Mexique 2020 - Oaxaca de Juárez

Lundi 20 janvier - À la découverte de la ville
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Rester 4 jours complets dans une ville de la taille de Oaxaca permet de ne rien organiser. Il suffit de se balader au hasard des rues tracées au cordeau qui se croisent à angle droit où il est impossible de se perdre.

Nos pas nous emmènent chez Boulenc, une boulangerie et un resto très réputés où nous attendons une quinzaine de minutes avant d’obtenir une table.
Quelques touristes, surtout des Mexicains et des habitants aisés, se pressent pour avoir le privilège de déguster les assiettes préparées avec grand soin. Les produits sont locaux, le service attentionné, et l’ambiance très agréable.
Bien évidemment c’est plus onéreux qu’un taco chez un vendeur de rue, mais ça reste quand même beaucoup moins cher que chez nous.

Le mercado Juárez étale ses kiosques de nourriture, de poules jaunes aux grandes pattes, de lanières de viande suspendues à côté de petits chorizos, de longs steaks aplatis attendant leur tour de passer au barbecue, de pieds de cochon, des tripes ou du poisson. L’odeur est tolérable, la vue, à peine sorti du petit-déjeuner est un peu plus raide.

Au Sud, en traversant une rue, nous entrons dans le mercado 20 de noviembre, haut lieu de la nourriture oaxaquienne très prisé des locaux pour ses grandes assiettes aux petits prix.
Les portions sont gigantesques, une seule assiette suffit pour deux personnes, nous l’apprendrons à nos dépens et repartirons en roulant sur nos ventres gonflés.

Les kiosques proposent les spécialités locales, dont les fameux mole
Sept sauces traditionnelles qui accompagnent porc ou poulet et dont les recettes de base se parent de quelques ingrédients familiaux rendant chaque mole complètement différent de l’autre.
Mole jaune, rouge brique ou foncé, noir, sont ceux que nous trouvons facilement. Leurs goûts sont subtils et riches et mettent en valeur le plat qui les accompagne.

Très présentes également sont les chapulines, qui se déclinent à travers divers assaisonnements pimentés et dont le croustillant est très apprécié des Oaxaquéños. J’aurais du mieux lire la composition de mon guacamole et deviner que mon délicieux mélange de purée d’avocat serait recouvert d’une épaisse couche de sauterelles frites. 
J’y ai goûté, et je n’aime pas ça. Oui, c’est plein de protéines, mais je ne pense pas en manquer alors je vais dorénavant ignorer ce mets et me concentrer sur des aliments moins originaux.

Ensuite, nous partons tranquillement à la découverte de la petite ville, en passant par la cathédrale,  la fameuse place Zocaló et la rue piétonne Alcalá

C’est dans cette rue que se trouvent la plupart des magasins d’artisanat destinés aux touristes plus ou moins fortunés.
On y trouve principalement des tapis, et des couvertures, mais les couleurs criardes et la texture mollasse trahissent la qualité moyenne de leur confection, des alebrijes, animaux en bois peints avec plus ou moins de réussite, des ponchos, des miroirs en métal, la fameuse poterie noire de San Bartolo Coyopec, çà et là des bijouteries proposent de beaux bijoux en or ou en argent.

Dans quelques boutiques ou galeries haut de gamme, les bibelots sont beaucoup plus chers, mais leur qualité est indéniablement à la hauteur du prix affiché. Les peintures des alebrijes sont précises, pas de coulure ou d’hésitation, on est dans un autre monde. 
Les tapis dont les teintures à base de pigments naturels ne s’effilochent pas quand on les frotte entre les doigts valent leur pesant d’or, au visiteur de choisir ce qu’il voudra ramener au pays.

On trouve également ce qui fait la fierté de l’état, le mezcal
On est loin de l'alcool bas de gamme que l’on s'envoit en shooter avec un morceau de citron vert et du sel. Ici, pas la moindre bestiole au fond de la bouteille, la larve de papillon de nuit est une création commerciale des années 40 pour différencier le mezcal de la tequila et n’est nullement traditionnelle.

