Mercredi 22
mars – Sintra par monts, par vaux (et encore par monts et vaux)
Au
fin fond de cette campagne fraîche et calme, dans cette maison
ancestrale nous avons voyagé hors du temps.
Ayant
encore omis de réserver le petit-déjeuner, nous trouvons un petit
café dans le hall de la gare où les croissants sont absolument
délicieux.
Au
programme, visite du Palais Pena, ses jardins, contourner
le château des Maures, et finir avec le Quinta da
Regaleira et son puits mystérieux.
Et bien sûr finir avec
une incontournable visite chez Piriquita avant de rentrer à
Lisbonne.
Sintra
n’est qu’à 25 kilomètres de Lisbonne, mais on est dans un autre
monde. L’UNESCO ne s’y est pas trompée en classant la ville au
patrimoine de l’humanité en 1995.
Ils y bâtissent l’imposante forteresse chargée de surveiller et protéger la côte des raids Viking.
Ledit
château des Maures, le palais national et la ville elle-même datent
de l’époque mauresque. En 1147, Sintra et Lisbonne sont récupérés
par le roi Alphonse 1er et la région va devenir un lieu de
villégiature pour les aristocrates et la cour.
Dans les années
1800, on y bâtit tout un tas de bâtisses romantiques où les genres
se mélangent allègrement. Art nouveau, gothique, renaissance,
maure, il y en a pour tous les goûts.
Nous
eûmes aimé passer plus de temps à Sintra, visiter sans galoper,
aller à Cascais, prendre le temps et … celui-ci passe trop vite, ce n’est que partie remise.
Un
croissant et une brioche engloutis, nous effrayons un chauffeur de
taxi moins réveillé que nous qui, pour 9 euros, nous dépose devant
l'entrée du Parque e Palácio Nacional da Pena où les autobus
n'ont pas encore déversé leurs cargaisons.
Un
chauffeur de tuktuk nous demande 10 euros par personne pour un
aller simple et le ticket de bus est à 12 euros. Cependant, ce
ticket est valable 24h pour tous les transports en commun de Sintra.
La
file d'attente est encore inexistante et après nous être acquittés
de la somme de 14 euros chacun, pour la visite du palais et de son
jardin, nous pouvons enfin fouler les pavés des allées. On
peut aussi opter pour la visite unique du jardin (moitié prix), mais
franchement, tant qu’à être là, autant en profiter.
Jardin
extraordinaire aux arbres séculaires, frondaisons des séquoias
titillant les nuages, fougères arborescentes aux ombres salvatrices,
araucarias aux épines agressives, petites fleurs délicates dans les
parterres de verdure, ce jardin est un rêve où nous passerions la
journée.
D’inspirations
romaines, mauresques ou chrétiennes des petits temples et des chapelles se dévoilent
au sein d’une végétation luxuriante, immenses cèdres, cyprès
séculaires sont tous occupés par des myriades d’oiseaux aux
chants plus mélodieux les uns que les autres.
Le
soleil joue entre les feuilles, les rayons éclairent des verts
tendres, des émeraudes lumineux, des turquoises étincelants. Tout
n'est que calme et volupté sans aucune distraction que la brise
jouant avec le fragile équilibre des pétales et les pépiements de
la gent ailée.
Ce parc est un petit
paradis terrestre, si proche et si loin de la tumultueuse capitale,
toujours au frais dans les brumes océaniques alors que la canicule
écrase le reste de la région.
Une
longue file est déjà en place et la dame
devant nous prend environ 1000 photos à la minute. Son mari est
blasé, sa chum de fille adoooore ses clichés so
amaaaaazing et ses amis restés au
pays attendent avec angoisse l'invitation à la soirée "Voyage
au Portugal" qui va durer pas moins d'une semaine.
Nous
qui sommes fans de voyages organisés, tours guidés, files d'attente
et populace en liesse allons être servis.
Sur
un plateau d'argent, château romantique oblige.
