Asie 2019 - Philippines - Cebu

2 février – Cebu 
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Houla, quelle nuit réparatrice ! Mais pourquoi se lever ?
Finalement cette chambre est confortable, mais nous aurions dormi dans un hall de gare de toute façon.

Le ciel est couvert, la pluie menace, il n’en faut pas plus pour nous inciter à fréquenter quelques centres commerciaux.
Le trafic est dantesque, on dirait que seule la règle du plus couillu prévaut. Ils respectent la couleur des feux de circulation, et c’est tout.

Pour traverser, soit on se place devant un passage plus ou moins protégé par une lumière rouge ou verte, soit on y va au culot en tendant le bras vers le véhicule qui arrive pour lui dire de s’arrêter. Et ça fonctionne. De tous les usagers de la route, on dirait que ce sont les piétons qui sont les plus courageux.
D‘autant que les marcheurs sont souvent les plus pauvres.

En Asie, même un sans-le-sou possède au moins un vélo, mais pour ceux qui sont mis au ban de la société, les va-nu-pied qui vivotent de petites ventes ou de mendicité, qui n’ont même pas de quoi s’offrir une paire de gougounes, il reste la marche.

Il va sans dire que des Occidentaux qui ne voyagent pas en véhicule sont dévisagés, mais nous sommes habitués à ce genre de regards curieux.

En tout cas, les distances, la chaleur étouffante et la complexité des déplacements dans une ville aussi turbulente nous incitent rapidement à héler des taxis d’un coup de main vers le bas. La prise en charge et de 40 pesos (1 dollar), et nous dépassons rarement la somme de 2,50 dollars pour nos virées folles.

J’ai également téléchargé l’application Grab, le Uber local, qui arrive rapidement, ne discute pas les prix, sait où il s’en va et on peut le payer par carte bancaire via l’appli. C’est bien pratique et le chauffeur est d’une politesse qu’il serait appréciable d’exporter sous nos contrées de nantis.

En résumé et par ordre d'apparition :
Ayala Center, l’un des premiers centres commerciaux de Cebu, construit en 1994, a subi des transformations et des agrandissements depuis sa création. Il est plutôt destiné à une clientèle aisée, contrairement à son aîné, le SM City.
Ce dernier a vu le jour en 1993, il est situé au cœur de la ville et attire principalement les clients de classes moyennes et basses.
De fait, les magasins et l'ambiance générale du centre commercial s’en ressentent.

La pluie commence à tomber, il est temps de finaliser cette tournée des centres commerciaux par celui que nous avons vu briller de mille feux en arrivant en bateau hier soir, le SM Seaside.
Il a ouvert ses portes fin 2015, et c’est le 8e plus grand centre commercial du moooooonde !

C’est vrai que c’est impressionnant, je ne suis pas le plus grand fan de magasinage, mais je suis quand même ébahi par les espaces immenses, la lumière naturelle qui arrive de partout et l'extrême gentillesse de tous les gens qui y travaillent.

Dans le resto où nous nous installons, Jayson, notre serveur fait un travail irréprochable. Il parle mieux anglais que nous, s’assure que notre commande est complète avant de l'envoyer en cuisine, s’informe de notre bien-être sans jamais être dérangeant.
Je me demande si je ne vais pas lui proposer un petit PVT histoire de montrer qu'on peut sourire et être efficace pendant le service, tout en étant moins bien payé.

Mon lechon arrive, spécialité des Philippines, on dit que c'est à Cebu qu'il est le meilleur.
Le lechon est un cochon farci aux herbes, grillé sur la braise pendant environ 2 heures suivant la taille de la bestiole, tout en étant badigonné d'eau de noix de coco. On choisit de jeunes porcs parce qu'ils sont moins gras. La peau est ultra croustillante, la viande est presque confite et fond en bouche. C'est un vrai délice !
Par contre, le poulet cuit en feuille de pandan est frit et l'huile encore très présente. Heureusement, la salade de pomelo aux oignons est une vague de fraîcheur.

