Portugal 2023 - Porto 1/3

Vendredi 17 mars – Porto, mais d’abord Dornes et Coimbra

Nous profitons d'être seuls dans la petite salle à manger pour nous jeter comme des perdus sur le buffet qui n'a pas le temps de prononcer polpe avant d'être presque totalement dégarni.

Contre toute prévision de ces pessimistes de météorologues, le soleil semble vouloir donner du fil à retordre aux hordes de nuages qui barrent l'horizon.
Nous ne traînons pas, d'autant que certains clients commencent à se réveiller et aimeraient aussi manger.

Avant de poursuivre notre route vers le nord, nous allons voir un village qui nous a été suggéré par Tiago, le vendeur de sardines lisboète originaire de la région.

Dornes
est à moins de 30 minutes de route de Tomar en pleine cambrousse. La route est aussi étroite que peu fréquentée, et aux alentours ce sont des forêts d’eucalyptus destinés à la fabrication de papier.

Cet arbre à la croissance rapide est hautement inflammable et le pays commence à en réduire drastiquement sa culture en raison des immenses feux de forêt passés et à venir.
Le village posé sur un éperon rocheux surplombant le fleuve Zezere, offre une vision idéale.

Flanqué de sa tour pentagonale bâtie par les Templiers, le village en fut l’un des fiefs.
À cette heure matinale (il n'est pas 9 heures) et hors saison, autant vous dire que pas un gato ne traîne dans les historiques ruelles. Tout minuscule, on en fait le tour en quelques courtes minutes.

Longeant le cimetière, nous suivons le sentier traversant les odorants eucalyptus et arrivons tout au bord du fleuve où il doit faire bon se baigner ou canoter lorsque la météo devient un peu plus clémente.
Seul le léger clapot de l’eau sur les rochers, le bruissement doux des feuilles, les chants de quelques oiseaux est tout ce qu’on entend.

Je suppose que pendant les vacances, le lieu et les alentours doivent être beaucoup plus achalandés et que la circulation sur la toute petite route un vrai calvaire.

Profitons de notre hors saisonnalité pour goûter le bonheur d’être seuls sur terre en ce moment. Je ne sais même pas s’il y a des habitants actuellement tellement c’est tranquille.
Aucun espoir de boire un petit café face à une vue lénifiante, nous allons donc poursuivre en direction de la célèbre ville de Coimbra.

Bordée par le fleuve Mondego et animée d'environ 30 000 étudiants plus ou moins en lendemain de veille, la ville est charmante et mérite le détour.

Un stationnement souterrain dont on a enlevé la barrière et qui de fait devient gratuit, quelques volées de marches et nous arrivons sur la colline de l’Alcaçova le centre historique de la ville de Coimbra.

Habitués aux rues pentues, et aux escaliers raides, nous sommes surpris de trouver ici des ruelles dignes d’un Fort Boyard. Raides, étroites aux pavés totalement désunis, ces escaliers méritent bien leur surnom d’escadas de Quebra-Costas (escaliers brise-dos). Il faut sans cesse surveiller chacun de ses pas et poser avec prudence le pied. Si on veut profiter de l’architecture, il est fortement conseillé de s’arrêter avant de lever le nez au faîte des chaumières.

En sirotant un petit café, nous avons la surprise de croiser des étudiants tout droit sortis de la saga Harry Potter. Vêtus de noir, cravatés et capés, ils sont comme une apparition intemporelle dans une ville baignée d’histoire. Qui dit étudiants dit université et donc rites et traditions. La Praxe est justement celle où les étudiants portent ce genre de costumes. C’est beau et mystérieux.

L’Université de Coimbra est l’une des plus anciennes du continent européen. 
Fondée à Lisbonne en 1290 elle est déplacée à Coimbra en 1308 et attire toujours bon nombre d’élèves du pays et d’ailleurs. Le monumental ensemble de bâtiments universitaires qui domine la ville vaut à lui seul le déplacement et l’escalade vers le sommet de la colline de la ville haute.

Pas moins de 330 formations pour plus de 25 000 étudiants dont presque 1/4 sont des étrangers sont offertes par le vénérable établissement.

