Mardi 31 janvier – Valdivia – La croisière s'amuse

Ce matin, nous sommes les premiers à occuper une table dans le domaine de Cristina, la tenancière des lieux. Maîtresse femme que nous charmons immédiatement, il faut savoir qui se mettre dans la poche pour être tranquille !
Pain, jambon, fromage, confiture et pâtisserie seront notre petit-déjeuner.

Nous partons visiter le marché. Coté fleuve, c'est la marée qui tient boutique, et les maraîchers sont en face, coté ville. Le tout se transforme en grand bazar plus tard en soirée.

Les pêcheurs étalent leurs prises de la nuit. Saumons, merlus, congres, moules de toutes les tailles, coquillages et crustacés. Derrière les étals, ça écaille, décapite, coupe, vide, taille, filète pour le plus grand bonheur des cormorans qui ramassent tout ce qui passe. Les lions de mer ne sont pas en reste et plongent sur quelques carcasses jetées à l'eau.


En face des poissonniers, les fruits et légumes apportent des touches de couleurs et des odeurs plus agréables. 

Pommes de terre colorées oblongues et énormes gousses d'ail de Chiloé ; fromages de vache et de chèvre parfumés aux herbes ou au merken, le piment fumé ; pots de miel, dont le fameux miel de ulmo, un arbre dont les fleurs très odorantes donnent un miel exceptionnel ; ballots de cochayulloluche et ulte, des algues séchées utilisées dans des soupes, salades ou dévorées comme des chips, et que nous n'avons pas encore goûtée ; croquantes salades, radis roses ; chapelets de moules fumées ; seaux remplis de bouteilles de boissons gazeuses, vieilles revues et statuettes de la Sainte Vierge.


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À l'heure de l'apéro, nous nous rendons chez Entrelagos, chocolatier réputé et salon de pâtisserie et café comme à Vienne.

Je commande une petite pointe de Sachertorte avec mon expresso et vois arriver un demi-gâteau haut de 40 centimètres. Le gourmand en moi jubile, surtout que depuis notre arrivée mon short est de plus en plus à l'aise autour de ma bedaine. 

Misère, ce gâteau n'en finit plus. C'est riche en chocolat, riche en confiture, riche en tout, mais je n'en peux plus, je suis au bord de l'apoplexie. Malgré mes années d’entraînement et ma voracité à toute épreuve, le pâtissier fou d'Entrelagos a eu raison de ma gourmandise.
Je vais devoir marcher plusieurs dizaines de milliers de pas pour tenter de brûler ces calories.

À l'heure prévue, nous nous dirigeons vers le quai où est amarré le bateau de croisière. Les gens se poussent inutilement puisque les places sont nominatives. Ce que semble découvrir nos hôtesses qui tentent de repérer des sièges non identifiés. Après quelques hésitations et erreurs, tout le monde trouve un endroit où se poser.
Derrière nous, les Bidochon commencent déjà à se faire remarquer.

Le service du repas va débuter. 
Le bal du commandant commence avec un petit pisco sour pour nous mettre dans l'ambiance, des empanadas frits, aliment qu'il ne nous est plus possible d'ingérer depuis notre expérience à Valparaiso. Nous essayons quand même de faire bonne figure, mais j'abandonne à la première bouchée et André emballe le sien discrètement dans une serviette en papier.

Mon bœuf est archi cuit et le saumon en face de moi n'est guère plus agréable qu'un bout de carton sec. Les Bidochon se font plus indiscrets et madame, vautrée sur sa banquette claque quasiment des doigts pour avoir du service. Finalement le commandant ne se présente pas, et nous nous hâtons de quitter ces agapes avant le dessert.

Vite, un bol d'air pur sur le pont supérieur ! 
Le paysage déroule ses charmes au rythme lent et contemplatif de notre paquebot. Le soleil et le vent frais se passent le mot pour nous tendre un piège, mais nous nous sommes déjà faits avoir et la crème solaire vaporise continuellement nos épidermes. D'autres n'auront pas le même réflexe et s'en mordront les doigts amèrement.