Il se boit tranquillement, et, en le dégustant, on peut l'accompagner d'une tranche d'orange et d'un peu de poudre de piment, ou simplement d'un verre d'eau pour se désalterer entre chaque gorgée. Le dicton populaire résume bien l'interêt que porte ses amateurs à cette boisson : “Para todo mal mezcal, y para todo bien tambien !” (Quand tout va mal mezcal, quand tout va bien aussi !);

Le mezcal est considéré comme supérieur au tequila (oui, tequila est un nom masculin) puisqu’il subit une double distillation et est composé à 100% d’agave de type maguey, une plante succulente dont on trouve plusieurs variétés. 

Il y a donc plusieurs mezcals dont les goûts changent en fonction de la plante dont il est issu.
Certains agaves mettent jusqu’à 15 ans avant de pouvoir être récoltés ce qui explique les prix de bouteilles haut de gamme.
Nous en avons goûté de toutes sortes, jusqu’aux plus originaux, qui lors de la deuxième distillation sont infusés avec du poulet ou de la dinde cuite et de la sauce mole. Goût TRÈS original garanti !

Et puis il y a le chocolat ! Sa douce odeur embaume les rues et fait gargouiller les estomacs gourmands. Il se vend déjà moulu, prêt à se transformer en chocolat à boire chaud ou froid, avec du lait ou de l’eau. On peut également le faire confectionner dans des magasins spécialisés, comme la célèbre et incontournable chaîne Mayordomo

Des fèves de cacao et du sucre, auxquels on ajoute de la cannelle ou des épices, le tout est malaxé dans de grosses machines et la pâte de cacao est prête à l’emploi.

Voilà en gros l’artisanat que l’on peut trouver ici, mais il y a bien plus à découvrir, puisque l’état est considéré comme le plus important concernant l’artisanat et les coutumes. Si l'état est l'un des plus pauvres économiquement, il est le plus riche en diversité culturelle, comptabilisant pas moins de 17 ethnies et donc langues différentes et la plus grande biodiversité du pays, que ce soit végétal ou animal.

Le Templo de Santo Domingo est une église de la fin du 16e siècle magnifiquement décorée. Construite par les dominicains à la demande du conquistador Cortés qui n’avait pour seul but dans la vie que dominer le pays et convertir les païens indiens.
Ses épais murs et contreforts devaient résister aux violents tremblements de terre qui secouent la région et sa riche décoration baroque brille de mille feux. Comme le fait remarquer André, on dirait un Ferrero rocher géant !

Puis ce sont des déambulations sans fin dans les rues, extraordinaires arbres aux bouquets de fleurs d’un jaune éclatant, fresques sur les murs, sortie des écoles, trafic insensé dans les petites rues à sens uniques, odeur pestilentielle de toutes ces voitures qui avancent au pas.

Tiens, la circulation… Si les feux de circulation drôlement placés en hauteur dans un coin peu visible du trottoir sont respectés, le piéton est un élément qui n’entre pas en compte dans le champ visuel des conducteurs. Nous ne sommes rien que des parasites, et les petits panneaux qui demandent de nous laisser la priorité sont largement ignorés.

Quelques chauffeurs semblent avoir suivi des cours de conduite à Montréal et refusent d’utiliser la commande des clignotants. Il faut donc redoubler de vigilance aux intersections et y regarder à plusieurs fois avant de traverser une rue.

Sains et saufs et avides de connaissances, nous allons visiter l’Institut des arts graphiques dont l’entrée est gratuite. Si l’exposition, quoique très jolie, ne nous a pas renversés, la maison est magnifique et mérite un détour. 

Mardi 21 janvier - Musée, jardin et bibitte en poudre
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Un sérieux petit-déjeuner chez Pan-Am, et nous pouvons parfaire nos connaissances de l’histoire tumultueuse de la région en explorant le musée collé à l’église Santo Domingo. 

Ancien couvent des pères dominicains, le Museo de las Culturas de Oaxaca est un monument immense qui se doit d’être visité.
Il en coûte 100 pesos pour entrer dans le cloître où une fontaine fait jaillir son eau fraîche et anime le lieu du tintinnabulement joyeux de ses gouttelettes.

L’église et le couvent ont été occupés par l’armée durant de trop nombreuses années et si la bâtisse est encore debout, les salles avaient toutes été pillées et dégradées.
Les bidasses ont définitivement quitté les lieux en 1993, et après qu’un délirant projet de construction d’hôtel haut de gamme et un immense stationnement eut échoué, on transforma le couvent en Musée des Cultures de Oaxaca.

