Lundi 16 janvier – Santa Cruz - Oui, je sais, j’ai un demi-siècle…

Tout le monde est déjà parti bosser lorsque nous descendons honorer la table du petit-déjeuner. Encore une fois, c’est l’abondance et il serait malvenu de laisser des restes. Au moins ça nous tient au corps pour une partie de la journée.

En traînant correctement, j’arrive à l’heure que je m’était fixé pour monter dans un taxi et nous emmener à la surprise faite à moi-même.

En arrivant devant le sigle des Relais&Châteaux du Clos Apalta, André manque de souffle et me regarde en se demandant s’il ne rêve pas.

J’ai réservé une visite à 12h30 et à 13h45, nous passerons à table, on n'a pas tous les jours l’occasion de fêter son anniversaire.

La visite est rudement bien menée par Rafaël, qui nous explique tout le fonctionnement et la philosophie de ce fameux Clos Apalta qui appartient au puissant groupe Lapostolle, le papa du Grand Marnier.
Les cultures sont totalement biologiques, le raisin pousse de façon naturelle. On lâche des bestiaux, oies, canards ou moutons entre les rangs pour manger les mauvaises herbes et, par réaction, engraisser le sol.
Toute la vendange se fait à la main, les grains destinés au clos Apalta sont ensuite tous triés par 60 à 80 dames très concentrées, puis la récolte à nouveau vérifiée par un inspecteur des grains de raisin.

À partir de ce moment-là, le processus de vinification commence. C’est simple, mais trop long à expliquer, il faut venir sur place.
Pour résumer, tout le raisin part du sommet de la bâtisse, et par simple gravité, se retrouve dans les tréfonds des fondations pour y passer quelques mois au frais dans des barils en bois.

L’ensemble est directement posé dans le roc de la montagne. Des centaines de tonnes de granit ont été excavées et transformées en dalle qui recouvre le sol. C’est la raison pour laquelle ce domaine n’a subi quasi aucun dommage lors du tremblement de terre de 2010. D’une échelle de 8,6, il a causé de nombreux morts et la perte de centaines de milliers de bouteilles chez les viticulteurs de la région.
Chez Apalta, ce sont les 6 bouteilles en démonstration dans la boutique qui sont tombées.

Enfin, nous accédons au Graal, la salle de dégustation. C’est aussi la dernière étape de vieillissement du vin en tonneau et surtout, la réserve personnelle du grand patron. Sous la salle, tel un sous-marin du Paradis, des milliers de carafes sont entreposées sous une épaisse dalle de granit. Nous n’y avons accès qu’avec les yeux…

Sauvignon, Merlot et le très fameux Apalta seront servis en doses généreuses. Comme je ne vois aucun seau pour cracher, je me dois d’avaler ces délicieux jus. Évidemment, les lampées d’Apalta sont plus délectablement dégustées et nous prenons le temps d’en apprécier chaque goutte. La bouteille, au domaine, vaut plus de 160 $ CA… Bizarrement, il est un peu moins cher à la SAQ à 119 piasses, quand même.
Assemblage de plusieurs cépages, dont le très chilien d’adoption Carménère, je lui trouve le prestige et la corpulence d’un bon Bordeaux. Excellente observation, me lance alors Rafaël, le Carménère est justement un cépage d’origine bordelaise.

Tiens le Carménère puisque on en parle. Suite à la destruction d’une majeure partie des vignobles français par le terrible Phylloxera, des porte-greffes sont réintroduits en provenance des Amériques.

Seul le Carménère ne sera pas repris, car trop exigeant en ensoleillement et sensible aux maladies, il restera confortablement installé dans les vallées chaudes et venteuses du centre du Chili. D’ailleurs, c’est l’un des seuls pays au monde a n’avoir jamais eu à combattre l’immonde petite bestiole. C’est peut-être pour ça que les contrôles douaniers sont aussi sévères.

Allez, il est temps de laisser notre aimable guide et de se diriger vers la terrasse où j’ai pris soin de réserver une table.

Le repas quatre services est accordé avec les vins de la maison, la vue sur l’immense vallée est à couper le souffle et la piscine, qui ne nous est hélas pas accessible nous fait de l’œil de son regard céruléen.
La nourriture et le service sont à la hauteur de la réputation de la maison. 

Un couple d’Américains profite comme nous de ce bonheur. Un couple de très riches Franco-italiens ne se doute même pas du privilège que leur octroie leur statut social.

Ce délicieux repas se déroule sous l'ombre de la terrasse de la grande maison. Tout ici est calme et volupté, à nos pieds, les vignes subissent l'écrasante chaleur en laissant tranquillement mûrir leurs raisins. N'eut été les 1 200 $US pour une nuit, nous serions bien resté ici un peu plus longtemps, mais la réalité n'est jamais trop loin.

Notre taxi est venu nous chercher. S’ensuit une longue sieste, remplie de nymphes piétinant les grappes juteuses, dans une chambre où la température frôle le coma.

La soirée sera courte et frugale, il est déjà temps de penser à refaire nos sacs et à préparer la suite du voyage. À l'horizon l'immense panache de fumée continue d'envahir le ciel bleu. Quelques cendres volettent au hasard des courants d'air, il ne semble y avoir aucun moyen de stopper cet incendie. 

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