Nous franchissons le portail voûté et accédons à la cour intérieure et au palais des écoles au décor fantastique. Surveillés par le regard figé de Dom João III, roi du pays de 1502 à 1557, les bâtiments suintent de sagesse et de connaissances. La vue sur la ville en contrebas et le fleuve Mondego est splendide et vaut l’effort d’y grimper.

Il y a une partie gratuite, mais pour le reste de la visite il faut sortir quelques pièces et surtout avoir du temps pour profiter des décors majestueux des lieux. Hélas, nous devons poursuivre notre route, mais sans courir, surtout avec ce dallage casse-gueule qui recouvre les rues et trottoirs.

Après moult péripéties sur les traîtres pavés, nous retrouvons la partie presque horizontale de la vieille ville et cherchons de quoi nous sustenter. Le hasard nous fait entrer dans un tout petit resto de 3 tables où sommes chaleureusement accueillis par trois dames à la bonne humeur contagieuse.

À la Tasquinha da Saudade, point de nostalgie, mais des nappes carreautées, une carte simple de vrais plats familiaux portugais et une ambiance comme à la maison.
Quelques olives, du pain frais, une soupe généreuse, un bon gros plat de viande et de patates, un verre de vin ou de bière et un café, tout ça pour quelques 9 euros 50. Et en plus, la patronne que je soupçonne être la fille de sa maman au sourire identique parle très bien français. Une bien belle adresse qui nous a largement reput. Sauf que, nous sommes dans le cœur de ce que l’on appelle les doces conventuais (douceurs conventuelles) et on ne peut pas faire un tel affront à des traditions.

Petite parenthèse historico-gourmande.
Les desserts ou douceurs conventuelles sont nés dans les couvents. Fortement influencée par l’occupation mauresque, la pâtisserie est fabriquée avec les mêmes ingrédients, fruits secs, huile d’olive, miel et massepain. Après avoir bouté les Maures hors du pays, les navigateurs portugais ramènent des épices de leurs voyages. Et puis, le sucre, issu des cannes du Brésil débarque en grande quantité et permet de produire des desserts moins chers.
On est au Moyen-Âge et les couvents commencent à recouvrir le pays. En plus de s’abandonner à la prière, les moines et nones produisent fruits, légumes, œufs, etc.
Des œufs ils utilisent principalement le blanc servant à amidonner les vêtements et à fabriquer les hosties. Mais que faire des jaunes à part les fameux bredele que je cuis tous les ans en novembre ? Hé bien, ils font comme moi, des pâtisseries.
Autant de couvents que de pâtisseries et petits gâteaux, un art qui se développe et se raffine avec l’arrivée des filles de bonne famille et de leurs dames de compagnie. Source de devises en les vendant aux marchés, ces douceurs conventuelles sont autant de pièges délicieux auxquels il fait bon succomber.
Et comble de bonheur, chaque couvent s’était spécialisé dans l’une ou l’autre création ce qui donne aujourd’hui une diversité hallucinante de pâtisseries à travers le pays.
Juste à côté de la taverne de la nostalgie, siège la célèbre Pastelaria Briosa. Ses vitrines débordent de sucreries auxquelles nous ne pouvons résister.
Nous sommes pleins comme des œufs d’autruche, mais ne dit-on pas que le dessert c’est du manger pour quand on n’a plus faim ?

Dans la salle, quelques touristes, beaucoup de locaux et quelques étudiants bruyants et passablement maganés de leurs excès nocturnes. Mais, apanage de la jeunesse, ils prévoient déjà une nouvelle fête ce soir. Enfin, je ne comprend toujours pas un mot de portugais, mais à leur âge c'est ce que j'aurais fait...

Le serveur est d’une incroyable efficacité et virevolte autour des tables en prenant les commandes et en conseillant les clients. J’ai le malheur de demander à goûter à la spécialité du coin et me voilà avec presque toute la production du pâtissier sur la table. Sauf les meringues qui sont les nouvelles hosties du XXIe siècle.

Cette fois-ci, nous sommes totalement repus et roulons vers le stationnement au bas de la colline. Finalement, d’après le cri que je perçois sortant d’une petite guérite, en franchissant la sortie, je crois que malgré l’absence de barrière, ce stationnement était peut-être quand même un peu payant.

