Mexique 2020 - Oaxaca - Monte Albán

Jeudi 23 janvier – Monte Albán
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Il y a deux jours, nous avons pris des billets pour une journée de visite guidée. 
Activité que nous abhorrons en général, mais qui offre la possibilité de découvrir rapidement et avec les explications des sites que nous aurions eu plus de difficultés à visiter seul.

En ce doux matin, nous sommes 14 touristes dans le minibus. Mexicains, Costaricains, Américains, Néo-Zélandais et Canadiens forment une troupe menée par notre chauffeur Luis et notre guide hispanoanglophone Eduardo.

Nous quittons la ville en direction du site archéologique de Monte Albán.
Ancienne capitale zapotèque, la montagne blanche fut occupée dès 500 avant JiCi.
Des temples et des palais furent bâtis au sommet d’une montagne arasée, puis une ville de 10 000 habitants fut construite.
Si notre guide parle du site, de ses habitants, de ses coutumes, des jeux, et autres rituels avec réserve c’est que rien ne prouve à 100% ce qu’il s’y passait.

Le site n’a été découvert que 500 ans après son abandon et les conquistadors n’ont jamais deviné que sous l’enchevêtrement de broussailles et d’arbres, au sommet d’une montagne aride où jamais une goutte d’eau n’eut pu se rendre, vivait un peuple érudit et riche.
Toutes les habitations de ladite ville ont totalement disparu. Construites en pisé, faites de bois et de torchis, rien n’a survécu aux ravages du temps.

Cependant, si je me fie aux explications de différentes sources, qui utilisent elles aussi avec grandes précautions le conditionnel, en voici un rapide résumé.
  • -200 : on rase le haut de la montagne pour y installer les constructions.
  • -200 à +300 : constructions de bâtiments et de hauts murs en pierre
  • 300 à 700 : apogée de la ville, constructions de terrasse, aménagement des collines environnantes. La ville compte plus de 25 000 habitants. Monte Albán devient le cœur et le poumon économique des vallées centrales du Mexique. Des systèmes d’irrigation recouvrent la région, les prêtres gèrent tout ce petit monde du haut de leur promontoire. Des crânes percés prouvent que des médecins pratiquaient des trépanations sur des individus vivants puisque certains trous sont calcifiés. Cependant, nul ne sait pourquoi, ni qui officiait ce genre de traitements.
  • 750 à 950 : le site tombe en ruine et est peu à peu abandonné.
  • 1250 : les Mixtèques arrivent du Nord et réutilisent certains tombeaux pour y placer leurs dignitaires. C’est dans l’une de ces tombes qu’a été découvert le fameux trésor de la salle 3 que nous avons raté au musée…
  • 1806 : redécouverte du site par Guillermo Dupaix.
De nombreuses gravures dans d’immenses blocs de pierre, Los Danzantes jettent encore un peu plus de trouble sur leur signification. 
Des figures aux traits négroïdes, asiatiques ou amérindiens, positions des corps complètement fantasques et mélanges de styles, embourbent ethnologues et archéologues dans d’innombrables suppositions. 

Les hommes nus sont peut-être des danseurs, des handicapés considérés comme magiques (les relations sexuelles n'étaient pas très diversifiées, et beaucoup d'enfants consanguins naissaient avec de gros handicaps) ou des captifs torturés dans d'ignobles positions, nul ne le sait. 
L’avantage c’est que n’importe qui peut avoir raison, et je pense que j’ai la meilleure explication, mais je préfère garder ça pour moi.

Nous visitons le petit musée aux pierres gravées et aux figurines savamment taillées, puis montons vers le site au sommet de la montagne.


L’immense esplanade de 300 mètres sur 200, brûlée par le soleil, recèle des bâtiments que ni le temps ni les éléments ne peuvent émouvoir.

Le site du Juego de Pelota nous accueille, et ici aussi tout n’est que conjectures.
Si les jeux de pelote des sites mayas que nous avions visités dans le Yucatán sont parfaitement lisibles et évidents, ici rien. Pas le moindre petit anneau dans un mur, pas plus que de panier pour y faire passer une balle, pas le quelconque début d’explication. 
Même les gradins semblent avoir été recouverts d’enduit pour y faire rebondir la balle et ne seraient donc pas destinés à un public. Tout ce que l’on sait c’est que ce sont les têtes des vainqueurs qui passaient sur le billot, le sacrifice de leur vie était la récompense de leur victoire et une promesse d’un aller direct vers le pays de leurs dieux.

Dernières explications de notre guide, puis nous avons un peu de temps pour courir sur le site, grimper des escaliers aux marches démesurées et admirer le site du haut des cieux.