Les salles numérotées nous emportent en voyage à travers le temps, de l’époque préhistorique, en passant par les très riches civilisations zapotèques, mixtèques et aztèques, puis l’arrivée des conquistadors, et le début de la fin pour les peuples autochtones. Pillages, maladies, conversion forcée au catholicisme, les envahisseurs espagnols font tout leur possible pour réduire à néant les cultures locales.
Les dominicains réussissent à sauver ce qu’ils peuvent et les témoignages du passé sont nombreux et parfaitement mis en valeur. 

Dieu du Feu
De riches sculptures préhispaniques compliquées cèdent la place à d’immenses Jésus suppliciés qui horrifiaient les Zapotèques pour qui ce visage torturé ne correspondait pas à leur vision de la vie après la mort. 
La culture de la peur pour asservir les masses populaires ne date pas d’aujourd’hui.

Des hautes fenêtres et balcons, nous surplombons le magnifique Jardin ethnobotanique aux cactus géants. Ce même jardin qui eu du servir de stationnement lorsque les militaires eurent quitté l’endroit et qu’un groupe de promoteurs avide de pognon voulut le recouvrir de bitume et encaisser leur commission en dépit de tout bon sens.

Au rez-de-chaussée, une jolie bibliothèque nous ravit par ses gravures anciennes et ses 20 000 livres bien rangés.

Pour comprendre Oaxaca, il faut absolument visiter ce musée, il est très bien fait et l’architecture d’une des plus importantes constructions du pays en impose.

Je ne sais par quel malheureux hasard nous avons raté la salle 3, mais c’est elle qui renferme les plus beaux trésors exhumés de Monte Albán… Avant notre départ, j’essayerais de soudoyer la dame de l’accueil pour la visiter.

Le mardi à 17 heures, c’est la visite en français du Jardin ethnobotanique. L’entrée en coûte 50 pesos pour une visite en espagnol, mais le double pour les autres langues.
Je ne maîtrise pas suffisamment l’idiome de Cervantès et considère que ce sera un 7 dollars bien investi pour les explications de notre guide. 
Quelques Français soufflent parce qu’il faut revenir sur nos pas pour payer l’entrée, rien d’anormal.

Notre guide botaniste nous explique la disposition du jardin et l’histoire de son joli bout de pays. Plus de 900 espèces pour plus de 7 000 plantes sont répertoriées et l'interaction de beaucoup de ces végétaux avec les humains ont permis de baptiser ce jardin d'ethno.

Nous entamons la visite par le côté ouest où se trouvent les plantes les plus rustiques qui ne nécessitent pas d’arrosage pour croître. Cactées, succulentes et arbres antédiluviens y poussent avec délectation dans l’air chaud et sec de la vallée. Il nous conte comment les peuples anciens étaient déjà arrivés à croiser certaines espèces de cactus dont ils se servaient quotidiennement et sur lesquels ils étaient arrivés à supprimer les traîtres épines.
Utilisée pour se nourrir, s’habiller, construire et boire, cette plante est le couteau suisse des montagnes arides du Oaxaca. Les paysans se servaient des fibres pour tisser leurs vêtements, les gens riches utilisaient le doux coton.

La citerne servant à irriguer le jardin est le plus grand de l'état avec une capacité de 1, 3 millions de litres d'eau. Elle se remplit naturellement grâce à un ingénieux système de capatation des eaux de pluie.


Nous apprenons que nombreuses plantes sont originaires des vallées et montagnes environnantes. Le cacao, l’odorant frangipanier de Tahiti, la vanille, le maïs, de nombreux piments et tout un tas d’autres dont ma mémoire fait défaut sont originaires d'ici.
La tomate que l'on a toujours cru originaire d'un coin du Pérou serait née en Inde. Mais sa forme actuelle, obtenue grâce à des croisement et autre manipulation de pollen trouve ses racines au Mexique.

La cochenille, cet insecte qui fit un temps la fortune de Oaxaca est encore aujourd’hui très utilisée. Teinture naturelle elle fut employée en peinture par les plus grands maîtres, pour teindre les tissus dont se couvraient les rois, empereurs et prélats de ce monde et également pour donner bonne mine à nos aliments.
Oui oui vous en avez dans votre bouffe, lisez bien les ingrédients, le E120 c’est une bibitte écrapoutie. N’empêche que c’est peut être le seul colorant totalement naturel que nous pouvons trouver dans notre nourriture.