La
visite est fléchée, tout le monde se suit, les gens derrière
aimeraient être devant et ceux de devant aiment prendre leur temps.
Heureusement
la maniaque du Kodak a disparu.
On
va la retrouver...
Pas de guide pour nous expliquer les
différents points d’intérêt, peu de temps pour rêvasser, nous
sommes pris dans un flux continu de touristes qui ne fait
qu’avancer.
Mais qu’importe, nous profitons malgré
tout de la beauté des lieux et de ce palais complètement hors
normes.
Ses
couleurs vives le font reconnaître de loin, ses jaunes et rouges
s’illuminent aussitôt qu’un rayon de soleil le caresse.
On doit cette majestueuse construction au prince Ferdinand de Saxe-Cobourg-Gotha.
Enfin ce n’est pas lui qui manie la truelle et gâche le ciment, mais ayant racheté les ruines d’un monastère du XVe siècle en 1839, il y fait bâtir ce temple de l’exubérance.
Malheureusement
le pauvre Ferdinand n’en profitera pas longtemps puisque le palais
est inauguré en 1885, et que le roi nous quitte le 15 décembre de
la même année.
Nous
déambulons dans les salles aux styles éclectiques, imaginons sans
peine la vie des têtes couronnées et de leur cour cherchant par
tous les moyens à s’attirer leurs bonnes grâces.
Le
panorama qui s’affiche à travers les fenêtres est somptueux. Le
regard porte jusqu’à l’océan, il a de la forêt partout et
là-haut les murs crénelés du château des Maures veillent à la
paix des lieux.
Sculptures
en bronze ou en marbre, lustres en cristal, lits à baldaquin, lourds velours, tentures brodées, cours intérieures, décors en trompe-l’œil, immense cuisine aux
casseroles en bronze soigneusement polies, tout respire l’opulence
et l’insouciance d’un siècle où le bon temps était réservé à
une élite mondaine jalouse de ses privilèges.
En
bas, la file d’attente pour la visite est devenue interminable, je
n’ose imaginer ce que ça doit être en été ou lors des vacances…
N'eût
été notre ochlophobie passagère, la visite est vraiment chouette.
Les salles et leurs dorures se succèdent, la vue à travers les
carreaux est splendide.
Au sommet de la montagne voisine, les murailles du château des Maures font
peser leur lourd passé sur un paysage totalement bucolique et
romantique.
Après
presque deux heures de visite, nous quittons le palais et
qui croisons nous qui vient juste de finir le tour de la cour ?
Ben
oui, l'acharnée des clichés ! Sa journée va être tellement
longue.
Longeant
la route qui redescend à Sintra, nous décidons
de faire l'impasse sur la visite du Castelo dos Mouros pour aller
directement au Quinta da Regaleira, un manoir néogothique aux
jardins enchantés en empruntant un tout petit sentier.
Aurais-je
entendu nombre de :
t’es certain que c’est le bon chemin?
On est perdu j’en suis sûr… On va mourir ici tout seul et jamais
personne ne retrouvera nos corps à moitié dévorés par les bêtes
sauvages. Mon mari n’a pas du tout le sens de l’exagération.
En
fait, je ne suis sûr de rien, mais on ne peut pas être deux à être
aussi inquiets.
Enfin,
au bout d’une quarantaine de minutes de marche, nous arrivons
devant les grilles du domaine Quinta da Regaleira.
L'imposante bâtisse est dignement posée sur 4 hectares de jardin et nombreuses
sont les références à la franc-maçonnerie, aux Templiers et à
l’alchimie que tout ce beau monde maniait avec effervescence afin
de muter le plomb en or.
Si
des écrits parlent de l’endroit dès 1697, le site acquiert ses
lettres de noblesse aux alentours de 1892, et la plupart des
constructions actuelles sont achevées en 1910.
L’envie
de venir visiter cet endroit est venue suite à un reportage qui
parlait du parc et de ses nombreuses constructions, dont le célèbre
Poço iniciático, le puits initiatique.
