Mexique 2020 - Mezcal et Pulque

Le Mezcal

Verres à mezcal, Oaxaca, Mexique
"Para todo mal, mezcal, para todo bien, también’’ 
Quand tout va mal, mezcal, quand tout va bien, aussi ! 

Le meilleur mezcal du Mexique, donc du monde, est fabriqué à Oaxaca. 
Le mot mezcal est issu de la langue nahuatl (metl et ixcalli), qui signifie ‘’agave cuit au four’’. 
Agave (nom masculin)
Plante d'origine mexicaine, décorative, dont on tire des fibres textiles (sisal) et un suc fermenté (pulque).
Et franchement, ça a été une vraie découverte et une belle surprise de redécouvrir cet alcool longtemps méprisé. 
Longtemps, j’étais resté sur le mauvais souvenir de ma dernière et très lointaine cuite de marin licencieux au mezcal bas de gamme et son fameux insecte noyé au fond de la bouteille. 
D’abord, dans le mezcal, il n’y a pas de ver. 
De toute façon, ce n’en est pas un. 

Gusano, mezcal, Mexique, Oaxaca
Le gusano de maguey est la larve (le terme gusano est traduit par ver en espagnol, mais par chenille au Mexique) de Comadia redtenbacheri, le papillon de nuit qui pond ses œufs sur la plante et dont la larve parasite l’agave. 

Dans les années 40, un industriel a la brillante idée de balancer la bibite au fond d’une bouteille de mezcal destinée aux gringos de Nord pour le différencier de la tequila et faire le buzz avant que ce terme soit à la mode. 

Le mezcal est considéré comme un alcool de qualité supérieure au tequila (oui oui, el tequila est un mot masculin), en raison de son processus de fabrication. 

Agave, palenque, mezcal, Oaxaca, Mexique
La fabrication du mezcal reste totalement artisanale, alors que le tequila est produit industriellement et issu uniquement de l’agave bleu tequilana Weber, le mezcal joue sur toute une gamme de registres. 

Composé à 100% d’agave et doublement distillé, il se boit en le dégustant, surtout pas en se l’envoyant derrière le cornet en mordant dans un morceau de citron, sacrilège ! 
De toute façon, vu le prix du verre, il vaut mieux l’apprécier. 

Pour ceux que ça intéresse et qui ont plus de 18 ans, voici quelques détails de l’élaboration du mezcal. 

Il existe plus de 250 types d’agaves (maguey) au Mexique, pour 12 familles, toutes servant à fabriquer le mezcal. Les plantes sont matures entre 7 et 35 ans, peuvent être cultivées (cultivado), semi-cultivées ou sauvages (sylvestre). 

L’agave n’est pas un cactus, mais une succulente
Les cactus sont des plantes succulentes à épines plus ou moins aiguës, et les succulentes ne piquent généralement pas... Mais comme il y a toujours des exceptions pour confirmer la règle, on trouve aussi des cactus qui ne piquent (presque) pas, comme le cactus de Noël, ou des succulentes à épines, comme certaines euphorbes...(source : gerbeaud.com) 

Toute la difficulté d’un maestro est de trouver le spécimen sauvage qui fera le meilleur mezcal. Malheureusement, la course à la rareté et l’absence totale de gestion sont en train de menacer les espèces sauvages qui sont les plus lentes à pousser. 

L’agave sauvage aurait des saveurs plus complexes que son pendant cultivé, ce qui explique l'engouement des connaisseurs fortunés. C’est sa lenteur à croître qui apporte toutes ses subtilités à la plante. 
À l’instar du raisin pour le vin, l’agave va complètement s’imprégner de son terroir pour en faire ressortir ses particularités, mais il va mettre plusieurs années avant d’arriver à maturité.

Agave Espadin, culture, Oaxaca, Mexique, mezcalL’agave Espadin (agave angustifolia) est la variété la plus répandue, demande 7 ans de patience avant de pouvoir être récolté et représente 90% de la production de mezcal. 
Il développe une grande concentration de sucre et donne un alcool doux, fruité et légèrement fumé. 

Tobala, agave potatorum, mezcal, Oaxaca, Mexique
Agave Tobalá
L’agave Tobalá (a. potatorum), est une variété sauvage et rare qui donne le ‘’roi des mezcals’’ au goût vibrant, complexe, terreux, sucré et épicé. On doit attendre plus de 10 ans avant de récolter. 

Tepextate (a . marmorata) pousse en 25 à 35 ans, et est l’agave le plus long à arriver à l’âge adulte. Son mezcal au nez minéral développe un goût floral, frais et épicé. 

Tobaziche et Madrecuixe (a. karwinskii), ressemblent au yucca et mettent 10 à 12 ans avant d’arriver à maturité. Le mezcal dont il est issu développe des notes herbacées et savoureuses. 

Mezcal Ilegal, joven, reposado, anñejo, Oaxaca, Mexique
Nous avons bien sûr goûté à toutes ces variétés, qu’elles soient joven, reposado ou añejo.
Laquelle est la meilleure ? Aucune idée, tout dépend du goût de chacun. 

Sa dégustation n’est pas à prendre à la légère, même si l’ambiance des mezcalerias est à mille lieues de l’ambiance empesée des vinothèques et autres snobs du claquage de langue, borborygmes et crachats vermeils dégueux dans un seau. 

Les mille subtilités de cet alcool sont autant de surprises et de découvertes qui méritent de longues pauses dans des bars intimes où l’on est toujours accueillis avec plaisir et conseillés avec professionnalisme. 

Ce qu’il y a de bien avec cette plante préhistorique, c’est qu’elle ne supporte pas les produits chimiques, il n’y donc aucunes pulvérisations ou apport de cochonneries monsantesque, car la plante en mourrait. 
Évidemment en version cultivée, l’arrosage régulier permet de faire croître les plantes plus uniformément, mais il faut tout de même patienter 7 ans avant de pouvoir récolter les agaves matures. 

Coa, Jimador, piñas, agave, mezcal, Oaxaca, MexiqueEnfin, le temps de la récolte (jima) arrive. 
Le cultivateur (jimador) coupe les longues feuilles à l’aide d’un outil tranchant (la coa) pour ne garder que le cœur (la piña). 

C'est un vrai boulot de forçat, car outre les traitresses épines des bouts de feuilles, la sève de l'agave est irritante car elle contient de l'oxalate de calcium et de la sapogénine deux substances pouvant causer des réactions cutanées importantes.

Palenque, agave, mezcal, Oaxaca, Mexique, photo de Frank Bauer pour le magazine Beef
Crédit photo : Frank Bauer
Les piñas, qui peuvent peser plus de 40 kilos (il en faut entre 70 et 100 kg pour produire 10 litres d’alcool), sont coupées en deux ou en quatre, puis cuites pendant 2 à 4 jours à l’étouffée dans un four (palenque) creusé en pleine terre sur un lit de pierres préchauffées 24 heures à l’avance. On recouvre le tas avec les fibres humides des broyages précédents, puis avec des feuilles de palmes et d’agaves, puis on scelle le tout avec une couche de terre. 

Piñas, agave, palenque, cuisson, Mezcal, Oaxaca, Mexique
Une fois la cuisson terminée, il faut sortir les piñas de leur hammam, et les laisser reposer 1 semaine à l’air libre. Elles sont ensuite broyées dans un moulin à pierre, et cette bouillasse est mélangée à de l’eau puis fermente dans une cuve en bois de 1 semaine à 1 mois avant d’être distillée dans des alambics en acier inoxydable, en cuivre ou en argile. 