Le bateau longe la côte du fleuve Valdivia en direction de l'océan et se dirige vers notre première escale, le village de Corral.
L'embouchure du fleuve est sérieusement défendue des invasions maritimes par un système très efficace de forts armés jusqu'au dernier créneau. Au moins 17 places-fortes ont été construites par les conquistadors espagnols entre les XVII et XIXe siècle. Les tirs croisés de leur puissante canonnade empêchaient pirates, corsaires ou ennemis héréditaires de venir troubler la quiétude et le commerce des colons hispaniques.

Nous abordons le ponton de Corral au bout de presque deux heures de navigation et allons visiter le fort San Sebastián de la Cruz. Accueillis par une haie d'honneur de jeunes militaires d'opérette, nous franchissons les épais murs en nous acquittant d'une modique somme.

Les ruines sont bien entretenues et on dirait qu'un spectacle de grande envergure se prépare. Les jeunes fantassins défilent au rythme du tambour et se mettent en place sur le terre-plein. Mais, hormis quelques bousculades entre les compagnons d'armes, rien ne se passe. Pourtant, tous les touristes attendent avec calme que quelque chose se produise. Ça commencera sans nous, car nous avons quitté l'enceinte de granit pour nous promener dans les quelques rues du village. 

Des pêcheurs de retour de marée débarquent leur marchandise, des pélicans guettent les entrailles lancées par-dessus bord ; un enfant turbulent se blesse sérieusement à la tête en chutant d'un muret que sa maman lui avait interdit ; une vieille excentrique promène son caniche qui a profité du restant de la teinture violette de sa maîtresse.


Le bateau repart en direction de l'île Marques de Mancera où un autre fort, le Castillo San Pedro de Alcántara nous attend.
Très joli petit archipel perdu au cœur de l'estuaire, l'île est paisible, enfin jusqu'à l'arrivée des bateaux de croisière et de leurs hordes de touristes. Nous avons de la chance en étant les premiers à débarquer et grimpons d'un pas leste vers les fortifications. L’entraînement des derniers jours nous est profitable, et nous avons de longues minutes d'avance sur nos compagnons de croisière.

Là aussi une négligeable obole est demandée pour accéder au site. Murs épais, ruines de chapelle, vieux canons rouillés et inutiles témoignent de l'importance de cette région que les Espagnols défendaient bec et ongle.

Une épave au milieu du fleuve témoigne du dernier tsunami que cette région a subi. D'ailleurs, un peu partout, dans les villages que nous avons visités, des pancartes indiquent le chemin à suivre pour échapper à la grande vague. 

Sur la route du retour vers Valdivia, le bateau passe devant les immenses stocks de copeaux de bois destinés à l'industrie papetière, quelques chalutiers colorés reflètent leurs peintures vives dans les vagues, de très cossues propriétés sont posées comme des maisons témoins sur les berges gazonnées et bien entretenues.


Nous traversons une réserve protégée peuplée d'herbes se berçant au grès de la houle et de paddle qui tomberont comme des mouches au passage de la vague de notre rafiot.

Sur le quai, un couple effectue une danse traditionnelle très entraînante, des vendeurs étalent leur marchandise sur des tapis, quelques hippies bohèmes tressent bracelets et autre ornements en fil et sur le ponton, les lions de mer profitent des derniers rayons de soleil en ronronnant de plaisir. Ce séjour sur l'eau aura été finalement épuisant et un tout petit trop long. Mais c'est l'activité à ne pas manquer à Valdivia.

Encore une fois, ce sera sur les chaises en bois de La Última Frontera que nous finirons la soirée. Cette fois-ci pas question de diplomatie, en faisant sagement la file pour se voir attribuer une place, nous allons faire comme les locaux et entrer choisir une table libre. 

On peut faire confiance à André pour ce genre de situation, il ne tergiverse pas avec les bonnes manières et nous trouve une table plus vite que tous les autres. 

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