Le
puits de 27 mètres de profondeur est une «fabrique de jardin»,
une construction destinée à orner un parc ou un jardin.
Son
aspect de tour inversée et ses 9 paliers évoqueraient la Divine
Comédie de Dante, oubedon l’ordre des Templiers, oubedon
encore les rose-croix et pour finir, la franc-maçonnerie. Que chacun
fasse son choix et remplisse son panier d’épicerie de mystères,
le site à lui seul vaut la visite.
Au
fond, recouverte d’une bonne couche d’humidité, une rose des
vents en marbre est disposée sur une croix des Templiers.
La descente est lente. Silencieuse.
On dirait que cette plaie béante au creux de la terre impose le respect. Les gens murmurent, les photos se prennent avec discrétion. Au fur et à mesure de la progression, la fraîcheur et l'humidité nous gagnent. Mais on se sent bien dans cet abri loin des turpitudes de ce monde en décadence.
Puisse cette paisible décalade durer encore longtemps.
Mais déjà, nous arrivons face à la rose des vents sur laquelle des gouttes finissent leur course aérienne avant d'entammer leur longue migration vers l'océan.
On s’extrait de cette représentation de l’utérus source de toute vie par un dédale de galeries où s’écoule un maigre filet d’eau.
Et puis, tant qu'à être plongé dans le mysticisme, je me demande si ce dernier petit ru n’est pas la représentation du flux originel, lorsque la planète était encore un magma incandescent peuplé de rien du tout.
De retour à la vie, l’air libre et au soleil, nous profitons encore un peu du jardin et de ses constructions avant d’aller faire la visite du palais lui-même.
Du
haut des tours crénelées de petits forts disséminés dans le parc nous admirons le château des Maures alignant ses
murailles au sommet de la colline aux verts éclatants. Par une autre
ouverture, le palais Pena illumine les cieux de ses couleurs
chatoyantes.
Dans
le palais de la Regaleira, dorures et lustre passé sont
encore largement visibles, surtout depuis que la mairie de Sintra a
racheté le domaine à son dernier propriétaire, une société
japonaise qui avait fermé le site à toute visite pendant 10 ans.
La
mairie a repris la main, effectué les rénovations nécessaires et
rouvre le site pour le plus grand bonheur du public dès 1997.
Scènes
galantes peintes aux murs, mobiliers en bois sculpté, frontons
ciselés de scènes de chasse au sanglier, lourds lustres en fer
forgé, nobles heurtoirs à tête de lion, plafonds à caissons,
planchers en bois ou en céramique, mosaïques aux couleurs
vives, tout respire l'opulence et l’insouciance d’une vie dorée.
Hélas,
nous devons quitter ces lieux enchanteurs et revenir en 2023. Cette
journée n'a que 24 heures et nous avons rendez-vous à Lisbonne pour
récupérer les clés de notre logement.
Mais
avant, nous faisons une halte obligatoire dans Sintra-le-Haut pour
cause d'inanition et d’un peu de gourmandise aussi.
Nous dévorons un délicieux sandwich dans le confortable salon de la Casa Piriquita et évidemment quelques pâtisseries qui resteront gravées
pour longtemps dans nos mémoires gustatives.
Nous
regagnons la Vila
dos Poetas où
nous avons pu laisser la voiture le temps de nos visites, et en
moins d’une demie-heure, nous entrons dans Lisbonne.
Il nous faudra patienter un peu pour obtenir les clés de notre logement drôlement bien situé et, n’ayant aucune envie de payer une blinde pour un stationnement, je décide de ramener l’engin qui affiche 1605 kilomètres de plus qu'il y a 12 jours à la compagnie de location.
Nous
finirons cette journée sur les rotules, ayant accumulé 15
kilomètres de marche et l’équivalent de 76 étages montés et
descendus.
---
CLIC - CLAC, merci Cricri !
.
.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire