le temps et … celui-ci passe trop vite, ce n’est que partie remise.

Un croissant et une brioche engloutis, nous effrayons un chauffeur de taxi moins réveillé que nous qui, pour 9 euros, nous dépose devant l'entrée du
Parque e Palácio Nacional da Pena où les autobus n'ont pas encore déversé leurs cargaisons.

Un chauffeur de tuktuk nous demande 10 euros par personne pour un aller simple et le ticket de bus est à 12 euros. Cependant, ce ticket est valable 24h pour tous les transports en commun de Sintra.

La file d'attente est encore inexistante et après nous être acquittés de la somme de 14 euros chacun, pour la visite du palais et de son jardin, nous pouvons enfin fouler les pavés des allées. On peut aussi opter pour la visite unique du jardin (moitié prix), mais franchement, tant qu’à être là, autant en profiter.

Le parc de 200 hectares est impossible à parcourir au complet, mais fort de plus 10 jours de marche à travers les villes et villages, nous ne prenons pas le temps de nous échauffer avant de grimper vers le sommet de la cime où trône le château.

Jardin extraordinaire aux arbres séculaires, frondaisons des séquoias titillant les nuages, fougères arborescentes aux ombres salvatrices, araucarias aux épines agressives, petites fleurs délicates dans les parterres de verdure, ce jardin est un rêve où nous passerions la journée.

De chemins moussus en sentes secrètes, de petits passages en escaliers nous découvrons des jardins de camélias, des magnolias aux fleurs majestueuses, des cascades glougloutantes, des lacs, des étangs où des oies, des cygnes et des canards s’ébrouent. 

D’inspirations romaines, mauresques ou chrétiennes des petits temples et des chapelles se dévoilent au sein d’une végétation luxuriante, immenses cèdres, cyprès séculaires sont tous occupés par des myriades d’oiseaux aux chants plus mélodieux les uns que les autres.

Le soleil joue entre les feuilles, les rayons éclairent des verts tendres, des émeraudes lumineux, des turquoises étincelants. Tout n'est que calme et volupté sans aucune distraction que la brise jouant avec le fragile équilibre des pétales et les pépiements de la gent ailée.

Ce parc est un petit paradis terrestre, si proche et si loin de la tumultueuse capitale, toujours au frais dans les brumes océaniques alors que la canicule écrase le reste de la région.

Ça y est, il est 10 heures 30, l’heure de notre visite débute. 
Une longue file est déjà en place et la dame devant nous prend environ 1000 photos à la minute. Son mari est blasé, sa chum de fille adoooore ses clichés so amaaaaazing et ses amis restés au pays attendent avec angoisse l'invitation à la soirée "Voyage au Portugal" qui va durer pas moins d'une semaine.

Nous qui sommes fans de voyages organisés, tours guidés, files d'attente et populace en liesse allons être servis.
Sur un plateau d'argent, château romantique oblige.

La visite est fléchée, tout le monde se suit, les gens derrière aimeraient être devant et ceux de devant aiment prendre leur temps.
Heureusement la maniaque du Kodak a disparu.
On va la retrouver...

Pas de guide pour nous expliquer les différents points d’intérêt, peu de temps pour rêvasser, nous sommes pris dans un flux continu de touristes qui ne fait qu’avancer. 
Mais qu’importe, nous profitons malgré tout de la beauté des lieux et de ce palais complètement hors normes.
Ses couleurs vives le font reconnaître de loin, ses jaunes et rouges s’illuminent aussitôt qu’un rayon de soleil le caresse.

On doit cette majestueuse construction au prince Ferdinand de Saxe-Cobourg-Gotha.

Enfin ce n’est pas lui qui manie la truelle et gâche le ciment, mais ayant racheté les ruines d’un monastère du XVe siècle en 1839, il y fait bâtir ce temple de l’exubérance.

Malheureusement le pauvre Ferdinand n’en profitera pas longtemps puisque le palais est inauguré en 1885, et que le roi nous quitte le 15 décembre de la même année.

Nous déambulons dans les salles aux styles éclectiques, imaginons sans peine la vie des têtes couronnées et de leur cour cherchant par tous les moyens à s’attirer leurs bonnes grâces.

Le panorama qui s’affiche à travers les fenêtres est somptueux. Le regard porte jusqu’à l’océan, il a de la forêt partout et là-haut les murs crénelés du château des Maures veillent à la paix des lieux.

Sculptures en bronze ou en marbre, lustres en cristal, lits à baldaquin, lourds velours, tentures brodées, cours intérieures, décors en trompe-l’œil, immense cuisine aux casseroles en bronze soigneusement polies, tout respire l’opulence et l’insouciance d’un siècle où le bon temps était réservé à une élite mondaine jalouse de ses privilèges. 

En bas, la file d’attente pour la visite est devenue interminable, je n’ose imaginer ce que ça doit être en été ou lors des vacances…

N'eût été notre ochlophobie passagère, la visite est vraiment chouette. Les salles et leurs dorures se succèdent, la vue à travers les carreaux est splendide.

Au sommet de la montagne voisine, les murailles du château des Maures font peser leur lourd passé sur un paysage totalement bucolique et romantique.

Après presque deux heures de visite, nous quittons le palais et qui croisons nous qui vient juste de finir le tour de la cour ?
Ben oui, l'acharnée des clichés ! Sa journée va être tellement longue.

Longeant la route qui redescend à Sintra, nous décidons de faire l'impasse sur la visite du Castelo dos Mouros pour aller directement au Quinta da Regaleira, un manoir néogothique aux jardins enchantés en empruntant un tout petit sentier.

Aurais-je entendu nombre de : 
t’es certain que c’est le bon chemin? On est perdu j’en suis sûr… On va mourir ici tout seul et jamais personne ne retrouvera nos corps à moitié dévorés par les bêtes sauvages. Mon mari n’a pas du tout le sens de l’exagération.

En fait, je ne suis sûr de rien, mais on ne peut pas être deux à être aussi inquiets.

Enfin, au bout d’une quarantaine de minutes de marche, nous arrivons devant les grilles du domaine 
Quinta da Regaleira.

L'imposante bâtisse est dignement posée sur 4 hectares de jardin et nombreuses sont les références à la franc-maçonnerie, aux Templiers et à l’alchimie que tout ce beau monde maniait avec effervescence afin de muter le plomb en or.

Si des écrits parlent de l’endroit dès 1697, le site acquiert ses lettres de noblesse aux alentours de 1892, et la plupart des constructions actuelles sont achevées en 1910.

L’envie de venir visiter cet endroit est venue suite à un reportage qui parlait du parc et de ses nombreuses constructions, dont le célèbre Poço iniciático, le puits initiatique. 
Le puits de 27 mètres de profondeur est une «fabrique de jardin», une construction destinée à orner un parc ou un jardin.

Son aspect de tour inversée et ses 9 paliers évoqueraient la Divine Comédie de Dante, oubedon l’ordre des Templiers, oubedon encore les rose-croix et pour finir, la franc-maçonnerie. Que chacun fasse son choix et remplisse son panier d’épicerie de mystères, le site à lui seul vaut la visite. 

Les marches humides nous emportent vers le centre de la Terre.
Au fond, recouverte d’une bonne couche d’humidité, une rose des vents en marbre est disposée sur une croix des Templiers. 

La descente est lente. Silencieuse. 

On dirait que cette plaie béante au creux de la terre impose le respect. Les gens murmurent, les photos se prennent avec discrétion. Au fur et à mesure de la progression, la fraîcheur et l'humidité nous gagnent. Mais on se sent bien dans cet abri loin des turpitudes de ce monde en décadence.
Puisse cette paisible décalade durer encore longtemps.

Mais déjà, nous arrivons face à la rose des vents sur laquelle des gouttes finissent leur course aérienne avant d'entammer leur longue migration vers l'océan.

On s’extrait de cette représentation de l’utérus source de toute vie par un dédale de galeries où s’écoule un maigre filet d’eau. 
Et puis, tant qu'à être plongé dans le mysticisme, je me demande si ce dernier petit ru n’est pas la représentation du flux originel, lorsque la planète était encore un magma incandescent peuplé de rien du tout.

De retour à la vie, l’air libre et au soleil, nous profitons encore un peu du jardin et de ses constructions avant d’aller faire la visite du palais lui-même.


Du haut des tours crénelées de petits forts disséminés dans le parc nous admirons le château des Maures alignant ses murailles au sommet de la colline aux verts éclatants. Par une autre ouverture, le palais Pena illumine les cieux de ses couleurs chatoyantes.

Dans le
palais de la Regaleira, dorures et lustre passé sont encore largement visibles, surtout depuis que la mairie de Sintra a racheté le domaine à son dernier propriétaire, une société japonaise qui avait fermé le site à toute visite pendant 10 ans.

La mairie a repris la main, effectué les rénovations nécessaires et rouvre le site pour le plus grand bonheur du public dès 1997.

Scènes galantes peintes aux murs, mobiliers en bois sculpté, frontons ciselés de scènes de chasse au sanglier, lourds lustres en fer forgé, nobles heurtoirs à tête de lion, plafonds à caissons, planchers en bois ou en céramique, mosaïques aux couleurs vives, tout respire l'opulence et l’insouciance d’une vie dorée.

Hélas, nous devons quitter ces lieux enchanteurs et revenir en 2023. Cette journée n'a que 24 heures et nous avons rendez-vous à Lisbonne pour récupérer les clés de notre logement.
Mais avant, nous faisons une halte obligatoire dans Sintra-le-Haut pour cause d'inanition et d’un peu de gourmandise aussi.

Nous dévorons un délicieux sandwich 
dans le confortable salon de la 
Casa Piriquita et évidemment quelques pâtisseries qui resteront gravées pour longtemps dans nos mémoires gustatives.

Nous regagnons la Vila dos Poetas où nous avons pu laisser la voiture le temps de nos visites, et en moins d’une demie-heure, nous entrons dans Lisbonne.

Il nous faudra patienter un peu pour obtenir les clés de notre logement drôlement bien situé et, n’ayant aucune envie de payer une blinde pour un stationnement, je décide de ramener l’engin qui affiche 1605 kilomètres de plus qu'il y a 12 jours à la compagnie de location. 

Une course Bolt plus tard, je suis à la maison et nous pouvons entamer la deuxième partie de la journée. Une partie qui se jouera de façon relativement rapide avec une belle grosse pinte au Duque et un souper au Tantura où nous avons pris la précaution de réserver.

Nous finirons cette journée sur les rotules, ayant accumulé 15 kilomètres de marche et l’équivalent de 76 étages montés et descendus.


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CLIC - CLAC, merci Cricri !



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