Lundi 6 février – Du lago Ranco à chez Herr Werner

Finalement, la famille qui s'est installée vendredi soir à pas d'heure, quitte encore une fois à pas d'heure leur emplacement. 
Et, à 23 h 00, nous sommes absolument isolés dans cette petite baie, que seuls le vent et le chant gracieux de quelques canards viennent troubler.

Le vent souffle fort, mais il n'est pas froid, et ce matin aucune brume, ni humidité ne couvre les eaux du lac. Je ranime rapidement le feu en soufflant sur les braises survivantes et profite du petit matin calme.

Les chiens sauvages qui tournent près des campements à la moindre odeur de fumée, rodent non loin. Ils sont très peureux et n'osent approcher, même lorsque nous leur tendons un peu de nourriture. Ils se rassasieront du cake aux bananes que nous avons oublié au fond du garde-manger et qui a drôlement commencé à moisir, ce sera toujours mieux pour leur santé qu'un completos plein de gras trans. On prend soin de nos chiens errants. 

Par curiosité, je vais voir à quoi ressemble le terrain abandonné par nos campeurs tardifs. Comme je me l'imaginais, c'est un vrai dépotoir. Les classiques canettes de bières accompagnent les sacs de chips, les bouteilles de boissons gazeuses, les rouleaux de papier toilette, une paire de chaussures, des couches de bébé, du papier et des sacs en plastique. 

Le spectacle est désolant. Il m'est totalement impossible de comprendre pourquoi les gens font ça. Ils viennent en voiture avec tout leur bordel et sont incapables de le ramener, une canette de bière vide est quand même moins encombrante qu'une pleine !!!

Christophe le pêcheur, nous avait parlé de la pollution laissée par les randonneurs ou les campeurs locaux lors de notre retraite au refuge. Il avait longuement parcouru pendant plus de deux semaines les sentiers perdus et les rivières à truites et savait de quoi il parlait. Inconditionnel sceptique, j'avais acquiescé sans vouloir porter de jugement. Plusieurs jours (semaines ?) plus tard, je me dois de constater que c'est vrai et encore pire que ce que j'imaginais. 
Mais pourquoi les habitants d'un pays aussi splendide s'efforcent par tous les moyens imaginables de le détruire à coups de détritus abandonnés ou jetés par les fenêtres des voitures ? 

Ça ne me concerne pas personnellement, mais leurs enfants vont les haïr. Ou alors les enfants de leurs enfants, parce que la génération qui arrive ne semble pas plus concernée par les problèmes de surconsommation, d'équilibre alimentaire ou d’environnement…

Je ramasse quelques déchets que je rajoute aux nôtres et les déposerais dans la grosse poubelle à l’extérieur du site. En plus, il y a des poubelles partout ! Je suis découragé.

Après nos ablutions au sein de la baie enchanteresse, nous plions bagage et prenons la route vers le sud. Il reste une journée et nous commençons tranquillement à nous diriger vers le point de rendez-vous à Puerto Varas.

Le village de Puerto Octay, chaudement recommandé par le LP est d'un ennui mortel. Le point de vue sur le volcan du haut du belvédère, construit à cette occasion, est beaucoup moins beau que celui du cimetière. Les quelques rues du bled sont moroses et la seule activité notoire de la journée est la chute du haut d'un escalier d'un ivrogne totalement imbibé de mauvaise bière. Son compagnon d'infortune nous rassure en nous mimant un gars qui se tape une sieste, et commence à nous parler.

Certes jeune itinérant, je veux bien croire que ton chum se tape un petit sieston ,mais je viens de le voir tomber devant moi. Et puis je ne comprends pas un traître mot de ce que tu baragouines. C'est déjà assez compliqué de comprendre une personne qui fait l'effort de parler lentement et d'articuler, mais dans ton cas, c'est comme tenter de dialoguer avec une entité extraterrestre. Chao.

L'église en bois et son statuaire mérite un petit détour, et sur la Plaza de Armas, deux gentilles dames tiennent le kiosque de choripan que nous honorerons de notre gourmandise. 

Un choripan c'est tout simplement un chorizo que l'on glisse dans un pain marraqueta. Et il y en a de meilleurs que d'autres... On dit que se sont les frères Maraquet, deux boulangers français qui seraient à l'origine de ce pain style baguette créé spécialement pour cet usage. 

Nous quittons rapidement cette ville quelque peu désolante et continuons notre trajet à la recherche d'un site de camping. 