Une centaine de kilomètres nous sépare de Porto, notre destination du jour.
Depuis une semaine nous circulons de campagnes en villages et arriver dans une grande ville est un défi. Heureusement, la plupart des Portugais conduisent quand même assez courtoisement et mon navigateur m’informe efficacement de la direction à suivre.

Nous trouvons un parking souterrain à deux pas de l’appartement HM –Infante Riverside, mais en consultant le tableau des prix, on décide de très rapidement bouger la voiture.

Nous sommes accueillis par une jeune fille qui nous informe des choses à faire à Porto et des consignes de l’appartement. Elle nous indique également des stationnements un peu excentrés, mais tellement moins chers que la pompe à fric souterraine du centre-ville.

Quel appart ! Coin cuisine, immense salle de bain, salon et salle à manger et une chambre au lit encastré dans le sol. Il faut oublier les sauts du lit élégants et rouler sur le bord pour s'en extraire. Instagrammable, c'est tout...

La vue est incroyable, les fenêtres dominent le vieux quartier et plonge directement sur Vila Nova de Gaia, la rive gauche du fleuve Douro, fief des caves du vin de Porto.

Abandonnant nos affaires, nous déplaçons notre carrosse dans un stationnement excentré au nord de la ville. Dix euros pour 24 heures, mais les murs très étroits finissent par avoir raison du peu de peinture intacte de l’aile droite de la voiture. Je suis passablement énervé, et finis par abandonner la bagnole à l’étage-terrasse en plein cagnard. Inutile de commencer ce séjour par une tonne de mauvaise humeur.

D’ailleurs sur le chemin de l’appart, nous croisons la brasserie alphabétique dont nous avons goûté quelques produits, enfin surtout le B à Faro. Letraria propose une très belle sélection de 20 broues toutes différentes et de premier choix, voilà de quoi réaligner les chakras !

Nous prenons notre temps pour redescendre dans le quartier Ribeira en admirant les églises recouvertes d’azulejos, les rues piétonnes où se pressent touristes et habitants, toute cette agitation citadine que nous avions oubliée en quelques jours d’escapade.

Le hasard de notre promenade nous mène au niveau de la , la cathédrale et juste à côté nous suivons la foule qui nous entraîne sur le pont Dom Luis, l’un des six que compte la ville. Le soleil est toujours un peu timide et le vent océanique apporte sa fraîcheur à la soirée.

Le Douro se déverse dans l’océan à seulement six kilomètres d’ici et sépare la ville de Porto de la ville de Vila Nova de Gaia.

Puisque notre journée va bientôt se terminer, autant faire un petit point historico-conquérant de la deuxième ville du pays :
Aux alentours du 1er siècle avant J.-C, les Romains baptisent la ville Portus (port) en latin. D’ailleurs, le nom du pays est également issu de la même racine.
Exactement, c'est ce qu'on appelle une antonomase inverse, merci de suivre.
Le site est occupé par les Phéniciens aux alentours du 12 juillet -752, puis les Romains suivent. Ensuite c’est le grand défilé des hordes barbares d’Europe, poilues, barbues, casquées de fer, la bave aux lèvres et les yeux exorbités par l’envie d’en découdre.

Suèves, Wisigoths, Normands, Maures se suivent et occupent la région. Cette séquence sanguinaire se termine en beauté en 858 avec le bel Hásteinn aux cheveux blonds et à la barbe douce, un chef viking impatient de réduire la ville en poussière en la pillant et en passant par le fil de sa hache tout contestataire.

 

Porto c’est un peu comme Lisbonne, c’est tout construit sur des collines qui vallonnent à qui mieux mieux. On ne voit pas beaucoup de gens en fauteuil roulant et les personnes âgées ont des cuisses de patineurs de vitesse.

Capitale de la région Nord elle est évidemment réputée pour son vin, bien que celui-ci soit élaboré en face. C’est une ville super active où on se sent bien et où la jeunesse couraille sur les pavés puisque la ville possède la plus grande université du pays.

Ayant fini de rêvasser au soleil couchant au sommet du pont, nous cherchons quelque chose à nous mettre dans l’estomac. Les restaurants réputés sont évidemment pris d’assaut et nous quittons le quartier historique et donc hyper touristique de Ribeira pour grimper un peu sur la colline.

Nous trouverons facilement de la place sur une terrasse que personne ne veut puisque le vent frais souffle assez fort.


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