L'alcool obtenu sera distillé une deuxième fois (voire une 3e et une 4e) et on pourra y ajouter des saveurs originales comme des herbes aromatiques (Herbsman 420), du poulet ou de la dinde cuite avec son mole (mezcal pechuga). On y a goûté, c’est pas mauvais. Spécial, mais pas mauvais… 

Mezcal jóven, agave, Oaxaca, Mexique
Fraîchement sorti de l’alambic, le liquide clair comme de l’eau-de-vie de roche est mis en bouteille et se voit affublé du nom de jóven, jeune. Vieillit en barrique pour 6 à 12 mois, il devient reposado, et s’il continue sa sieste à l’ombre des planches de bois des fûts de chêne, il obtient le vénérable titre de añejo
Certains mezcals peuvent rester jusqu’à 12 ans en barrique et la subtilité de son goût devient incroyable. 

Mezcals 5 Sentidos. Pechuga, Tobaziche, Tobalá. Mezcal, Oaxaca, Mexique
Il titre entre 36 et 50º, mais nous avons dégusté un Tobaziche de derrière les fagots qui en faisait 57, et ça frise le poil de moustache même si on est imberbe de la lippe.

Les mezcals 100% agave, sont issus d’une seule variété de plantes, ou peuvent être des assemblages. Des tas de cocktails ont vu le jour depuis que cet alcool est devenu à la mode, c’est une autre façon d’apprécier ce beau produit. 

On dit que le mezcal accentue l’état dans lequel on est lorsqu’on le boit. 
Si t’es bien, alors tu vas l’être encore plus. Par contre, si t’es en tabarn’k, ça va pas bien aller, rentre te coucher !  

Mezcaleria Ilegal, Oaxaca, Mexique
Dans les bars de Oaxaca, il est servi généralement dans des petits verres de 2 onces qui ressemblent plus à des bougeoirs d’église qu’à un verre de dégustation.

Il trouve plus sa place dans un verre Inao (verre de dégustation des vins créé par l'Institut National des Appellations d'Origine), ou le verre tulipe créé spécialement pour lui. 
Certains bars le servent dans des petits bols d’où il exhale bien ses parfums. 

Accompagné d’un verre d’eau pour se désaltérer entre deux gorgées, de tranches d’orange très juteuse trempées dans du sel de gusano (sel, piment et chenille en poudre), ou d’une bière, le mezcal ne se cale pas. Il se déguste, se sirote avec gourmandise, se hume, se compare, et se recommande auprès de votre barman préféré.

Mezcals 5 Sentidos, mezcal, Oaxaca de Juarez, Mexique
Andrés Henestrosa, poète, écrivain et intellectuel en tout genre, disait : 
Le mezcal est une boisson magique, mystique et extraordinaire. Lorsque vous en buvez en quantités raisonnables, il éveille l’esprit, calme le chagrin, stimule l’imagination, supprime le ressentiment, accompagne la solitude et rend le monde bien meilleur

Prêt pour une dégustation ? 

.....

Le Pulque

Mayahuel, aztèque, agave, aguamiel, pulque, Mexique
Mayahuel, déesse de l'agave
Tant qu’à être dans l’agave, on ne peut passer à côté du pulque. 

Avant l’arrivée des conquistadors, il n’y avait pas d’alcool distillé dans le Nouveau Monde. Ce n'est qu'au 16e siècle que l'aguamiel fut distillé pour être transformé en mezcal.

Ça ne veut pas dire que les indigènes ne se rinçaient pas le gosier à la taverne avec une boisson alcoolisée de temps en temps. 

Quand il s’agit d’entonner des chansons paillardes ou de danser sur une table avec un slip sur la tête, l’homme est toujours plein de ressources et ferait fermenter n’importe quoi. Qu’importe la plante, pourvu qu’il y ait l’ivresse. 

Tepoztēcatl, aztèque, pulque, agave, Oaxaca, Mexique
Tepoztēcatl
Donc, un beau jour de l’an 20 (comme dans 0020), quelqu’un eut l’idée de couper les feuilles internes d’un plant d’agave, et de creuser une cavité dans le cœur, juste comme ça pour voir ce qui allait se passer. 

Par bonheur, le plant se mit à produire de la sève, appelé aguamiel. Très généreux, il produit, presque 2 litres de sève par jour pendant trois à cinq mois. 

