Mardi 14
mars – Lagos - Albufeira - Faro
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Ana nous a fait promettre de ne
jamais venir en été, car ces endroits idylliques et déserts en
cette saison sont complètement noyés sous une marée humaine
vociférante aux fumets d’huile de noix de coco qui se battrait
pour le moindre carré de sable. Promesse faite, nous prenons la
route en direction de Faro.
Nous
nous arrêtons sur un site incontournable, réputé pour la grotte
de Benagil. Quelques loueurs de kayaks nous attrapent à peine
sortis de la voiture pour nous proposer leurs meilleurs prix.
Malheureusement, le temps est compté pour les voyageurs paresseux et
nous refusons avec le sourire toutes les offres aux prix ''basse
saison''.
Le but de cette balade nautique est d’entrer dans ladite
grotte, accessible seulement par la mer.
Tant
pis, nous allons quand même profiter du sentier des crêtes pour
mirer les reflets de l’eau caresser doucement la plage idéale au
fond de la grotte par le trou percé au sommet. Une barrière empêche
les curieux de s’approcher trop près du bord, mais quand il y a
interdiction, il y a résistance et évidemment, nombreux sont les
curieux prêts à finir en tartare quelques dizaines de mètres plus
bas pour un égoportrait.
Suivant
les conseils de notre hôtesse, nous faisons une halte dans le petit
bourg de Carvoeiro, mais n’y trouvons que boutiques pour touristes
et restaurants peu engageants.
C’est
à Albufeira (de l’arabe Al-Buheira la petite mer),
grande ville sur la route de Faro que nous dégottons un endroit pour
manger. Un restaurant typique dans une jolie cour intérieure et au
menu, de la dorade grillée (on est mardi) et une gigantesque
brochette de poissons et mollusques.
Les
prix sont élevés, mais la Casa da Fonte reste un endroit
parfaitement recommandable dans cette zone très touristique.
Nous
traversons le joli petit quartier aux pavés bien alignés et
arrivons face à un tunnel qui nous mène directement sur la plage.
La Praia do Peneco est iiiiiimmense et magnifique.
Albufeira
est d’ailleurs réputée pour ses nombreuses plages et, de petit
village de pêcheurs bien peinard est devenue le Saint Trop' du
Portugal. Mais profitons encore un peu de cette plage où pour
l’instant seuls quelques retraités privilégiés goûtent une
tranquillité éphémère.
Les
paillotes commencent à sortir de leurs abris hivernaux, les chemins
de bois se mettent en place, la saison va bientôt battre son plein
en commençant par les fêtes de Pâques.
Je
ne sais pas ce que veut dire Peneco, mais il me semble que le rocher
dont le nom est tiré est assez évocateur. Passé le rocher érigé,
nous arrivons au bout de la plage et dédaignons la longue volée de
marches blanches collée à flanc de falaise pour embarquer dans
l’ascenseur qui nous ouvre ses portes.
De
là-haut, nous avons une vue bien dégagée sur les alentours et
notamment les propriétés privées, hôtels de luxe, villas chics et
autres lieux de villégiature. Nous savons bien que le très haut de
gamme est caché et que les vedettes de cinéma, du football et gens
fortunés se planquent bien à l’abri de la masse plébéienne qui
inonde la région chaque été à grands coups de camping-car et de
caravanes.
Enfin,
aux alentours de 16 heures nous arrivons à Faro et prenons
possession de la carte magnétique nous permettant d’ouvrir la
porte de notre chambre à l’Avenue 41 Guest House.
Cette
espèce d’appart hôtel est un peu excentré, d’où un prix plus
intéressant, mais il est à moins 15 minutes de marche de la vieille
ville.
Faro est la capitale de l’Algarve, et vous connaissez déjà son
histoire. Phéniciens, Romains, Maures, etc.
En
1755 la ville fut dévastée par le fameux tremblement de terre qui a
foutu un sacré bordel dans tout le pays. L’architecture est
harmonieuse et le centre est encore entouré d’une muraille
romaine.
En
face de Faro s’étend la lagune Ria Formosa, 17 000 hectares
préservés où viennent se reposer de milliers d’oiseaux
migrateurs et protègent naturellement la côte des crises de folies
de l’océan.
Quelques
compagnies touristiques proposent des balades sur le lagon, visiter les îles des
pêcheurs ou admirer le coucher du soleil au milieu des eaux calmes.
Nous
nous contenterons d’un ponton flottant avec quelques autres
admirateurs de Râ quittant nos terres pour un voyage aux 1000
dangers.