Nous entrons à présent dans le coin réservé aux plantes médicinales que les groupes pharmaceutiques pillent et s’approprient à grands coups de brevets. Et finissons avec le carré des aromatiques et végétaux comestibles dont le fameux triumvirat courge-haricot-maïs que les croquemitaines Monsanto/Bayer, Sygenta et autres voleurs de semences tentent de réglementer en leur faveur.

La visite vaut vraiment le coup, même si les plantes installées à partir de 1994 sont encore des adolescentes prêtes à pousser si aucun tordu corrompu n’a l’idée saugrenue de recouvrir ce magnifique espace vert d’un supermarché.

Mercredi 22 janvier - De la Cosecha au mezcal de contrebande
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On est mercredi, et le mercredi c’est jour de marché bio !

Le joli petit marché de La Cosecha se situe au nord de l’église Santo Domingo, dans un mignon quartier où les touristes ne vont pas. Sauf ceux qui savent sortir des sentiers battus et des locaux à la recherche de produits sains.

Fruits et légumes non calibrés, miel, café, artisanat, glaces sont offerts dans quelques petits kiosques autour d’une placette où l’on peut également se sustenter de quelques plats mitonnés avec amour.
L’ambiance baba cool est sympa, la Cosecha est ouverte du mercredi au dimanche et nous nous promettons d’y revenir avant de regagner nos neiges quasi éternelles.

Un peu plus loin, un marché conventionnel propose des fruits et des légumes que nous ne connaissons pas. Ici aucun vacancier, nous sommes dans l’un des petits endroits que la ville se garde de cacher aux guides touristiques. Se perdre dans les rues et ruelles offre de jolies surprises.

Sur les murs, des fresques ornent les façades chaulées, des vélos attendent tranquillement leurs travailleurs ou leurs écoliers et des ateliers d’impressions artistiques exposent leurs œuvres.

Nous entrons dans la bibliothèque Andrès Henestrosa qui propose également quelques salles d’exposition artistiques. 

Masques de lutteurs, angelot punk possédé, photos, Vierge de la Soledad, cartes topographiques anciennes, et plancher lumineux avec la photo aérienne de toute la ville. Une pause fraîcheur et culturelle à moindre prix puisqu’ici l’entrée est gratuite.

Après une rapide visite au temple de San Felipe Neri, où des restaurateurs d’art rendent leurs éclats aux dorures fanées des statues, nous nous accordons une pause grosse bière et pinotes trop salées dans l’un des nombreux établissements sous les arcades de la place Zócalo.

Et puis, c’est la visite de la mezcalleria Cuish, l’un des mezcals les plus réputés du coin.
Gentiment accueillis, nous nous faisons conseiller par le barman qui ne semble pas être à sa première dégustation. 

Il nous explique en anglais les différents agaves utilisés par le maestro pour confectionner ses alcools. Tout est artisanal, fait à la main et les plantes choisies avec le plus grand sérieux. Un album photo nous explique le processus de fabrication, on est à mille lieues d’une production industrielle intensive. Ici, on est dans le haut de gamme et les bouteilles d’un litre se négocient à près de 70 dollars pour les moins chers.

Le Mexicain à côté de nous semble connaître une combine, puisqu’une bouteille en plastique d’un litre d’eau se vide rapidement dans un bidon, et le maître de l’alambic magique Don Agustín Guendulain Maya la remplit directement avec un tobalá de sa fabrication qui titre un joli petit 50º à l’ombre. 
Je soulève un sourcil en direction du barman, hoche la tête, glisse un billet de 500 pesos sur le comptoir et hop, une autre bouteille d’eau se vide de son contenu pour servir de gourde à l’alcool de contrebande que nous venons d’acquérir pour la moitié de son prix.
Que le hasard fait bien les choses.

Un peu gueurlots, nous reprenons la route sous le traître soleil, admirons des tas de piments fumés, séchés, aplatis, infusés de cola, frais, gros comme des gants de boxe ou tout petit et traîtres prêts à vous emporter la gorge dans un torrent de lave en fusion.

La journée se termine sous la façade de l’église Santo Domingo joliment embrasée par le soleil couchant.

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