Aguamiel, pulque, acocote, mexiqueAspiré grâce à l'acocote, une calebasse trouée puis transvasé dans un contenant, le liquide laiteux va fermenter en 24 heures pour atteindre entre 3 et 6º d’alcool, et doit être bu assez rapidement, car il ne se conserve pas. 
Le pulque, boisson des dieux, était né. 

Malgrés leurs deux dieux dédiés à l'alcool, Mayahuel, femme aux 400 seins, déesse de la fertilité, de l'abondance, de l'ébriété mystique et de l'agave.  Et Tepoztēcatl, dieu ayant découvert la fermentation du pulque, la boisson demeure le privilège des bien nés.
Cette boisson était exclusivement réservée aux nobles seigneurs aztèques, et également aux vieillards de plus de 70 ans, ce qui, vu l'espérance de vie devait fortement limiter les quantités récoltées.
Les futurs sacrifiés pouvaient également en consommer jusqu’à en oublier leur funeste sort. 

Aztèques, lapidation, sacrifice, punition, ivresse, pulque
En ces temps lointains, toute personne surprise ivre (même les jeunes nobles) était tondue en place publique. La deuxième fois sa maison était démolie, à la troisième elle se balançait au bout d’une corde, probablement tressée en fibre d’agave ou plus simplement lapidée. 
On ne rigolait pas avec la tempérance ! 

Les Espagnols tentèrent d’interdire la consommation de pulque, mais finirent par légiférer et installer des pulquerias, des tavernes où les hommes dans un coin et les femmes dans un autre, loin, purent continuer à consommer tranquillement la boisson ancestrale. 

En 1600, les autorités réduisent drastiquement le nombre de ces lieux de débauche, mais comme à chaque fois, il suffit qu’on interdise quelque chose pour qu’il devienne encore plus populaire. 

Pulqueria, Mexique, pulqueÉvidemment, l’Église, les classes supérieures puritaines et le gouvernement considèrent les pulquerias comme des menaces pour l’ordre social, représentant la paresse, la luxure et un comportement dégénératif menaçant le progrès de la société. 

C’est finalement l’expansion de la consommation de bière qui va venir à bout de ces établissements, et dans les années 1930, leur nombre a fortement diminué, jusqu’à pratiquement trépasser. Considérée comme une boisson de pauvres, le snobisme de la société moderne a failli faire disparaître totalement cette boisson divine. 

Pulque, pulqueria, Mayahuel, Oaxaca, Mexique
Aujourd’hui, le pulque revient tranquillement à la mode grâce aux hipsters moustachus, et on s’est rendu compte qu'il avait de nombreux attraits pour la santé. 

Dans les pulquerias, on affiche fièrement : ‘’si le pulque avait un degré de plus, ce serait de la viande’’. 
Mis à part son faible degré d'alcool qui enivre, mais ne saoule pas, et sans aller jusqu’à valider cette affirmation, le pulque contient beaucoup de nutriments. 

1 litre de ce breuvage contient : 200 calories, 11g de glucides (le Caca-Cola et les jus de fruits en contient 110/130 g), 4g de protéines, des vitamines B1, B2 et C, du calcium, du phosphore et du fer. 

Pulque, pulqueria, Mayahuel, Oaxaca, Mexique
Il est réputé, et je le confirme personnellement, pour réparer la flore intestinale, bon pour l’intestin, et l’ensemble du système digestif, car très riche en probiotiques. 
Il contient des enzymes qui accélèrent le métabolisme et de la mélatonine qui régule les phases de sommeil. 
Les plus optimistes l’appellent le viagra mexicain pour ses supposées propriétés aphrodisiaques. 
Pure, mélangée à des jus de fruits (curado) ou incorporée dans des cocktails, cette boisson, au très léger goût de kombucha, est très agréable à boire.

La Cosecha, Oaxaca, Mexique, Pulque, Aguamiel

2 commentaires:

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...