Tous les sites archéologiques que nous avons visités, pyramides de Chichen Itza ou de Cobá au Yucatán, temples khmers d’Angkor au Cambodge, ou Bagan au Myanmar, ils ont tous la même caractéristique. Des peuples relativement petits et des marches de géant… D’ici à ce qu’on me dise que ce sont des extraterrestres qui ont finalement construit tout ça et qu’ils se marrent depuis des millénaires du haut de leur fantasque planète, je suis prêt à adhérer aux croyances complotistes.

Après presque une heure de course effrénée où je cherche mon souffle à travers un début de bronchite, nous rejoignons notre groupe et partons visiter notre prochaine activité.


San Martín Tilcajete est un village réputé pour la fabrication des alebrijes, des animaux en bois peints. Cette tradition récente date du milieu des années 1990, mais ça fait longtemps que des jouets en bois sont sculptés pour amuser les enfants.

Bon, là on est entrés dans le volet ultra-touristique que je n’aime pas. Un recoin occupé par un sculpteur sur bois, sur le balcon trois femmes peignent quelques figurines et dans le magasin attenant des milliers de pièces attendent le touriste. 

De fait, seules deux dames de notre troupe craquent sur de petites figurines, quant à nous, nous jetons notre dévolu sur le monsieur qui vient d’arriver et qui vend des paletas de coco. Délicieuses et rafraîchissantes glaces artisanales avec de vrais morceaux de noix de coco.

Il est presque 14 heures, grand temps d’aller honorer le buffet qui nous attend. Un resto pour touristes nous accueille, le buffet est très largement garni de marmites et cocottes fumantes et bouillonnantes. Les dames de la cuisine, toutes recouvertes de charlottes et protégées par un masque nous offrent explications et grandes louches de victuailles. Touristique peut-être, mais généreux et délicieux !

Le patron passe de table en table pour s’enquérir de notre bien être, et nous inviter à retourner au buffet autant de fois que nous le voulons, mais la coupe est pleine et nos ventres rebondissent.

Il est temps de visiter l'ancien monastère de Santiago Apóstol dans le village de Cuilapan de Guerrero. Débutée en 1556, la construction s'arrête en 1570 avant que les idées de grandeur des religieux ne soient assouvis.

La façade de l’église a été restaurée par les habitants et est particulièrement...hideuse. C’est pas moi qui le dis, mais notre guide, je suis quand même pas mal d’accord avec lui.

Allez zou, c’est parti pour la dernière étape de notre circuit, le village de San Bartolo Coyotepec, célèbre pour sa poterie noire.

Un grand magasin avec moult pots, un tout petit four froid creusé en pleine terre, une cavité voisine où, paraît-il, l’artisan vient puiser sa matière première, l’argile grise.
La couleur noire est obtenue par la réaction de l’argile avec les fumées dégagées par un bois pas tout à fait sec. On allume d’abord un fond de charbon de bois, on introduit les pièces à cuire, puis on comble avec du bois et on recouvre le tout hermétiquement.

Au bout de 8 heures pour les pièces décoratives et plus de 10 à 15 heures pour celles destinées à un usage alimentaire, on retire la terre qui recouvre le four et on sort les pièces recouvertes de suie.
Il faut ensuite les laver, et pour leur donner leur lustre, l’artisan ou plus logiquement l’un de ses ouvriers, frotte la pièce avec un morceau de quartz.

Le potier va nous faire une démonstration, mais ayant déjà pratiqué la poterie, je me demande où il va tourner sa pièce. Nul tour dans les environs, seulement une espèce de grosse demi-calebasse posée à l’envers sur le sol, et une autre demie plus petite posée en équilibre dessus.

Il saisit un bloc d’argile, et commence à y donner de gros coups de poing pour former une jatte grossière.
Puis pose la pièce sur la petite calebasse et, oh mystère de l’équilibre, commence à tourner à la force de ses mains.
Ce qui n’était qu’une masse informe de bouette commence à ressembler à un contenant rond. Il tourne, ajoute de la matière, tourne encore, frappe du plat de la main, ajoute un autre boudin d’argile dans la cavité et, en quelques minutes nous sort un bol digne d’être utilisé.
Il nous explique qu’il est loin de son compte et que pour obtenir une pièce commercialisable, il faut compter pas moins de 10 à 15 jours de travail.
Étonnant et totalement artisanal, tout le monde veut sa petite pièce en souvenir. Alors si vous venez chez nous, repérez dans un coin de la maison un bol noir, lustré et en équilibre sur son support en bambou, il vient de chez ce monsieur à la poigne solide.

Dans la cour d’en face les haut-parleurs crachent une musique de fiesta et des enfants se jettent des roches. Plaisirs simples d’une vie de campagne.

La journée est terminée, nous sommes épuisés, mais pas assez pour ne pas aller déguster quelques mezcals de derrière les fagots et dévorer 16 tortillas de porc à la délicieuse sauce verte pimentée pour moins de 5 dollars.



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