Asie 2019 - Philippines - Siquijor

10 février – Siquijor 
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Je me suis trompé hier soir en commandant un tricycle, et ce matin je surprends tout le monde au pied du lit pour décaler d’une heure notre pick-up.
Le chauffeur risque de ne pas être disponible, et ça a l’air de causer beaucoup de trouble en ce dimanche matin. Je leur dis que ce n’est pas grave, nous irons sur le bord de la route et arrêterons le premier véhicule qui passe pour nous emmener au port.

Finalement, comme dans tous les pays asiatiques, il n’y a que des solutions. 
À 9h00, un chauffeur de tricycle sonne au portail et nous n’avons plus qu’à caler nos sacs dans le porte-bagages à l’arrière de la boîte à savon, et tenter de rester dignes en nous asseyant sur le petit banc à côté du conducteur.

En moins de 20 minutes, nous sommes au milieu de la cohue des touristes qui veulent changer d’île, que ce soit pour revenir à Cebu, partir à Siquijor ou acheter un billet.
Notre bateau arrive presque à l’heure, le désordre dans la petite salle d’attente se met en place.
Les Chinois veulent passer devant tout le monde, mais les gens ne se laissent pas faire et, au mieux, bloquent l’invasion, sinon repoussent carrément les malotrus.

Dans une mer légèrement formée, l’Ocean Jet fend les vagues et, en moins de 2 heures, nous accostons au quai du port de Larena, dans le nord de l’île.

N'ayant pas laissé nos sacs aux porteurs, nous pouvons rapidement nous extraire du tumulte. Un monsieur nous attend, muni d'une pancarte "Christophe BoNton" , j’imagine que c’est moi…
Nous nous installons dans le microbus du Islanders Beach Paradise, et partons encore plus au Nord.

Un petit quart d’heure plus tard, nous arrivons devant une volée de marches qui descend vers la plage et notre bungalow.
Le ciel est toujours très chargé, mais le vent fort aura tôt fait de chasser les nuages noirs.

Nous avalons rapidement un frichti avant d’embarquer sur le scooter que nous venons de louer et partons à la découverte de l’île.
Un petit tour au port pour acheter les billets vers Cebu, puis fonçons vers San Juan, la ‘’ville’’ la plus importante de l’Île aux Sorciers.

Ben ouais, Siquijor c’est l’île des sorciers.
Un endroit mystique, peuplé de légendes et de potions magiques.
On dit que longtemps les magies noires et blanches s’y sont confrontées. Après d’âpres batailles à base d’infusions de plantes, c’est évidemment le bien qui a gagné, chassant les méchantes Carabosse loin dans l’océan.
N’empêche que ces histoires font fuir les touristes philippins qui, en plus d’être très superstitieux, n’aiment pas vraiment les sorciers.

On peut encore aujourd’hui se faire soigner par un chaman, quelque part là-haut dans les nuages qui cernent les sommets de l’île.
À part ma nouvelle habitude de tout vouloir perdre, je n’ai pas de raison d’aller boire une potion dont les ingrédients ne sont pas dûment inscrits sur l’étiquette.

Aux abords de San Juan, je vais valider mon inscription au club de plongée Last Frontier Dive, et c’est là que le soleil a viré les nuages. Juste au-dessus de la petite plage et du cocotier tellement Instagramable qui s’y penche.

La deuxième étape est le resto/resort U Storie, une adresse recommandée par Cyril et Marie, les deux plongeurs avec qui j’ai partagé quelques bulles à Panglao.

Le gardien appelle la réception avant de nous laisser entrer, puis nous arrivons dans un endroit tout à fait charmant, où les bungalows doivent être hors de notre budget, mais où nous pouvons déguster un cocktail confortablement installé devant un paysage de rêve.

Bon, Miss Instagram nous sort le grand jeu. Main dans les cheveux, pose de (trouver un synonyme moins vulgaire que connasse...), sourire forcé, genre "je vis une vie de rêve et toi ?" Si proche des rochers acérés qu’elle fera peut-être partie des centaines de morts par égoportrait en chutant bêtement du haut de la falaise…

Nous réservons une table pour le lendemain midi, et poursuivons notre bonhomme de chemin jusqu’au multicentenaire banyan.

