Andalousie - Séville - 1/2

Vendredi 22 mars – Séville, en passant par Jerez de la Frontera

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Nous emballons rapidement nos sacs à dos et partons chercher la voiture. 

Le vent souffle très fort, le ciel est complètement voilé, mais pour l’instant l’important est de retrouver la C4 dans ce labyrinthe sous-terrain. 

Je suis stationné à 1 Kikiriki qui !, c’est quand même plus sympa qu’un numéro insignifiant, mais à la grandeur de ce stationnement, un peu excentré - et vraiment moins cher-, ça reste quand même un mini défi de se repérer. 

Nous sortons rapidement du terrier, et j’essaie de rebrancher mon téléphone sur le système intégré de la voiture. Ça ne fonctionne pas. 
J’ai beau essayer toutes les manœuvres, Bluetooth, car Play, My Citroën, Connect Play, avec le fil ou sans, rien ne fonctionne et je me perds dans le dédale des rues à sens unique de la vieille ville. 

Cette journée commence sous les meilleurs auspices. 

Enfin, au bout de plusieurs soupirs et demi-tours, nous retrouvons la ruelle de notre logement et pouvons charger les bagages dans le coffre. 
Avant de monter sur le majestueux pont de la Convention de 1812, j’essaie encore de relier mon téléphone au système de la voiture. Sans plus de succès.

Opération que je retenterais de nombreuses fois au risque de tout balancer par la fenêtre, mais je me contenterais de la voix de cacanne sortie directement du téléphone qui tombe à chaque virage et se retrouve sur le sol d’un côté ou de l’autre. 
Sainte-Patience priez pour moi ! 

Le vent est devenu fou, ce ne sont plus les cornes qui s’envolent, mais les taureaux attachés après ! Le ciel est complètement fermé, il y a une épaisse couche de sable sur toute la surface de la région. 
Les voitures - sauf la nôtre qui dormait sous terre – sont toutes de la même couleur : Impression Sahara. 

Nous sommes dans la région viticole où le célèbre Xérès est produit, et justement nous allons faire une escale à Jerez de la Frontera

J’espère qu’une bonne pluie viendra enlever toute cette poussière des feuilles naissantes, sinon je doute de la bonne croissance des vignes. 

Encore une fois, le de la Frontera donne une idée de la position de la ville lors de la guerre entre Rois Catholiques et royaume musulman.
Lors de fouilles archéologiques, on y a retrouvé des restes de remparts, de maisons, des sites de vinification, un port fluvial sur le Guadalete et une nécropole, d'origine phénicienne. L'ensemble a été daté du VIIIe au IIIe siècle av. J.-C.
C'est donc la plus ancienne cité phénicienne trouvée jusqu'à présent dans la péninsule Ibérique.
La cité, conquise par le roi Alphonse X en 1264, est un haut-lieu de l'art équestre et réputée pour la production du vin de Xérès (Sherry pour nos voisins anglais), un vin blanc muté (comme le porto).

Le stationnement conseillé n’est pas accessible, les estrades en construction pour les défilés pascals ont bouleversé l’accès au centre-ville. Je me jette sous le premier panneau 
P en vue et nous pouvons enfin aller visiter rapidement le centre historique. 

Remontant la rue commerçante, nous prenons un café avant de passer devant la cathédrale

Église bâtie sur les ruines de la Grande Mosquée elle-même recouverte par l’ancienne église du 12e qui fut détruite parce qu’en trop mauvais état, elle est inaugurée en 1778. 

C’est Jean-Paul II qui la consacre cathédrale en 1980, et oui, nous allons aussi la visiter. 
À chaque fois je dis : tant qu’à être là… 

En tout cas au prochain séjour en Andalousie, la liste de monuments à visiter sera considérablement réduite. 

Avec le billet d’entrée nous avons droit à l’audioguide et oh joie ! à un casque de vidéo 360° qui nous fait voler comme des pigeons entre les piliers de la nef et au-dessus du maître-autel.

Peintures de grande valeur, dont une Vierge enfant en méditation, oeuvre de Francisco de Zurbarán datant de 1664. 
Personnellement j'ai plutôt l'impression qu'elle pique un petit roupillon, son roman devant être prodigieusement ennuyeux.

Une sculpture d'oiseau - cygne ou pélican ? - semblant nourrir ses petits m'intrigue. Nous avons plusieurs fois vu cette représentation du grand oiseau et après quelques recherches, je comprends le lien entre celui-ci et la religion. 

En Europe, le pélican était au Moyen Âge un symbole d’abnégation, étant réputé capable de nourrir ses jeunes de son propre sang en cas de disette. Ce mythe pourrait provenir de la distance entre sites de nidification et de pêche : comme il leur faut un lieu de reproduction abrité de leurs prédateurs potentiels, celui-ci est souvent éloigné de leurs sources de nourrissage, ce qui les oblige à des déplacements sur de longues distances. On ne les apercevait donc pas s’alimenter et nourrir leurs petits en même temps. 

Ainsi est née la fable du pélican se transperçant le poitrail pour nourrir ses petits de son propre sang, et c’est en raison de cette fable que l’iconographie chrétienne s’est emparée de l’oiseau pour en faire un symbole de la Passion subie par le Christ pour le rachat de l’humanité.
Le pélican symbolise la piété, la charité et le sacrifice du Christ, qui verse son sang pour le salut du genre humain

Statues et petites chapelles, jardin des orangers, nous parcourons toutes les salles et tous les recoins avant de nous retrouver sur le parvis, l’estomac criant famine. 

Un sandwich au jambon bellota et un cornet de chicharones avalés sur un rebord de tonneau et nous reprenons la route vers Séville. 

La campagne est toujours balayée par un vent fort, le sable virevolte sur la route, on n’y voit pas plus loin que 4 ou 5 kilomètres, heureusement, la clim fonctionne parce que le thermomètre indique 28°. 

Nous entrons dans les faubourgs, puis nous retrouvons rapidement dans les embouteillages de fin de semaine. L’accès à notre appartement est des plus compliqués, tous les accès sont fermés. Les estrades, les barrières et beaucoup trop de policiers bloquent les rues de la ville. 

Je décide finalement de rendre immédiatement la voiture au loueur et nous irons à pied avec armes et bagages à travers les rues devenues piétonnes. 

C’est l’effervescence la plus totale en cette fin de journée. Les bars, pâtisseries, restaurants, cafés, glaciers sont tous pleins à craquer. 
Des groupes d’EVJF – il paraît que c’est plus cool, surtout moins long qu’enterrement de vie de jeune fille – hurlent et se promènent dans les rues. Les filles, déguisées, croisent des groupes d’EVG – enterrement de vie de garçon - et ça crie encore plus fort. 

Les bagages déposés, nous sortons et allons, nous aussi, crier dans les rues. 

Non, nous nous contenterons juste quelques cervezas grande pour avaler toute cette poussière et le tour de quelques rues pour nous imprégner de ce début de semaine sainte avant de retomber sur le bar Alfalfa où nous trouvons tout de suite une place au bar, et où la serveuse est aux petits soins avec nous.

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CLIC - CLAC, merci Cricri !
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Andalousie - Cadix - 2/2

Jeudi 21 mars – Cadix – Religion, merlu, hard rock et face de bœuf

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Finalement, le déluge annoncé n’aura pas lieu. Seuls quelques nuages et un ciel gris nous accompagneront tout au long de la journée.

Après les agapes matinales, nous nous dirigeons vers le Mercado Central de Abastos
Les étals sont tous ouverts. À l’extérieur, les fruits et légumes ornent les petits kiosques, les bouchers et charcutiers exposent leurs jambons et saucissons et à l’intérieur, les poissonniers présentent les prises du jour.
Ronde de sardines, calmars dans leur encre, merlus aux dents acérées, ventrèche de thon, darne d’espadon, moules et huîtres, coquillages et crustacés, qui l'eût cru déplorent la perte de l'été. C’est frais, ça sent bon, c’est une invitation à la gourmandise. 

Nous faisons deux fois le tour de tous les commerçants, et sommes tentés d’acheter de quoi tenir un siège. Mais une visite prévue nous empêche de remplir nos sacs à dos. 

Il y a une file interminable devant l’entrée de la Cathédraleje repère un petit kiosque où un monsieur vend des billets. J’y vais, achète lesdits billets et il nous fait passer devant tout le monde en faisant un signe de connivence à l’agent de sécurité qui nous ouvre grand les portes de l’impressionnant édifice. 

Si l’intérieur n’est de loin pas aussi flamboyant que certaines chapelles que nous avons visitées, son volume est généreux. Contrairement à beaucoup de bâtiments, construits ou transformés sur des mosquées, cette cathédrale a été bâtie sur une ancienne église détruite par un incendie.

La crypte, immense, abrite les dépouilles du célèbre compositeur Manuel de Falla, originaire de Cadix et dont je n’avais jamais entendu parler jusqu’à voir son nom sur le fronton du Grand Théâtre.

On y trouve aussi des sculptures d’anges des années 1780, un beau Jésus en croix et quelques pierres tombales. 

Au-dessus, deux orgues, des anges, une sacristie, une ostie, deux tabernacles, deux calices et un cruchon d’eau bénite. 

Nous quittons la nef pour visiter la tour, et encore une fois il y a une file d’attente monstre. Je vais voir ''monsieur tickets'' qui nous fait passer devant tout le monde. 
VIP à Cadix ! 

Une tour de 40 mètres de haut avec seulement 16 marches, ça se peut-tu ? 
Oui, car comme à ___________ - remplis cet espace avec la ville précédemment visitée qui n’avait que 17 marches pour accéder à son sommet -, c’est un plan incliné qui nous mène au niveau des cloches. 

Si tu crois que des centaines de marches sont difficiles à monter, tente le plan incliné avec une cheville raide comme une barre à mine. Bien du plaisir en perspective. 
Heureusement, sur le côté, une corde solidement fixée au mur m’aide à me haler jusqu’au grand jour.

La Tour de l’horloge, c’est son petit nom, permet d’avoir une vue plongeante sur le corps massif de la cathédrale à nos pieds, et sur toute la ville. Un panneau nous informe que les cloches au-dessus de nos têtes sonnent toutes les 15 minutes. 

Mais que voyons-nous là-bas, dans le port ? 

Quatre gigantesques bateaux de croisière régurgitant des milliers de touristes en sandales et chaussettes hautes. Voilà la raison du pourquoi du comment de tous ces gens qui attendent leur tour de visite et que nous avons dépassés avec l’assentiment des autorités compétentes. 
Sur chaque masse flottante, pas moins de 3 500 touristes en goguette franchissent la coupée pour une visite express de la ville et ses principaux monuments. 

À la descente, nous croisons une dame totalement épuisée et sur le point de s’effondrer à qui nous confirmons qu’il lui reste les deux tiers à grimper. Elle fait demi-tour et regagne en soufflant le pont de son hôtel flottant, se promettant que plus jamais elle ne tentera une telle aventure. 

Sur la route de notre balade, nous passons à la Casa Caracol, l’auberge de jeunesse avec laquelle nous avons réservé nos nuits à Cadix. Le bâtiment principal est composé de dortoirs, mais ils ont également des appartements à disposition pour qui n’aime plus partager les pets et les ronflements. 
Merci, j’ai assez donné par le passé… 

La jeune et pimpante demoiselle de l’accueil est un vent de fraîcheur qui nous indique sur une carte de la ville quoi voir, visiter, écouter et où aller manger. Une sacrée mine d’informations. 

Au sortir de la Casa Caracol, nous passons par hasard devant la petite église paroissiale 
Santa Cruz dont l’entrée est gratuite. À l’intérieur, plusieurs pasos richement décorés et qui semblent peser des tonnes, attendent avec impatience leur sortie annuelle dans les rues de la ville. 

Parenthèse culturelle : les pasos – du latin passus, scène, souffrance – sont les statues posées sur des chars ou des brancards qui défilent lors de la Semaine sainte. 

En quittant l’édifice, je remarque une affiche indiquant que la visite de la Casa de la Contaduría – Maison de la comptabilité - est gratuite pour qui détient un billet de la cathédrale. Cet ensemble de bâtisses du XVIe siècle est construit au-dessus de la grotte de l’ancien amphithéâtre romain. 

Une grosse amphore découverte lors des fouilles décore le patio d'entrée.

Ce musée de la cathédrale abrite des œuvres d’art peintes, sculptées, gravées principalement religieuses. 
Allez hop, c’est parti pour le tour gratis du musée. 

Jamais dans tous nos voyages nous n’aurons autant fréquenté églises et musées, mais l’occasion est trop belle et l’art statuaire ou pictural religieux espagnol est à couper le souffle.

Nous traversons le patio et grimpons à l’étage où un Saint-Sébastien au look hispanisant et au corps idéalement musclé, mais tout de même transpercé de flèches, nous indique la route à suivre. 

Au fait, Sébastien n'est pas décédé de toutes ces flèches fichées dans son beau corps, il a fini par être battu à mort. O tempora, o mores.

Une Vierge à l’enfant en son sein pose sur nous un regard mélancolique, sachant le destin funeste de sa progéniture.

Un peu plus loin, trône l'ostensoir de la Custodia del Millón, ainsi nommé en raison du nombre de pierres précieuses qui ornent ce remarquable objet en argent. Il abriterait une épine de la fameuse couronne du Christ dont une peinture d’origine flamande se fait l’écho.

Suivent des livres de chœur démesurés des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, avec une composition délicate et d'extraordinaires miniatures sur leurs pages. 

Des dizaines de Christ sculptés dans de l’ivoire, des peintures de son calvaire, des objets du culte, des statues de saints avec bien sûr le sublime Saint-Christophe en marbre et plus encore sur deux étages d'une maison magnifique, voilà de quoi nous ébaubir et nous ouvrir l’appétit. 

Nous retournons au marché central et constatons que les kiosques de nourriture ont levé leur rideau de fer. Le choix est immense, même si beaucoup de croisiéristes sont venus s’y encanailler. 

Suivant les conseils de Mamzelle Caracol, nous faisons honneur au Rincon del Pollo et à son plat phare, le Mahareta, des morceaux d’ailes de poulet grillés et servis avec une sauce adobo, à base de paprika, vinaigre et épices. 
Un pur délice à manger avec les doigts accompagné d’une bonne Cerveza El Águila sin filtrar

Nous craquons ensuite pour des tortillas aux crevettes, des beignets de merlu, quelques pintxos, dont de l’avocat frit et menaçons d’exploser si nous ingurgitons encore la moindre miette. Pour faire passer toute cette friture, rien ne vaut une bonne glace et surtout une bonne marche en dehors des circuits balisés. 

Le long des anciennes murailles du nord de la ville, le petit parc Jardines Clara Campoamor, coincé entre la baie et la ville offre aux visiteurs deux gigantesque ficus centenaires surplombant le buste de José Martí, le célèbre poète et homme politique cubain. 

Les racines sont solidement plantées depuis 1903, date à laquelle une sœur missionnaire les a ramenés d’Inde et leur masse de grands-papas arbre impose le respect. 

Au quai des bateaux de croisière, pas moins de quatre villes flottantes ont jeté leurs amarres. 
Ayant déversé une grande partie de leur contenu dans les rues de la ville, ils trônent là, carcasses inertes, pétunant de leurs grosses cheminées des tonnes de fumées. L’odeur est forte, nauséabonde. 

Le ciel est devenu jaune, le plafond déjà relativement bas depuis ce matin, s’est obscurci de fumées toxiques qui piquent les yeux. 

Un bateau comme le Sky Princess, contient 3 600 passagers et plus de 1300 membres d’équipage. Avec ses 330 mètres de long, il expulse l’équivalent en soufre d’un million de voitures. PAR JOUR ! 

À quai, pendant une heure, il émet autant de pollution que 30 000 voitures, sans compter les eaux usées déversées en pleine mer – pas loin de 2 000 000 de litres -, et 19 tonnes de déchets solides. 
Oui, oui, toujours par jour… 


Ce soir, la ville ouvre ses places et ses espaces publics aux groupes de musique amateurs qui peuvent tonitruer jusqu’à 23 heures et certains ne se priveront pas de pousser le volume à la limite du supportable. 

Sur la plaza de Mina, juste à côté de notre logement nous allons écouter quelques notes du groupe qui se produit ce soir. On nous avait prévenus, es un poco duro, ouais c’est du hard rock et les jeunes musiciens qui ont enfin fini par balancer le son après quelques hésitations, s’en donnent à cœur joie. 
Les mamies regardent ça avec circonspection, les enfants surexcités dansent beaucoup trop près des haut-parleurs, et malheureusement nous devons partir avant la fin de ce morceau qui allait finir par briser les vitres de l’immeuble voisin. 

Il est déjà temps d’honorer la réservation faite au Cumbre Mayores, un réputé resto à tapas. 

C’est la toute première fois que quelqu’un me reprend sur mon accent. J’ai fait allemand et anglais à l’école et fais l'effort de parler dans la langue du pays - n'importe quel pays -, qui m'accueille, ne serait-ce que pour dire bonjour et merci, alors excusez ma prononciation.

Le serveur me demande dans quelle langue je veux le menu. Je lui réponds espagnol ou français, et j’en reçois un en allemand. Gros con. 

Vete a cagar, come mierda, comme on dit chez vous !

Et si je veux prononcer jamon au lieu de jamón, tu vas quand même me servir et faire l’effort d’apprendre une deuxième langue, face de pet.

Heureusement, il finit par être un tout petit peu plus sympa, ou alors le Rioja commence à faire effet, et la nourriture y est absolument excellente en plus d’être abordable. 

Un dernier petit verre de Manzanilla, une balade digestive pour voir un autre groupe de musique, plus rock que hard, un cornet de glace et c’est ainsi que se termine notre séjour à Cadix.

Entourée d’eau, offrant des points de vue différents et une ambiance très sympathique, la ville se vit tranquillement. 

Si ses longues rues étroites enserrées par de hauts immeubles peuvent donner l’impression de se sentir prisonnier - un peu comme à Grenade -, il y a rapidement une place, un jardin, un parvis d’église ou l’immensité de l’océan pour voir plus loin.


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