Mais
en attendant ce long voyage, nous avons rendez-vous avec une belle
grosse pinte dans une brasserie drôlement fréquentée, juste en
face du petit obélisque Ferreira D'Almeida.
Ayant
largement déambulé dans les rues et ruelles de cette jolie ville
historique, force est de constater qu’ici aussi l’oiseau
emblématique est la cigogne. Moi qui étais habitué à en voir au
sommet de toits alsaciens, je me dois de ravaler mon chauvinisme et
admettre que ces énormes volatiles ont trouvé ici un climat bien
plus agréable.
Les nids sont gigantesques et peuvent peser jusqu’à
500 kilos ! Il faut avoir une charpente bien solide pour
supporter ce petit nid d'amour au risque de finir avec famille
cigogne dans le salon.
Enfin,
pour ajouter une touche de magie à tout ce qui nous entoure, il y a
ce parfum. Tantôt subtiles et fugaces, souvent intenses et
prenantes, les fragrances envahissent l’air. Fruitées, pimpantes,
estivales, partout, les fleurs des orangers sont à leur apogée, les
récoltes battent leur plein, et l’air embaume de ces agrumes.
Importée de Ceylan par les navigateurs en 1520, l'orange douce détrône l'orange amère. L’orange d’Algarve, un hybride prénommé Valencia Late, bénéficie d’une indication d’origine protégée et est considérée comme l’une des plus juteuses du monde. Un gros sac de 5 kilos pour moins de 5 euros que nous traînerons jusqu’à Porto nous le confirmera tous les jours.
Pas
moins de 26 410 hectares de cultures dans la région d’où sortent
environ 313 000 tonnes de fruits chaque année, soit plus de 70% de toute la production du pays.
En raison des ressources relativement faibles en eau, les exploitations ont depuis longtemps adopté des systèmes de gestion durable de cette ressource si rare.
En parlant d’eau, c’est devenu un problème majeur pour la région.
Déjà peu enclines à vouloir ressembler à l’Écosse, les
cultures traditionnelles se suffisaient à elles-mêmes, et les
habitants peu nombreux avaient depuis toujours pris conscience de la
rareté de cette ressource dont ils prenaient le plus grand soin.
Ensuite est arrivé le tourisme. Au début, les hippies venaient se
dorer la couenne, fumer quelques joints et se laver dans les vagues.
Et
puis le tourisme de masse, le super-tourisme, l’hypertourisme, des
millions de gens venus des quatre coins de l'Europe pour profiter du climat exceptionnel, des
immenses plages et pour les plus aventureux des villages de
l’arrière-pays. De gigantesques complexes hôteliers ont été
construits détruisant quelques lieux paradisiaques, et évidemment,
l’eau a fini par manquer.
Dépassées
par la situation, les autorités cherchent des solutions. Tout le
monde parle de dessalinisateurs, invention miraculeuse qui transforme
l’eau de mer en eau douce. C’est très cher et ça augmente
considérablement la salinité de la mer.
Mais
hors de question de penser à réduire la fréquentation touristique,
source de tant de devises… Croissance à tout prix, on verra après
pour réparer. Encore une fois, trop tard.
Retour à Faro, le soleil va bientôt plonger dans les eaux tranquilles de la lagune. Nous traversons la petite voie de chemin de fer et allons nous installer sur le ponton où un pêcheur vient d’accoster. Jambes ballantes, nous sommes silencieux comme les autres admirateurs de ce spectacle sans cesse renouvelé.
Frôlant
l’horizon, jetant ses derniers rayons sur des milliers de
vaguelettes, notre étoile disparaît dans un dernier festival de
nuances aux couleurs du fruit emblématique de la région.
Allez
hop, deuxième apéro à notre brasserie un peu flyée et puis un peu
par hasard nous atterrissons à la table du resto Cantinho où
nous sommes bien accueillis.
Chorizo
flambé et petits plats nous rassasient, et notre serveur qui s’y
connaît en vin nous propose un très sympathique rouge de l’Algarve.
Si tout le monde parle, avec raison, des splendides flacons de la
vallée du Douro, il faut savoir que le pays en a une longue
tradition et que le sujet est parfaitement maîtrisé. Les marchands
phéniciens font découvrir ce nectar au bon peuple. À moins que ce
ne soient les Grecs. Ou les Romains, ou même les Carthaginois. Qui
de l’œuf ou de la poule ?
En
tout cas, de nombreux vignobles s’installent un peu partout et le
nom même de Lusitanie serait issu de Lusus, un chum de brosse de
Bacchus aka Dionysos, le dieu du pinard et des plaisirs
orgiaques.
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CLIC - CLAC, merci Cricri !
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