Au pied de l’arbre géant de 400 ans, un petit bassin abrite des poissons mangeurs de pieds et on peut, moyennant la modique somme de 50 pesos, y tremper ses petons. Cris, rires hystériques et autres hurlements de surprises ne permettent pas vraiment l’introspection, mais ce petit moment de détente et le plaisir de nourrir des animaux avec ses chairs mortes est une parenthèse agréable.

Allez, puisqu’il fait beau, que le réservoir est plein et que nous sommes jeunes et fougueux, poussons la mob à faire le tour complet de l’île.

Nous traversons de tout petits villages, les adultes s’adonnent à des séances effrénées et alcoolisées de karaoké en pleine rue, les enfants jouent au foot et nous font des signes de la main. De magnifiques paysages de rizières au soleil déclinant enchantent nos rétines, cet endroit est une bénédiction.

Nous revenons juste à temps à notre bungalow pour admirer le soleil se poser sur la pointe sud de l’île de Cebu, quelque part entre Oslob et Dumaguete.

Puis, nous pousserons l’audace à prendre la route de nuit pour aller acheter quelques provisions au supermarché à 4 kilomètres.

Le magasin est plein à craquer, les gens remplissent des paniers de toutes sortes de cochonneries industrielles. Les sacs de chips se vendent par lots de 5, les pots de mayonnaise font 4 kilos, les boissons sucrées sont légion. Le rayon fruits et légumes est vide, les clients veulent juste de la bouffe manufacturée et de préférence suremballée de plastique.
Ça peut bien aller mal l’environnement ici !

Des gardiens de sécurité malcommodes surveillent tout ce qui se passe, fouillent à l’entrée et à la sortie et terminent toujours leur inspection avec une main passée sur les fesses. Mais dis donc jeune homme, on se connaît à peine !
Non, pas de flingue coincé dans la ceinture, pas plus qu’une gaine de C4, je suis juste de passage.

Nous trouvons un resto ouvert dans la ville de Larena, le chat se goinfrera de foie de poulet qui encombre mon chop suey, et nous finirons la soirée dans un hamac à déguster un rhum à 80% d’alcool.
Ça, c’est la vie !

Ah merde je l’ai pas Instagrammée !


11 février – Siquijor, entre mer et montagnes.
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Le temps s’est arrêté. Plus de voitures, plus de pollution, plus de bruit, plus de course, simplement un rivage, une mer qui joue à cache-cache, quelques chiens qui n’aboient pas, de peur de déranger cette plénitude et le reflet de la lune sur la surface argentée de l’océan.

J’ai même stoppé le ventilateur cette nuit pour profiter pleinement de la sérénité des lieux.

Le soleil se couche avant 18 heures, les soirées sont courtes, les journées commencent naturellement tôt. Je crois que je vais vivre à Siquijor quand je serai très vieux…

Face à une vue de millionnaire, nous avalons une omelette en oubliant de compter les secondes qui passent. Le temps n’a plus d’importance. Le sourire d'un enfant vient combler de bonheur ce début de journée.

Alors nous profitons de ces luxueuses heures pour nous balancer dans le hamac au gré du vent et tester le drone qui n’a pas volé depuis l’épisode quasi catastrophique du temple sur le lac.

Après quelques réglages, tout semble en ordre, et, malgré le vent fort, l’engin tient le cap.

Les casques qui sentent le vécu solidement arrimés à nos têtes, nous quittons notre villégiature vers le Sud de l’île. Nous avons rendez-vous au U Storie, où nous avons réservé une table pour 13 heures.

L’endroit est un havre de quiétude et de beauté. La décoration et l’aménagement sont de très bon goût et la table est gourmande.

La carte fait la part belle aux poissons, crustacés et mollusques, nous honorerons leur présence en sélectionnant un sashimi de thon et un plat typique le kinilaw, du poisson mariné dans du jus de calamansi et du lait de coco. Tous les deux sont généreusement servis, accompagnés de riz et de légumes parfaitement apprêtés.

Avec le repas, nous avons le droit de profiter des lieux, et ne nous faisons pas prier pour nous étendre sur un gigantesque matelas face à la mer.
Mais l’appel du large est plus fort, nous enfilons rapidement une paire de palmes, un masque et un tuba et allons inspecter les fonds marins au pied de la falaise.

Plateau de coraux, petits poissons de toutes les couleurs, langues de sable blanc, tout est là pour étourdir André qui capote à chaque fois qu’il voit bouger quelque chose à travers son masque embué.

Le soleil darde ses rayons à travers la surface et vient onduler sur les anémones farouchement gardées par de combatifs poissons-clowns défendant leur part de bonheur.

Nous aimerions prolonger indéfiniment notre séjour ici, mais il y a une île à découvrir, ne la faisons pas attendre.

À quelques minutes de scooter, une cascade prénommée Lugnason nous attend. Quelques tours de poignée de gaz plus tard, nous arrivons au stationnement improvisé par les jeunes du village qui demande la modique somme de 10 pesos pour pouvoir garer notre véhicule.

Immédiatement, l’un d’eux se greffe à nous et s’improvise guide de sentier.
Le bougre parle français et son grand sourire nous le rend immédiatement sympathique. Nous savons bien qu’il va demander de l’argent à l’issue de sa prestation, mais la question est : combien ?

Une piste serpente à travers la forêt et rapidement nous percevons le rafraîchissant fredonnement de l’eau. Georges, notre éclaireur, nous invite à plonger dans le bassin qui se trouve 10 mètres en contrebas.
Heu… Là tout de suite ?
Oui, facile. Tu prends la corde, tu te balances et tu tombes dans l’eau.
Ah ben dit comme ça, c’est tout de suite plus évident, mais non merci, je passe mon tour. Peter peut-être ? 

Ah oui, pour mêler encore un peu plus ceux qui nous lisent, André vient de dire à Georges qu’il se prénommait Peter.
Sérieux, je suis tout embrouillé moi.
Sur les livres d’or et sur les registres gouvernementaux de visite, il s’est appelé Claude François, David Guetta, Élise Lucet, Georges Brassens ou Alain Delon, et là c’est Peter… En tout cas, Peter non plus ne veut pas plonger tête première vers une paralysie partielle ou totale suivant le mode de réception dix mètres plus bas.

Par contre, de jeunes gens impétueux y vont de bon cœur, et notre jeune homme nous fait une démonstration de haute voltige qui donne vraiment le goût de l’imiter, mais pas aujourd’hui, on est en pleine digestion.

Finalement après quelques sauts, il nous demande encore une fois si on veut se baigner, et devant notre évident manque d’enthousiasme, nous raccompagne au stationnement, où il nous serre la main et nous souhaite bon voyage.
C’est tout.
Pas de racket ou de menace de crever les pneus si on ne laisse pas la moitié de nos économies, juste un sourire et hop, client suivant.

Nous reprenons la route en direction des cascades de Cambugahay, les plus réputées de l’île.

Une fausse affiche destinée à faire visiter des chutes d’eau moins réputées nous dirige vers un large détour, mais il en vaut la peine, car le paysage est magnifique.

Finalement, nous arrivons au stationnement où une jeune fille nous explique que nous avons 50 minutes pour profiter des lieux, car le site ferme à 17 heures. Il en coûte seulement 10 pesos pour lui confier notre deux-roues, et promis, elle prendra bien soin des casques. Que l’on fasse disparaître ces abominations inconfortables et trop portées !

Un long escalier très raide mène vers une merveille de la nature.
Plusieurs sauts de rochers transforment une simple rivière en petite fantasmagorie bien dissimulée sous d’épaisses frondaisons.
L’eau a une couleur improbable de jade, quelques ponts en bambou permettent de joindre les rives, et en cette heure avancée les touristes sont peu nombreux.

Ici aussi on peut se prendre pour Tarzan, mais je me contenterais de tremper et de me faire masser la tonsure par quelques milliers de litres d’eau cascadant depuis les montagnes.