Une Zamboni danse sur une patinoire que de jeunes artistes de la glisse cernent avec impatience, un bowling, des salles de cinéma, des magasins par centaines, une terrasse arborée qui offre une vue sur les montagnes, la mer et la ville, il y a de quoi passer plusieurs heures sans s’ennuyer. De toute façon, la couleur du ciel ne nous incite pas à chercher plus loin, nous sommes bien ici.

Il va quand même être temps de rentrer, et comme dans les deux autres grands magasins, un préposé attend les usagers de taxis pour leur donner un petit papier avec le numéro de plaque d’immatriculation de la voiture, ainsi qu’un formulaire de plainte si nous devions avoir un problème.

Sur le front de mer, la circulation est inimaginable.
Dans le pire trafic possible, des mendiants et des petits vendeurs de n’importe quoi se faufilent, louvoient entre les voitures, tentant d’obtenir quelques pièces en échange d'une bouteille d’eau ou d'une serviette de bain. Des amoncellements de tôles rouillées indiquent un mini bidonville, des enfants crasseux sont assis par terre en attendant le retour des aînés.
Si tu penses avoir vu la pauvreté, vient faire un petit tour par ici, tu vas te rendre compte que Charles se trompait royalement. La misère n’est pas moins pénible au soleil…

Ce soir nous allons manger un morceau au STK, un restaurant à une dizaine de minutes de marche dans la noirceur, sur des trottoirs défoncés, mais dans l’indifférence générale.

Je ne dirais pas que nous nous sentons en insécurité, mais nous ne connaissons pas la ville, ni ses règles. Nous ne restons pas dans le quartier le plus pauvre, et puis nous ne traînons pas un gros appareil photo, une liasse de billets ou quoi que ce soit qui pourrait intéresser d'éventuelles racailles.
Hormis les incroyables talents de chanteur, danseur et joueur de percussions thaïlandaises d’André, nous n’avons rien de précieux.

La salle est invraisemblablement décorée d’objets hétéroclites, armes de la dernière guerre, vieux passeports, sabres et couteaux, téléphones à roulette, casques de la Wehrmacht, céramiques anciennes, name it, même Prévert ne l’avait pas vu venir cet inventaire-là

Je reçois mon ''native chicken bbq'' qui, du bout de son petit bec grillé me fait un coucou un peu coincé. Je mangerais le reste, laissant sa tête poliment au bord de mon assiette.

3 février – Cebu 
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Mais que le ciel est bleu ! Un petit coup de vent et hop, les nuages sont partis ailleurs.

Nous prenons rapidement notre petit-déjeuner avant d’attraper un Grab pour nous rendre au Ayala Center. Pas pour magasiner, mais pour acheter un billet de bateau.
Nous avons décidé hier soir de partir à Bohol, mais dans le nord de l’île, accessible plus facilement par un port moins fréquenté.

Nous finissons par trouver le petit bureau un peu bordélique et achetons les billets pour Tubigon. Appareillage prévu demain à 7h00, tout le monde sur le pont en tenue d’apparat !

Bon, il est temps de régler un petit détail qui me tient à cœur. Je veux retrouver un pécheur perdu sur une montagne… Hier, la fille de l’accueil de l’hôtel m’a dit qu’elle pensait savoir où il se trouvait, et ce matin, sous un soleil de plomb nous prenons la route de Beverly Hill’s.

Non seulement le quartier s’appelle vraiment comme ça, mais les maisons qui y sont posées ressemblent à s’y méprendre à leurs cousines californiennes. Il y a de l’argent par ici, et une vue imprenable sur la ville et la favela de l’autre côté du vallon. Quand l’extrême pauvreté côtoie les plus grandes richesses…

Nous sommes déposés au pied du grand escalier du temple taoïste qui nous mène au pêcheur. La grimpette est rapide, le soleil essaye de nous faire ralentir, mais quelque chose me dit que c’est bien ici que je vais le retrouver.