Le village de Frutillar par contre est très mignon, mais nous ne nous y arrêtons pas, ça a l'air un peu trop chic pour camper sur le front de lac. Nous reviendrons demain.

La route est magnifique, les paysages ressemblent aux miniatures de chemin de fer que je faisais lors de ma tendre enfance. Des pelouses parfaites avec des arbres plantés exactement où il faut. De grands champs de blé, des champs de blé !! 
Amis québécois et Français, vous rappelez-vous la dernière fois que vous avez vu un champ de blé ? Il me semble que nos campagnes sont devenues de gigantesques et désespérantes plaines de maïs et de soja.

Oui, je faisais partie de ces enfants qui s'éclataient avec des chemins de fer miniatures. Chez mes copains, il y avait les aficionados des pistes de courses de voitures électriques, et les autres,  qui aimaient les vieilles locos et les wagons qui s'y accrochaient. 
J'aimais déposer une pluie de pelouse sur des coteaux englués. J'adorais brancher les lumières des maisons et de gares en plastique, coller des arbres et des futaies, des barrières et des lampadaires. Voir mes trains s'engouffrer sous des tunnels, et organisait à l'occasion quelques accidents épouvantables ou des attaques dignes des meilleurs westerns.

Donc, les paysages sont un heureux mélange de décor de modèle réduit, ou de campagne tyrolienne. Il n'y a aucun doute, l'héritage germanique a laissé des traces. Tout est propre, les pelouses parfaitement tondues et les massifs d'hortensias plus immenses que ce qui est possible d'envisager.

Enfin, nous tombons sur un chemin qui descend vers le grand lac Llanquihue. La voie est carrossable, de toute façon notre camionnette a passé presque tous les tests de hors-piste et à notre grande surprise a brillamment réussi les épreuves.

Ce qui semblait un site prometteur est hélas très exposé au vent fort qui souffle du lac. Il est encore tôt, il y a du soleil, et déjà, nous avons froid. Ensuite, en fouillant un peu dans les buissons, nous trouvons quantité de déchets confirmant l’intérêt sexuel de ce lieu éloigné de tout. Décision est prise de quitter l'emplacement et de nous rapprocher de Puerto Varas. Nous verrons bien, si sur la route un autre emplacement nous intéresse.

Finalement, après quelques visites infructueuses, nous nous rabattons sur l'officiel camping Werner. C'est Herr Werner lui-même qui nous accueille et nous indique notre place. Et c'est aussi la première fois depuis très longtemps que je ressors mon verbiage allemand des boules à mites. Si j'ai perdu du vocabulaire, Herr Werner et moi arrivons quand même à nous comprendre.

Ses ancêtres se sont installés dans le coin il y a 150 ans (André qui a mal compris n'en revenait pas que le monsieur ait 150 ans…), et les générations suivantes ont tout fait pour conserver leur héritage teuton, surtout la langue. C'est donc plus facilement dans le doux idiome de Goethe que nous conversons. Le site est propre, calme, il y a de l'eau chaude dans les douches, un faible signal internet, et dans les fourrés il n'y a que des feuilles et des branches. Et en plus, on a une vue imprenable sur le volcan Osorno qui s'est entièrement dégagé de sa gangue de nuages et nous offre sa silhouette parfaite en cadeau de bienvenue.

Nous irons rapidement faire un tour au bled où une fête se prépare. Kiosques de toutes sortes, "Mondial de la bière" avec 5 comptoirs de cervezas artisanales et une grande scène où un groupe fait ses derniers tests de son.

On trouve vraiment de tout dans ces kiosques hétéroclites. Du matériel agricole, des statuettes de Jésus, Marie, Joseph. Ah non, pas Joseph. 

D'ailleurs pourquoi le pauvre Joseph n'est jamais représenté, ni en peinture ni en statut ? Après l'épisode de l'étable pouf, disparu. Et depuis, l'image du père en a pris un sacré mauvais coup…

De la bouffe, de préférence malsaine, completos, empenadas frits, churros, et autres sacs de chips, du matériel pour fumeurs de marijuana et des graines pour en faire pousser à la maison, des vêtements, des hectolitres de boissons gazeuses, alouette.
Nous repartons rapidement vers notre petite plage plus tranquille avec un verre de bière à la main.

La soirée sera calme et arrosée d'un excellent Cabernet-Sauvignon du clos Apalta que nous traînons depuis Santa Cruz. Il accompagnera à merveille la casserole de spaghettis à la sauce tomate.






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