Hélas, la lumière décline rapidement, et les minutes passant trop vite, il est temps de quitter le site qui ferme ses vannes.

Nous nous trompons de route pour revenir chez nous, mais cette erreur sera notre plus belle récompense.

Le chemin de béton traverse l’île par ses sommets totalement dégagés par le vent violent qui souffle depuis hier. C’est un pur bonheur de route qui serpente entre les rizières illuminées par le soleil couchant, projetant leur vert tendre sur les flancs des collines.

Ce sont des dizaines d’enfants qui se retournent au bruit de la pétrolette et qui tous, tendant la main pour un check, des bye-bye ou simplement de grands sourires.
Ce sont de brefs aperçus de vie austère sur les pentes des montagnes, où des cabanes de tôles et de planches suffisent à abriter des gens que la vie folle et tumultueuse du monde moderne n’a pas encore infectés. 

Au sommet d’un col, la forêt se déploie sous nos yeux, au loin, les reflets des vagues prolongent cette vue extraordinaire. Quelques feux de feuilles mortes et de bois sec ajoutent une touche ‘’chalet de montagne’’ dans les narines. Le dépaysement à seulement quelques minutes de la mer est total.

Finalement, le rêve se termine lorsque la chaussée bétonnée rejoint la route 860 qui fait le tour de l’île, et que nous nous joignons à la circulation de fin de journée.

Tout le monde connaît la routine, grosse binouze en apéro, un souper presque réussi, un hamac et un rhum à 80%…

Fin d’une journée trépidante en la magique Siquijor.


12 février – Sous les eaux de Siquijor
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Ce matin, j’ai rendez-vous avec Simon et son équipe pour aller plonger. Je laisse André qui saura très bien s’occuper de son hamac et fonce sur la route encore déserte.
En 30 minutes, je rejoins le club Last Frontier Dive et fais la rencontre de Shawn, un Vancouvérois qui sera notre guide.

Mon matériel est déjà prêt, et transbahuté sur le petit bateau à quelques mètres de la plage.
Le briefing est sommaire, ouvrir les yeux, rester à la vue et en profiter.

Nous traversons le platier complètement découvert par la marée basse et grimpons sur le pont.

En moins de 5 minutes, nous arrivons au-dessus du premier site et nous équipons rapidement avant une mise à l’eau parfaite. Au loin, sur l’île, les nuages noirs défilent à la vitesse du vent comme une horde de chevaux sauvages. On voit nettement les fuites d’eau se vider des énormes cumulus, mais nous sommes loin et plutôt prêts à en découdre avec l’élément liquide.

La première plongée, ainsi que les deux suivantes seront de toute beauté. Les jardins de coraux sont en excellent état, ils servent de pouponnière à des milliers de poissons, dont beaucoup de juvéniles, facilement identifiables à leurs couleurs souvent extravagantes.
Nous croiserons une tortue timide et une carangue nous suivra pendant presque 40 minutes au-dessus des gorgones et des éponges.

Je découvre tout un tas de poissons que je n’avais jamais vu avant et prends plaisir à me mouvoir dans cet espace d’apesanteur. Si la visibilité n’est pas terrible, c’est à cause des pluies de la semaine dernière. Il y a beaucoup de matières en suspension, dont quelques filaments aussi invisibles qu’urticants. Nous nous badigeonnerons de vinaigre à notre retour à terre pour stopper les démangeaisons.

Entre chaque plongée, nous revenons au club où nous attend un plateau de pastèque et de quoi se faire un café ou un thé. L’ambiance est vraiment relax, pas trop de mots, juste quelques souvenirs de plongées et des recommandations de voyage.

Le soleil est revenu, il fait chaud et le sable blanc renvoie les éblouissants rayons à travers l’épiderme.

Avant de quitter San Juan pour remonter en mon lointain nord de l’île, je fais un détour par le U Storie où je réserve une table pour le lendemain. Et puis, je prends la route qui longe la côte plutôt que le raccourci, et admire le paysage. Il est 16 heures, le soleil a entamé sa dernière course et les enfants sortent des écoles.