29 ans de sagesse entre les deux photosDe terrasses en escaliers, de recoins en détour, nous arrivons enfin devant le petit bassin où, imperturbable, celui qui est devenu un grand-père, tient toujours sa canne et attend que son bouchon se tortille sur l’onde tranquille.

Au gardien de sécurité qui veille à ce que personne ne prenne de photo dans l’enceinte sacrée, je montre un cliché qui l’amuse beaucoup. Finalement, peu de choses ont changé depuis 1991. 
Le pêcheur à maintenant une barbe blanche, comme moi, et les arbres cachent la montagne.

Retour en ville, marche apéritive, dîner dans une pizzeria, et randonnée à travers quelques quartiers où les églises sont archipleines, les Philippins sont catholiques et très pratiquants. 

Des familles tendent la main à notre passage, les enfants sont dans un dénuement à faire fondre un cœur de pierre, et la triste rivière qui traverse les secteurs délabrés charrie un liquide noir aux effluves d’égout. Les déchets qui la jonchent ne sont qu’un maigre aperçu de la pollution colossale que subit le pays. Des rivières de plastique, des eaux usées directement déversées sans traitement, aucun espoir d’une solution à moyen terme.

Ben dit donc, notre petite balade nous a ramené devant le centre Ayala ! Tant pis, allons trouver un peu de repos, le ciel est de nouveau menaçant et notre dose de caféine au plus bas.

La section réservée aux jeux d’arcades dégouline de bruit, de musique et de lumières agressives. Les effluves du Jollibee de l’étage envahissent les allées et tapissent les narines de son fumet de graillon désagréable.
Dire que les Philippins aiment le fast-food est un euphémisme.

Les restaurants de la chaîne de malbouffe nationale qui arbore fièrement son abeille-mascotte à l’entrée sont continuellement pleins, mais les concurrents ne sont pas en reste. Le clown maléfique côtoie la chaîne de sandwichs qui m’ont appris à convertir les centimètres en pouces, le général Sanders bataille au côté du Roi du burger, et tous sont en harmonie pour déclarer que leurs bouillies sont bonnes pour vous.

Ici aussi, les enfants s’empâtent et deviennent ronds et gras comme les petits cochons qui finissent en broche au-dessus d’un brasier incandescent. Enfin pas les gavroches des rues qui tentent de se nourrir au quotidien, eux sont maigres comme des clous.
Les menus sont généralement composés d’énormément de fritures, de sauces sucrées, et de boissons recouvertes de crème et de sirop. Un vrai bonheur de diététicien !

Ce soir, nous allons tester un petit boui-boui en face du STK, le fameux Bucket Shrimps.
Avec ses tables et chaises en plastique, ses murs lacérés de graffitis, et sa propreté douteuse, il ne donne pas spécialement envie. Et c’est exactement pour ça que nous y prenons place.
La carte est vraiment basique, nous avons le choix entre des buckets (seaux) de crevettes, crabe, poulet, moule ou mélange de fruits de mer.

On mange à même la table recouverte d’un napperon et d’une feuille de papier ciré. Les couverts sont nos doigts protégés par des gants en plastique, et la touche finale est apportée par une bavette également en papier, que l’artiste local a décoré d’un "I ♥ bucket shrimps".

La chaudière de crevettes arrive, généreusement recouverte d’un beurre cajun parfaitement épicé. On s’habitue rapidement à manger avec des gants trop grands, de toute façon, autour de nous tout le monde fait pareil.
C’est carrément délicieux et nous prenons plaisir à tremper nos doigts emballés, dans la sauce, le riz et la crevette.

Retour à notre chambre sous le regard des gardes armés jusqu’aux dents qui font le pied de grue devant les restaurants, cafés et commerces encore ouverts. Certains ont des pistolets, d’autres des revolvers avec des balles qui brillent dans le ceinturon et les plus féroces sont équipés de fusils à canon scié.
Notre joviale sentinelle nous accueille de son beau sourire et nous souhaite une bonne nuit.


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