Ce soir, nous ferons une folie en retournant à San Juan pour trouver un resto un peu plus élaboré que les lechon manok, ces poulets grillés qui tournent sur des broches un peu partout au pays.

Le Rasta Grill possède bien un proprio avec des dreads et du reggae en musique de fond, mais surtout un barbecue qui cuit tout ce qui nage, court ou vole. Le vent a décidé de souffler les fumées vers l’intérieur de la salle, nous sentirons le poisson grillé, mais pas un seul moustique ne s’aventure dans l’épais brouillard.

Au retour, un barrage policier nous stoppe et un grand gaillard trop armé nous demande notre permis de conduire. Oups… Il est dans notre bungalow monsieur l’officier.
Il aurait très bien pu nous infliger la contravention officielle de 5000 pesos, que de toute façon nous n’avons pas sur nous, mais nous laisse partir en nous recommandant de toujours traîner le précieux document.

Une autre journée s’achève sur Siquijor où finalement nous aurions bien passé quelques jours de plus.

13 février – Siquijor – Same-same, but different
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Le vent est toujours très fort, et le ciel toujours aussi peu peuplé de nuages. La mer par contre est dans tous ses états, j’espère que ça ira mieux demain nous en avons pour presque 5 heures de bateau pour remonter à Cebu, et si je me fie aux vagues, on les aura en pleine face.

Notre petite omelette avalée, nous faisons honneur au hamac qui aura un peu plus de difficulté à osciller au gré des rafales avec un tel poids sur l’estomac.
Le temps passe trop vite, c’est déjà l’heure de saluer notre plage et d’aller en voir une autre.

Cachée en retrait de la route principale, l’étroite étendue de sable nommée Paliton nous ouvre ses portes. 
Un pourfendeur de noix de coco, nous ouvre les siennes, et nous dégustons ce généreux fruit tout en trempant dans une eau translucide, face à la petite île d’Apo et à d’autres terres jetées en pleine mer en ce matin où la vue est totalement dégagée.

La table de U Storie est à quelques kilomètres, il serait de mauvais goût de la faire attendre.

La jolie hôtesse nous reconnaît et est tout étonnée que nous traversions l’île pour venir manger chez eux. Elle ne sait pas à qui elle a à faire ni de quoi nous sommes capables pour trouver une bonne table !

Le sashimi en entrée est toujours aussi délicieux, et le steak de mahi-mahi est cuit à la perfection. Les tables joliment disposées dans le jardin sont des invitations à profiter des lieux, et les épais matelas au bord de la falaise sont autant de raisons de rester un peu plus longtemps. Mais le soleil traverse un peu trop facilement les larges feuilles de cocotier et nous n’avons d’autre issue que de nous jeter à la mer.

J’aurais la chance de rencontrer une tortue, et André a du mal à se remettre d’une rencontre avec le fameux poisson-babine. Non, moi non plus je ne sais pas ce que c’est, mais le bestiaire d’André est un monde bien à part, qu’il faut respecter. Alors oui, le poisson-babine existe tout autant que le renommé requin croque-biscuit, et j'évoque juste les plus normaux.

Nous quittons ces lieux d’enchantement en remerciant et félicitant la propriétaire française pour son bon goût et ses bons petits plats et roulons vers la fameuse cascade de Cambugahay. Avant-hier, nous étions arrivés un peu tard, alors aujourd’hui nous voulons en profiter avant que le site ne ferme.

Je rate l’embranchement, fais demi-tour au bout de 5 kilomètres et en prenant le virage en direction des cascades, je sens la mob tortiller du cul comme une entraîneuse de bas étage devant un bar à matelots.

Inutile d’avoir fait méca-sup' pour savoir que mon pneu vient de crever, par contre la chance est avec nous puisqu’à 3 mètres de notre infortuné incident, se trouve le garage de réparation des deux-roues.
En fait de garage, c’est une petite échoppe tenue par un gamin de 20 ans qui manie l’art du démonte-pneu avec virtuosité.

En moins de temps qu’il n’en faut pour soupirer clé à molette, il trouve la fuite, y fixe un morceau de caoutchouc avec une colle qui sent la défonce à petit prix, et au bout de cinq minutes de presse, remonte le pneu, donne un coup d’air comprimé récolte les 100 pesos (2,50$) et c’est reparti.

Nous redécouvrons avec plaisir les nuances turquoise des eaux de la rivière. Assez peu de touristes fréquentent les lieux, nous avons le loisir de faire trempette sans nous faire marcher dessus par des hordes conquérantes de l’Empire du Milieu.

Quelques Français, dont des enfants plutôt courageux, se jettent du haut de la plus haute cascade. Les gamins tout excités par leurs culbutes réclament le soutien numérique de leurs parents. Ben naaaaaan, il faut filmer mamaaaaaan !

Trop de vent et trop d’obstacles pour imiter le pilote un peu casse-cou qui envoie son drone à travers les bosquets de bambou. De toute façon, la lumière est relativement faible et il y a trop de monde.

Nous récupérons le scooter après avoir refusé des dizaines de bouteilles d’eau, de bières ou de boissons gazeuses trop sucrées et prenons la route à travers les montagnes.
Il est encore assez tôt, le soleil suffisamment haut pour faire un détour par le point culminant de l’île où, paraît-il, le panorama est unique. Du haut du belvédère nous devrions profiter des 360º de vue et voir toute l’île à nos pieds.

Arrivés au sommet du col, il faut prendre à gauche sur une petite route étroite qui serpente à travers les forêts denses.
La montée est assez raide, mais notre engin tient le coup, et nous filons à 25km/h à travers les ombres et lumières de cette fin de journée.

Jusqu’à ce qu’un tonitruant caliiiiiiisse inquiète André qui me demande ce qu’il se passe.
La vieille chambre à air vient à nouveau de rendre l’âme… Nous venions justement de dire que crever dans un endroit aussi paumé serait un sacré coup de malchance et voilà que ça nous arrive.

Là pour le coup il n’y a rien du tout autour. Inutile d’essayer de rouler au pas, le pneu est tellement usé que la mob tient toute seule à la verticale. Il faut pousser et espérer que le prochain village qui se trouve à 4 kilomètres ait un semblant de réparateur. Tiens le fameux belvédère… Tant qu’à être dans le coin autant en profiter et gravir 4 à 4 les 137 marches qui mènent au sommet de l’édifice imposant rouillé et quelque peu branlant.

Au sommet, nous interrompons un couple qui s’apprêtait à faire des cochonneries face au soleil couchant et constatons que les arbres ont drastiquement réduit le champ de vision à un pauvre 10º. Il me semble que le jardinier pourrait élaguer quelques têtes pour offrir la vue promise dans les brochures.
Mais nous n'avons ni le temps ni le cœur à admirer le panorama, nous avons un souci un peu plus stressant au pied de la tour en ferraille.

Je reprends le guidon et m'aide du moteur pour gravir les côtes en essayant tant bien que mal de régler la vitesse. Courir en sandale à côté d'un scooter fou dans un sous-bois surchauffé et moite est une épreuve que j'inscrirais aux prochaines olympiades.

Un bruit de moteur me fait tourner la tête, ce sont des touristes qui ne prennent même pas la peine de me jeter un regard. On ne peut pas dire que je passe inaperçu, je suis en train de suer ma vie en trottinant accroché au guidon d'un scooter dodelinant.

Un autre scooter arrive, et s'arrête, c'est un local qui m'informe qu'au village de Cantabon, il y a une personne capable de réparer mon pneu.
Ça me donne un peu d'espoir, je relance la machine et reprends la course.

D'autres touristes passent sans même ralentir, jusqu'à cette petite famille que nous avions vue faire des pirouettes aux cascades. Monsieur et madame doivent très certainement travailler dans un cirque ou faire des chorégraphies aquatiques parce que leur prestation était hors du commun. Musclés et athlétiques, ils nous ont offert pirouettes, salto et autres sauts de l'ange sous les acclamations des jeunes gens qui offrent leurs services aux touristes.

Surprises, ce sont des Français et le monsieur porte un maillot du RCT, évidemment ! Leur petit garçon nous salue et nous demande ce qu'il nous arrive. Je lui explique que mon pneu est à plat alors il va constater par lui-même et me confirme : Houlala oui, il est vraiment plat ton pneu monsieur !
Ils nous proposent d'emmener au moins André au prochain village, mais la solidarité joue en ma faveur, je garderais mon porteur de casque avec moi.
Je remercie le couple, leur dit que personne d'autre ne s'est informé de notre infortune et crie "Vive Toulon" lorsqu'ils repartent !

Enfin, nous arrivons en vue du village de Cantabon. Au moment d'arriver dans le bled, un groupe de motocyclistes arrivent et me présente le mécano du coin.
C'est la toute première maison en arrivant de la grotte, je suis verni.

Il regarde, se parle à lui-même, rumine quelques pensées peu optimistes et part chercher son fils.
Père et fils sortent des outils d'un sac suspendu à un poteau, on est dans le rudimentaire et le basique de la réparation. En tentant de sortir la chambre à air, avec un vieux tournis rouillé, le jeune homme la déchire totalement, impossible à réparer, il faut en acheter une nouvelle.
Évidemment, il n'a aucune pièce de rechange et nous commençons à manquer de fonds.

Il nous explique que dans le village suivant, il sera capable d'acheter une chambre à air neuve pour 170 pesos et que c'est à moins de 10 minutes. Ni une, ni deux je pousse André sur la selle du jeune ébouriffé et les voit partir à fond de train sur des routes raides et glissantes.

Voilà, je suis seul au milieu de nulle part, avec la femme du mécano qui m'offre un siège à côté de l'épicerie où se vendent des baluts, des œufs de cane fécondés et cuits à la vapeur, une spécialité nationale absolument immonde où un petit poussin mort se déguste avec délectation.

Une dame d'un certain âge me regarde avec voracité, me fait des petits becs sexy et des clins d’œil concupiscents autant qu’alcoolisés. Seigneur, il manquait plus que ça !
La catin célibataire pochtronne du village est en train de me cruiser en faisant des petits bruits avec sa bouche édentée...

Je lui fais un sourire de politesse, m'éloigne rapidement, laissant scooter et casque devant l'échoppe du réparateur, afin d'explorer ce petit coin de paradis.

En face de l’incontournable terrain de basket, je découvre avec stupéfaction la Sagrada Familia. Une vierge à l'Enfant surplombe l'édifice qu'une vieille dame est en train de balayer.
Elle s'informe de mon pays d'origine, me remercie d'être venu les visiter et me souhaite un très beau séjour à Siquijor.

Au loin je vois distinctement la gourgandine me lancer des œillades gourmandes, alors que je suis en pleine discussion avec la femme du curé ! Franchement, y a plus de respect...

Plus de 15 minutes sont passées lorsqu’enfin j'entends avant de voir, le scooter revenir avec André toujours à l'arrière. Le mécano a trouvé la pièce de rechange, et c'est en quelques courtes minutes qu'il l'installe dans le pneu usé avant de gonfler le tout avec une pompe à main. Il nous en aura coûté 170 pesos pour la chambre et 200 pour le travail. Un gros 9,40 dollars qui nous permettent de reprendre la route en toute sérénité alors que la lumière décline rapidement. Au loin j'entends un vagissement de désespoir, pas d'accouplement, ni de renouvellement de la population du tout petit village de Cantabon au programme ce soir...

Toto, fier propriétaire de la pizzeria du même nom se fera un plaisir de nous faire écouter FIP et quelques informations hexagonales. Rien ne change, gilets jaunes, blablabla, Trump, blabla, crise, pouvoir d'achat, prix de l'essence...
Français installé depuis 4 ans à Larena, les affaires vont bien pour le jeune homme et ses pizzas sont excellentes.

En arrivant à notre hôtel, nous avons le plaisir d'être invités au buffet de gâteaux qui honore l'anniversaire de la cuisinière. Nous ferons honneur au pudding au lait de coco et maïs, de gâteau à la mangue et bien d'autres.

Quelques échanges avec des Français autour du monde, et le hamac sera notre dernier refuge, un verre d'eau gazeuse bien arrosé de rhum à la main.



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